Elle est depuis plusieurs mois en travaux, désossée, et il n’en subsiste plus que la structure métallique. Elle était devenue moche, mais de par sa valeur historique, elle a de justesse échappé à la démolition et sera conservée, pour être tout de verre vêtue. Elle sera au centre d’un nouvel ensemble immobilier en construction : bureaux, immeubles d’habitation, hôtels particuliers et commerces.
Il était venu chez moi un soir de décembre où j’avais besoin de réconfort. Nous avions partagé vins et fromages, et les souvenirs de cette tour et de ma rue lui étaient revenus. Subitement. D’abord sans qu’il soit certain que c’était cette rue, cette tour, puis ensuite confirmés par sa grand-mère.
Il me les a racontés, et depuis, à chaque fois que je passe devant cette tour, je continue de les imaginer, chaque jour plus précisément.
Sa grand-mère en blouse blanche face à d’énormes ordinateurs, de grandes salles blanches, des pupitres de commande, de grosses imprimantes et des disques dur à l’allure de tambour de machine à laver. Tout cela pour gérer les parisiens et leurs allocations.
Des cadeaux qu’il avait fallu ramener jusque chez elle, quelque part loin dans le Val d’Oise. Ils avaient tous les deux les bras chargés de sacs et de paquets, le chemin paraissait sans fin au petit Toli, et pour sa grand-mère, c’était une page qui se tournait, un moment émouvant qu’elle avait souhaité partager avec son petit-fils.
Je ne connaîtrai probablement jamais sa grand-mère, mais leur souvenir est maintenant à jamais associé à ma rue et ils construisent avec tous les autres l’histoire d’une ville, ils lui donnent vie, à jamais.
Il aura suffi du hasard d’une soirée entre amis pour que se rencontrent ses souvenirs d’enfance et mon quotidien.
Maintenant, cette grande tour de métal n’est plus qu’uniquement un élément de mon paysage urbain. Ce sont aussi ces souvenirs, cette histoire, et ce que mon imagination a mis autour. C’est par eux que j’aime une ville, que j’aime Paris, que j’aime ma rue.