(Anthologie permanente) Stéphanie Ferrat, Côté ciel, notes d'atelier

Par Florence Trocmé

Stéphanie Ferrat a publié au printemps dernier Côté ciel, notes d’atelier, aux Editions de la Lettre volée.
On cherche les limites entre le prononcé et l’informe. L’organe.
Arrive l’herbier. L’esprit ne doit pas enserrer, juste recueillir l’eau de pluie.
Il y a des corps, des couleurs qui circulent.
Je ne peux écrire que décousue.
Ne pas toucher aux matins, là où les éclosions apparaissent, où s’inscrit le jour entier.
Si rien n’est à dire, alors, rester éveillée, afin que la trouée de lumière s’organise.
Noire ou peau, mêmes formes dressées. Trouver un titre, une utilité interne.
Le travail de peinture a des yeux muets. Nous naviguons en arrière du visage.
Je viens d’un lieu archaïque, immobile, dédié aux oiseaux, où tout s’use et se répare. Je n’ai rien cherché à améliorer de ma langue, formée de bâtons, de bases simples. Rien dépassé non plus dans les gestes, peu d’outils, la terre pour mesure et matière. Suis restée à ma place au pied de tout. Ici le silence se détaille, se découpe en alphabet de couleurs. Une dentelle entre les êtres.
Plusieurs fois couper le cercle, le rituel de faire. Au milieu des gestes d’eau, partir prélever la transparence. Pour plus loin tracer des lignes, des parcelles.
De cet arrêt, rien de moi n’est tombé. Pourtant, comme un couteau au milieu d’une pleine viande.
Mon métier : voir derrière les déchirures. Tout ce qui m’occupe est vision absente mais palpable.
Je crois aux cycles et à la répétition des chutes.
Tout doit s’installer dans le cercle, faire rotation, saison d’un bout à l’autre.
Je crois à la juste place du silence et de l’attente.
Je crois à la fulgurance, à la rareté.
Je crois aux heures comptées frôlant l’espace comme la main pose un trait.
Le vent prendra le bras de la ronce courbée.
Les bêtes monteront imaginer l’herbe.
Je puiserai encore là où rien ne bouge.
Stéphanie Ferrat, Côté ciel, notes d’atelier, La Lettre volée, 2019, 62 p., pp. 15 et 62, 14€