Je ne me souvenais même plus avoir lu le roman dont cette BD est l’adaptation graphique. Merci les moteurs de recherche ! Ce livre de Steve Tesich, un pavé, édité chez Monsieur Toussaint Louverture, a connu un grand succès à sa sortie en 2012. J’en parle de manière aussi enthousiaste que mitigée [ici]. Une occasion pour moi avec cet album de vérifier ou non cette première impression… De plus, j’ai été attirée par le dessin fin, léger et pointu de Bézian, sa mise en page presque psychédélique et le choix de ses couleurs. En effet, en dehors du noir et blanc, récurrent, Bézian privilégie une seule autre couleur par double page, choisissant de laisser ainsi dominer l’orange, le bleu ou le vert, en fonction des personnages présents ou des situations. Saul Karoo, le personnage principal, est un script doctor de talent, c’est à dire qu’il redécoupe et remonte les films qu’on lui confie. Cependant, à cinquante ans, le voici devenu une épave. Il est alcoolique, divorcé, ne prend pas soin de son grand fils adoptif Billy et n’a même pas d’assurance santé. Cependant, son entourage est bienveillant, s’inquiète pour lui, notamment Jay que le talent de Saul sauve régulièrement de la noyade financière. Il vient d’ailleurs de confier à Saul un nouveau film à sauver. Lors de ses nombreux visionnages, Saul découvre que le film est parfait, mais également que la voix de l’actrice qui joue la serveuse lui est familière. Il devine qu’il vient de faire connaissance avec la mère biologique de son fils, une jeune femme dont il avait entendu la voix au téléphone peu après la naissance de l’enfant. Persuadé de bien faire, voici notre anti-héros pris d’un grand projet, celui de remonter le film en incluant toutes les scènes coupées de Leila, et d’annoncer bientôt à la jeune femme que son fils est en réalité le sien… Vous devinerez aisément que ce grand dadais s’emmêle largement les pieds dans le tapis. Cet album est un véritable plaisir de lecture. J’y ai retrouvé une patte littéraire indéniable et beaucoup de poésie dans sa structure, épatée par Bézian et sa manière de traiter un roman que j’avais trouvé pesant. Rien de tel ici. En filigrane, le mythe de l’Odyssée d’Ulysse, le grand projet jamais réalisé de Karoo, étire son chant jusqu’à la toute dernière page… et c’est véritablement d’une beauté sans nom.
Lu dans le cadre de la BD de la semaine. Tous les autres liens sont chez Moka aujourd’hui !
Editions Delcourt – 4 septembre 2019
J’ai aimé ce livre, un peu, beaucoup…