Quand arrive l’automne, je lâche mes aspirations brésiliennes et italo disco pour écouter de la musique soit sombre, soit méditative. Les géniaux effets de la baisse de vitamine D et de la dépression saisonnière se font donc ressentir dans mes oreilles. Malgré tout, j’essaie de moins en moins d’écouter de musique larmoyante, parce que le ciel chiale déjà assez. Cet automne 2019, marqué aussi par la playlist #Inktober (que vous pouvez consulter sur Instagram), est pour l’instant marqué par le rock industriel, quelques petits vieux qui ressortent du saloir et des réminiscences estivales. Allez, c’est parti !
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La référence enfantine : Henri Salvador – Sous l’océan (1989)
Plusieurs éléments ont permis à cette référence de poper dans ma playlist. Premièrement, j’ai suivi la polémique estivale d’un live action prochain basé sur la Petite Sirène par Disney dont l’actrice castée pour le rôle d’Ariel est … noire, alors que le dessin animé la présente comme rousse aux yeux bleus. Sérieusement, une sirène est un personnage fictif et je ne suis même pas certaine que Christian Andersen l’aurait designé comme ça. Ils auraient bien pu caster une Indienne ou une native américaine, si elle joue et chante bien :
Deuxièmement, Kiabi a décidé de commercialiser du merch Disney, y compris à destination des adultes, et cela a permis à une de mes collègues de s’acheter ce t-shirt :
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A force de m’ambiancer dessus pour assurer les premiers jours au lieu de travail, mes collègues se sont sérieusement mis à se poser des questions.
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Le vieux qui revient fort : Alain Souchon – Presque (2019)
Si son dernier album original, Ecoutez d’où ma peine vient, date de 2008, cela ne veut pas dire qu’il a chômé depuis. Premièrement, il a 75 ans, il sort un album s’il veut. Deuxièmement, ça ne l’a pas empêché de faire un album de reprises de comptines en 2011, un album conjoint avec son éternel sidekick Laurent Voulzy en 2014, ainsi qu’écrit deux albums pour lui (Lys & Love en 2011 et Belem en 2017). Bref, c’est le tour d’Alain Souchon de se mettre en avant. Et force est de constater qu’à 75 ans, il garde encore son élégance vocale faite de minimalisme et de langueur. Le tout est accompagné par une slide harrisonienne qu’on ne connaissait pas à Laurent Voulzy – toujours inspiré par George Harrison, mais côté Rickenbacker 12-cordes –, mais qui fait très plaisir (parce que la Ricken, elle va bien deux secondes).
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Le morceau de rock industriel mouillé : Nine Inch Nails – Terrible Lie (1989)
Je regardais une énième fois la performance de Closer de Nine Inch Nails lors du festival Woodstock de 1994 – un bijou de spectacle wet and messy –, le début de ce concert a popé sur YouTube et j’ai découvert cette chanson issue de leur premier album Pretty Hate Machine. On remarque dès ce premier album l’influence unique de Trent Reznor, qui commence sa formation musicale par la musique jazz (certes). Malgré une volonté affichée de faire un son métal industriel sans concessions, la maison de disques a voulu ajouter son grain de sel. C’est ainsi que Trent Reznor, pour le deuxième opus, s’est mis à écrire et enregistrer sous pseudo. Malgré tout, Pretty Hate Machine est devenu un succès dans les milieux underground et permit de lancer la carrière d’un des groupes de rock alternatifs les plus importants de ces trente dernières années.
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La petite découverte indus : Front 242 – Headhunter (1988)
A force d’écouter du rock industriel et de l’électro minimaliste sur YouTube, je suis tombée sur ce morceau que je ne connaissais pas d’un groupe dont je n’avais jamais entendu parler, mais qui, selon les commentaires YT, a pas mal tourné dans les boîtes de nuit américaines à la fin des années 1980. Ce groupe belge flamand, fondé en 1982, de par ses rythmes martiaux et ses sons électroniques, non seulement s’est rapproché du style industriel, mais s’est aussi fait taxer de groupe d’extrême-droite par certains journalistes (remember Laibach que j’écoute aussi BEAUCOUP en ce moment, comme de bien entendu). Ils ont été très influents sur la scène européenne dès le début de leur carrière au point d’être cité par New Order, Cabaret Voltaire et Kraftwerk (que j’écoute aussi beaucoup en ce moment, comme de bien entendu). Le succès de Headhunter a permis au groupe au début des années 1990 de tourner aux côtés de Ministry, mais aussi dans la tournée itinérante de Lollapalooza 1993 aux côtés d’Alice In Chains et Rage Against The Machine.
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Le petit souvenir estival : Johnny Marr – Easy Money (2014)
Suite à la découverte de Johnny Marr à Rock en Seine, le Mari s’est précipité pour acheter ses trois albums solo. Après avoir écouté dans la précipitation ces albums, nous nous sommes mis d’accord sur le fait que Playland (2014) est le meilleur album des trois, et ce pour plusieurs raisons. Premièrement, c’est le seul album où sa voix semble ne pas être sous-mixée. Et deuxième, parce qu’il contient ce tube en puissance qui aurait surclassé Franz Ferdinand dans les années 2000. Et nous pensons que c’est un peu dommage que Johnny Marr ait mis 25 ans à s’assumer en solo, tant sa musique aurait cartonné dans les années 1990.
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Je reviens en mode balek : Noel Gallagher – This Is The Place (2019)
Alors que le petit frère revient en mode Mes compositeurs ont fait le même son qu’en 1996, le grand frère n’en a plus rien à foutre des classements l’industrie musicale et le prouve en programmant 4 EP sur l’année 2019. Donc après Black Star Dancing et Sail On, et avant le dernier prévu pour décembre, Noel continue ses explorations sonores vers un power rock mâtiné de sons funk et disco pour faire braire les pisse-froids. La preuve qu’il n’en a désormais rien à foutre qu’on compare son classement à celui de son frère : les EP ne sont pas pris en compte dans le classement des charts anglais, ce qui fait que les ventes ne peuvent pas être comptabilisées pour comparatif. Habile. Malgré tout, le Mari et moi-même préférerons toujours un gars qui se remet en question soniquement, quitte à se vautrer, qu’un gars qui doesn’t fuck with the formula et dont l’écoute ne fait pas grandir le fan de la première heure.
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La berceuse alternative : Deutsche-Amerikanische Freundschaft – Der Raüber und der Prinz (1980)
Dans le même délire que cité précédemment tout au long de cet article, je me suis mise à Tanzen den Mussolini. S’est donc offert à moi une autre chanson de ce duo allemand TRÈS particulier : une histoire de prince qui tombe amoureux du voleur qui l’a kidnappé une nuit où il s’aventurait dans la forêt. S’il était composé de cinq membres à ses débuts en 1978, le groupe de Düsseldorf devient un duo à l’orée des années 1980 du fait du caractère particulier du chanteur Gabi Delgado (qui, COMME DE BIEN ENTENDU, a décidé de beaucoup s’intéresser à l’imagerie fasciste).
*Bientôt pour Noël : le parfait kit pour fabriquer son groupe de rock industriel avec des claviers, des boîtes à rythme et les meilleurs destockages d’uniformes d’officier d’un régime autoritaire quelconque*
Si la première carrière du duo Gabi Delgado-Robert Görl dura jusqu’en 1983, afin de laisser chacun enregistrer ses petites choses de son côté, ils se retrouvent en 1986, puis en 2003, pour enfin tourner ensemble depuis 2007.
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La descente (ou la montée ?) de trip : Vladimir Cauchemar – Aulos (2017)
Se présentant en interview à France Inter comme étant d’origine serbe, cet homme-mystère signé chez Ed Banger et très influent depuis 2-3 ans sur la production française de hip-hop cache en réalité un producteur de musiques électroniques bien connu mais qui désire ainsi créer une identité secrète. Entre musique urbaine, house et flûtes médiévales, sa carte de visite Aulos a frappé fort fin 2017, entre un mix minimaliste et surréaliste et surtout un clip tourné dans le XIXe arrondissement de Paris que n’aurait pas renié un professeur de musique au collège en plein burn-out. Reste ce nom, hommage évident au compositeur de musiques pour le petit et grand écran Vladimir Cosma.
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Parce que tout passe mieux avec du funk : Rufus & Chaka Khan – Ain’t Nobody (1983)
Si je suis une vraie connasse, j’avouerais que je suis venue à cette chanson par la reprise de Diana King en 1995 (tout simplement parce qu’au moment de la sortie de la chanson originale, je n’avais clairement pas les jambes pour groover dessus). Et à réécouter les deux versions simultanément, force est de constater que l’originale devance la reprise de très loin.
Si la chanson a été primée en 1984 d’un Grammy Award de la meilleure prestation R’n’B, elle marque surtout la fin du groupe Rufus formé en 1973 et le début de la carrière solo d’Yvette Stevens, aka Chaka Khan. Même si ses premiers enregistrements solo ou avec d’autres artistes datent de 1979, c’est à partir de ce moment qu’elle entamera le répertoire qui fera sa gloire.
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L’automne, c’est de la nostalgie : Mylène Farmer, California (1995)
J’avoue que, pour caractériser cet automne 2019, j’avais envie de finir sur une impression soleil couchant sur un territoire aux confluents de plusieurs interrogations. Et quoi de mieux que ce morceau crépusculaire et langoureux issu d’Anamorphosée, quatrième album de la chanteuse en collaboration avec Laurent Boutonnat. Au moment de sa sortie en single, cette chanson a également fait l’objet d’un clip très Hollywood Nights filmé par LE réalisateur sulfureux de l’époque, à savoir Abel Ferrara. La chanteuse, alors âgée de 35 ans, en finit avec ses personnages androgynes qu’elle développe depuis 1984 pour se tourner vers une féminité plus exacerbée, à l’image des deux personnages – la bourgeoise et la prostituée – qu’elle incarne dans le clip.
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A bientôt pour de nouvelles aventures musicales.