Nous
les extravagants, les bohèmes, les fous.
Nous
qui aimons les filles,
les liqueurs fortes,
la nudité mouvante des tables
où s’érige, phallus,
le cornet à dés.
Nous
les écorchés de la vie, les poètes.
Nous
qui aimons tout,
tout ;
l’église,
la taverne,
l’antique,
le moderne,
la théosophie,
le cubisme.
Nous
aux cœurs
puissants comme des moteurs
qui aimons
les combats de coqs
les soirs élégiaques,
le vrombissement des abeilles
dans les matins d’or,
la mélodie sauvage du tam-tam,
l’harmonie rauque des klaxons,
la nostalgie poignante des banjos.
Nous,
les fous, les poètes,
nous
qui écrivons nos vers les plus tendres dans des bouges
et qui lisons l’Imitation dans les dancings.
Nous
qui n’apportons point la paix,
mais le poignard triste
de notre plume
et l’encre rouge de notre cœur !
***
Carl Brouard (1902-1965) – Pages retrouvées; œuvres en prose et en vers (Port-au-Prince, éditions Panorama, 1963)