L'échéance fixée pour l'ouverture des services bancaires sous le régime de la directive européenne DSP2 est passée et le premier bilan en est fort décevant : l'impréparation d'une majorité d'institutions financières révèle une absence dramatique de toute vision des extraordinaires opportunités qu'ouvre cette nouvelle conception de leurs métiers.
D'une certaine manière, le problème est inhérent à l'approche réglementaire : bien que l'objectif ultime du texte soit d'améliorer le service rendu aux consommateurs, ce sont d'abord les départements de conformité des grands groupes qui s'en emparent et qui le réduisent instantanément à une contrainte à respecter… en limitant au maximum les efforts à engager, les coûts associés et les impacts potentiels. Cependant, il est des établissements qui parviennent à intégrer, en parallèle, une démarche plus positive.
Tel est le cas, par exemple, de la britannique Nationwide avec son initiative « Open Banking for Good », dont l'ambition est de stimuler des collaborations entre des acteurs issus d'horizons divers (agences gouvernementales, associations caritatives, entreprises…) dans le but d'imaginer et développer de nouvelles manières d'aider les personnes financièrement fragiles (représentant un quart de la population du Royaume-Uni) grâce aux technologies en général et à l'« open banking » en particulier.
Lancée l'an dernier, OB4G (c'est son petit nom) vient de franchir une étape clé à travers la sélection de 5 startups aux profils complémentaires (Ducit.ai pour les applications de l'IA, Openwrks pour l'accès aux données bancaires, Toucan pour le pilotage des dépenses, Trezeo pour le lissage des revenus des freelances, Tully pour la réduction de l'endettement), qui vont donc rejoindre le programme, hébergé à Covent Garden, afin de co-créer, ensemble et avec les autres partenaires, des solutions opérationnelles.
Le projet de Nationwide retient spécialement l'attention parce que, outre son intérêt en tant que démonstration concrète d'application de la banque ouverte, il vise un domaine dans lequel, même sans cynisme, il faut réaliser que, comme la plupart de ses consœurs, elle n'a guère de désir de s'aventurer. L'amélioration de la santé financière est un beau principe, propice à la communication, et elle est sans doute perçue comme importante pour la viabilité à long terme d'un portefeuille de clients… mais de là y investir…
La mise à contribution de tiers, auxquels il « suffit » de donner accès aux données et aux fonctions dont ils ont besoin pour remplir leur office, constitue alors une aubaine, et elle peut être déclinée sur toutes sortes d'activités que l'institution n'a pas l'envie d'aborder directement, ou pas immédiatement (sur des sujets émergents, par exemple). Il s'agit d'un moyen simple de répondre aux attentes d'une partie des consommateurs, sans devoir y consacrer de ressources et sans affecter la relation existante (au contraire !).
Selon les conditions de sa mise en œuvre, le dispositif retenu pour OB4G peut également offrir un bénéfice collatéral inestimable : il fournit à Nationwide une occasion sans risques – presque sans enjeu – et néanmoins extrêmement effective d'initier une démarche pratique d'innovation ouverte (qui suit logiquement la banque ouverte) et, plus spécifiquement, d'apprendre à coopérer avec des jeunes pousses aux pedigrees variés.