Le storytelling de marque est-il plus efficace que la publicité narrative (ou pas) ? Peut-on se passer de l'un ou de l'autre ? Et quelles sont les conditions pour qu'ils puissent avoir (éventuellement) des effets bénéfiques ? Cet article veut répondre à ces questions.
Je me base sur un travail de recherche universitaire mené par une étudiante de l'University of Arizona aux Etats-Unis, Hannah Caitlyn Ann Watts (aucune raison de ne pas la citer !). Elle a rendu son travail en mai 2019, c'est donc vraiment tout récent, avec des données bien actuelles.
La différence entre le storytelling de marque et la publicité narrative
Certaines marques ont élaboré un storytelling à leur échelle. Et pourtant, quand on regarde ce qu'elles font en publicité, et bien on se rend compte qu'elles ne racontent aucune histoire. Elles en restent à un niveau de prise de parole (quel que soit le support de cette parole -écrit, vidéo, digital...) classique, basée sur une argumentation, une présentation de faits. Dans la communication d'autres entreprises, on remarque bien qu'il y a des récits, parfois très bien construits, même, mais quand on remonte au niveau de la marque : rien. Enfin, rien : un positionnement marketing classique, quoi ! Il y a quand même des marques qui ont à la fois un storytelling de marque et racontent des histoires en aval, dans leur communication, mais ce n'est pas un schéma automatique.
Cela dit, qu'est-ce que le storytelling de marque exactement ? C'est :
- une offre qui transcende la produit ou le service
- la raison d'être de l'entreprise (qu'est-ce qui l'a amenée à vouloir exister)
- l'histoire des origines de la marque
- les valeurs de la marque dans toute leur authenticité
- la différenciation de la marque, du produit
- la connexion entre la marque et les valeurs des consommateurs
Donc, si on vaut faire le comparatif storytelling de marque vs. publicité narrative :
- Le storytelling dans la publicité narrative est centrée sur le client, dans le storytelling de marque, les histoires sont centrées sur la marque. Dans ce second cas, elles parlent de la raison d'être de la marque, de son histoire fondatrice, de ses valeurs
- Le storytelling de la publicité narrative raconte des histoires d'expérience client, de consommation du produit. Le storytelling de marque va transcender tout cela, et se positionner dans le registre de la vocation de la marque
- Dans la publicité narrative, le héros de l'histoire, c'est le client. La marque ne va pas du tout être le point de focalisation de l'histoire. Elle répond à la question : "quels problèmes solutionnons-nous ?". Dans le storytelling de marque, on se pose d'autres questions : "qui sommes-nous ?", "pourquoi sommes-nous là ?", "en quoi sommes-nous différents ?", "pourquoi est-ce que nous comptons, dans le paysage des marques ?"
On le voit donc : il n'est pas simple de départager publicité narrative et storytelling de marque. Il n'y a pas de boulet d'un côté ni d'étoile scintillante de l'autre.
La nécessité d'un storytelling de marque
- 55% des consommateurs disent être prêts à acheter un produit-marque s'ils se sentent connectés à l'histoire racontée par la marque
- 64% des consommateurs ont une relation particulière avec une marque prioritairement du fait de valeurs partagées avec cette marque
Les bénéfices produits ne sont absolument plus des vecteurs d'achat. Le marché est tout simplement trop encombré pour que des avantages concurrentiels produits soient tout simplement visibles. Il faut aussi bien se rendre compte que les gens ne sont aujourd'hui plus des acheteurs, mais des clients : et les marques se doivent de les traiter en tant que tels. Et en même temps : il s'agit d'établir des connexions plus en profondeur avec eux, pour créer une communauté (voire une tribu !). Et si on veut générer des achats durables (c'est à dire répétitifs, on ne parle pas de développement durable, hein !), être en mesure d'apporter des preuves de l'impact de la marque est indispensable. C'est en effet à la marque de mériter ses aficionados, et non plus l'inverse façon cadeau donné généreusement à la foule.
Quelques statistiques (basées sur des études récentes) :
Alors, finalement, publicité narrative ou storytelling de marque : que faut-il faire ?
L'étudiante de l'université de l'Arizona a pu, avec une vraie méthode scientifique, identifier des résultats parlants. Quels sont-ils ?
- Le storytelling de marque peut être utilisé pour générer un effet "choc" sur le court terme, apte à générer des ventes
Pour avoir une effet sur la durée (et c'est ce que conseille l'étudiante d'Arizona), le storytelling de marque doit avoir une stratégie de communication omni-canale, avec un investissement sur la répétition du message. C'est en fait un message de fond, sur les valeurs fondamentales de la marque qui doit être constant. Tout cela en association avec des publicités narratives sur le long terme. Par contre, sur le plan de la persuasion, il n'y aura pas d'effet spécifique. Mais on peut quand espérer qu'avec la répétition, une curiosité pour la marque et ses produits pourra se développer, du fait de la connexion des consommateurs avec les valeurs mises en avant par la marque.
A chaud (très rapidement après l'exposition au message), le storytelling de marque permet une plus grande immersion du public dans le contenu, et une compréhension plus facile du message, de l'authenticité et des objectifs de la marque (déductions logiques etc.). Par contre, toujours à chaud, il n'y a pas eu de différence réelle sur l'item de la persuasion : un storytelling de marque ne s'est pas avéré plus persuasif qu'une publicité narrative.
Une semaine plus tard, les différences s'effacent sur tous les items, et la persuasion reste toujours de niveau égal. L'étudiante en déduit donc qu'il n'y a pas d'effet de long terme.
Ces conclusions sont très intéressantes et nous enseignent plusieurs choses :
Voici donc, quelques données de plus sur le fonctionnement et l'efficacité du storytelling en marketing. D'autres éclairages ont déjà été présentés sur ce blog. J'ai présenté des conseils pour réaliser un storytelling de marque efficace. Ah zut, j'avais oublié 15 conseils de plus pour concilier storytelling et branding !
Je peux d'autant plus parler du storytelling des marques que je travaille beaucoup avec elles -avec quelques références qui étaient de vrais challenges de storytelling difficiles à relever (la liste des références mérite le détour : elle vient juste d'être mise à jour).