(pour Jonas Mekas)
Brume brume ma beauté perdue
J’entends la voix d’un vieil homme
Certainement nous sommes des bois
Des femmes chamanes accrochaient des rubans dans les branches
Le vent sait comment lire
Tellement d’eau dans cette petite rivière
Ne perdez pas l’ancienne religion Lune
Nous sommes robustes car nous nécessitons
Un père est plus âgé que son fils quelquefois
Avez-vous entendu le sermon sur la guitare brisée
J’ai enseigné à ma fille les noms des arbres
Ne touchez personne avant que le soleil ne baisse
Tu as vu un homme saigner sur le bord de rivière
Nous lavons, lavons, et jamais n’en sortons limpides
Nous nous connaissons à la manière dont nous marchons
Rubans rouges comme lanières de viande sous la pluie
Source : Robert Kelly : two poems, dans le magazine Jacket n°6, 1999. Traduit de l’anglais (américain) par Jean-René Lassalle.
A Lithuanian Elegy
for Jonas Mekas
Mist mist my beauty lost
I hear an old man talking
We must be woods
Wise women tied ribbons to branches
The wind knows how to read
So much water in this little river
Don't lose the old religion Moon
We are strong because we need
Sometimes a father's older than his son
Did you hear the sermon on the broken guitar
I have taught my daughter the names of trees
Touch no one till the sun goes down
You saw a man bleeding on the river bank
We wash and wash and never come clean
We know each other by the way we walk
Red ribbons like strips of meat in the rain
Source : Robert Kelly : two poems, dans le magazine Jacket n°6, 1999.
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Préfixe : trouver la mesure
Trouver la mesure est trouver le mantram,
est trouver la lune comme indice de mesure,
est trouver la source de la lune ;
si cette source
est Soleil, trouver la mesure est trouver
l’articulation naturelle des idées.
L’organisme
du macrocosme, l’organisme du langage,
l’organisme du je, se combinent en naturant sans cesse
pour propager un quatrième,
le poème,
depuis leur trinité.
Le style c’est la mort. Trouver la mesure est trouver
une liberté depuis cette mort, une voie de sortie, un élan
vers l’avant.
Trouver la mesure est trouver la
musique spécifique de l’heure,
la synchrone
conséquence du mouvement du monde entier.
Source : Robert Kelly : Red Actions, Black Sparrow 1995. Traduit de l’anglais (américain) par Jean-René Lassalle.
Prefix: Finding the measure
Finding the measure is finding the mantram,
is finding the moon, as index of measure,
is finding the moon’s source;
if that source
is Sun, finding the measure is finding
the natural articulation of ideas.
The organism
of the macrocosm, the organism of language,
the organism of I combine in ceaseless naturing
to propagate a fourth,
the poem,
from their trinity.
Style is death. Finding the measure is finding
a freedom from that death, a way out, a movement
forward.
Finding the measure is finding the
specific music of the hour,
the synchronous
consequence of the motion of the whole world.
Source : Robert Kelly : Red Actions, Black Sparrow 1995.
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Débris de rêve
Et quand il n’y a plus rien il y a toi
tu projettes une ombre qui me construit.
De nouveau les effroyables nous deux, mère
et fils, père et fille, effondrés
en leur milieu comme une ancienne grange,
où logent un christ, des chouettes, les marmottes siffleuses
et tous les oiseaux mauvais célèbrent leur printemps
mais c’est une australie par ici-bas, un métallique
langage et des visages à grands pores
regardant droit dans le soleil, où l’argent réside
moulé en phallus doré. Mais pas
en pénis d’homme. Un autre genre : une bite de fille
ou le sexe d’un nuage ou l’ombre pointue de la lune
si brillante que souffle coupé nous disons Le Soleil,
c’est de là qu’il vient, ce brouillard en moi,
(le soleil est l’ombre de la lune.
le sens est l’ombre du désir.)
Ce brouillard inondant de lumière est Toi, partenaire,
chaudes hanches et permanent endolorissement
dans les plus lucides négociations d’Aphrodite.
Toute chair te veut car ton esprit.
Source : Robert Kelly : two poems, dans le magazine Jacket n°6, 1999. Traduit de l’anglais (américain) par Jean-René Lassalle.
Dream debris
And when there's nothing left there's you
you cast a shadow that makes me.
The dreadful two of us again, mother
and son, father and daughter, broken
down the middle like an old barn,
christ, owls and woodchucks live therein
and all the bad birds celebrate their spring
but it's australia down in here, a metal
language and faces with big pores
staring straight into the sun, where money lives
shaped like a golden phallus. But not
a man's cock. Some other kind, girl dong
or cloud prick or the pointy shadow of the moon
so bright we gasp and say The Sun,
that's where it comes from, that mist is me,
(the sun is the shadow of the moon.
meaning is the shadow of desire.)
That light suffusing mist is thee, pardner,
hot-hipped and sore all about
from Aphrodite's lucidest negotiations.
All flesh wants you because your mind.
Source : Robert Kelly : two poems, dans le magazine Jacket n°6, 1999.
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Écriture avec John Clare
Une saveur m’évoqua l’origine d’un endroit
par delà la rivière que les animaux nomment paradis
mais nous, manquant d’un guide pour absorber une telle
inspiration au fond de notre rude nature
ne pouvons être sûrs que ce que les ordinaires
climats accordent, quelques généreux
que soient souvent les dons de la nature
en terreurs et beautés, ne suffise
pour tuer de nostalgie un homme
quand un avant-goût de l’autre côté
est soudain offert, une lumière qui réchauffe
les fades idées que nous avons de l’âme
et de son activité, en obligeant au contraire
une manière de baume depuis nos tréfonds
à monter ruisseler en nous contenant
les substances chimiques d’une enchanteresse
clarté d’enthousiasme. Maintenant cette alchimie
qui pulse dans le sein, ce soufre
ardent d’un chardonneret jaune ou colchique automnale
est juste ce qui s’enflamme quand l’œil curieux
décide que ce qu’il voit
au-delà de ce qu’il peut voir est
là où l’animal entier doit progresser,
le je du moi, et chacun de ses regards
ouvre une étrange porte, un vent s’échappe
parfumé de ce qui nous comble, une lumière
interne sur des choses de beauté qui donnent délice
objets non de la terre ni de l’air la mer ou le ciel
mais existant aussi, plus terrestres que la boue
plus rassasiants que la chair, des moteurs par delà
les sens qui poussent les sens eux-mêmes à
extérioriser l’intérieur et dépasser
leur simple perception, un son à l’intérieur du goût,
d’infinis paysages de montagnes qui se déploient
à chaque toucher. Au-delà de la frontière
de l’œil qui vit dans la vision, réside cette douce
encore invisibilité qui est la vraie énergie
entraînant l’esprit timide à se délecter
de ce qu’il voit – mais tout est nuit au clown grossier
- nous devons fermer les yeux pour lire le livre
feuilleté de la nature, et dans ce visionnage redoublé,
vision cachée dans vision, l’animal s’affole
de plaisir, ce plaisir qui est notre
unique but dans un monde de peine.
Source : Robert Kelly : May Day, Parsifal 2006. Traduit de l’anglais (américain) par Jean-René Lassalle.
A Writing with John Clare
Taste told me it is from a place
across the river from what animals call heaven
but we, lacking a teacher to breathe such
inspiration deep into our rough nature
can’t be sure that what the ordinary
weathers bestow, tho generous
the way nature’s gifts so often are
with terrors and beauties, isn’t enough
to kill a man with longing
where a taste of the other side
is suddenly given, a light that warms
the dull ideas we have of the soul
and its business, and forces instead
a kind of balsam from our lowest places
to flow upwards in us, with some
chemicals working with that enchanting
‘thusiastic glow. Now this chemistry
that throbs inside the bosom, this sulfur
ardent as goldfinch here or meadow saffron
is just what catches fire when the curious eye
decides that what it sees
beyond what it can see is
where the whole animal must go,
the me of me, and each of its glances
opens a strange door, wind rushes out
that smells of all we need, a gleam
in there on beautious things that give delight
objects not of earth or air or sea or sky
but are here too, earthier than dirt,
meatier than flesh, some engines beyond
the senses that bring the very senses to
inside-out themselves and go beyond
their simple seeing, the sound inside the taste,
the endless mountain vistas that open up
in every touch. Beyond the border
of the eye that lives in the sight is that sweet
as yet invisibility that is the actual power
that compels the bashful mind to relish
what it sees – but all is night to the gross clown
– we need to close our eyes to read nature’s
unfolded book, and in that doubled seeing,
sight hiding inside sight, the animal goes
wild with pleasure, pleasure, which is our
single purpose in a grieving world.
Source : Robert Kelly : May Day, Parsifal 2006.
Traductions inédites de Jean-René Lassalle.
Voir ici la bio-bibliographie de Robert Kelly.