Les outils de gestion de finances personnelles se multiplient, aussi bien dans les banques traditionnelles que parmi les startups de la FinTech, mais rares sont les études qui en évaluent objectivement leurs résultats. Wei Ke, consultant du cabinet Simon Kucher et spécialiste de psychologie comportementale, explique dans une interview pour American Banker pourquoi, selon lui, l'adoption reste faible.
Aujourd'hui, deux types d'approches coexistent. Les acteurs historiques, qui possèdent une relation étroite avec leurs utilisateurs, choisissent généralement un modèle générique basé sur l'analyse et le suivi de budget, accompagné de recommandations plus ou moins ciblées. Wei Ke estime à moins de 10% la proportion de clients conquis. À l'opposé, les nouveaux entrants offrent des plates-formes focalisées sur un aspect spécifique, par exemple l'épargne. L'engagement est meilleur mais d'autres défauts apparaissent.
Dans tous les cas, l'objectif est identique et consiste à inciter les consommateurs à changer d'attitude vis-à-vis de l'argent. Or, de toute évidence, il est extrêmement difficile de faire prendre de bonnes habitudes, qui demandent de sérieux efforts et de la persévérance, surtout quand les mauvaises sont aussi, très souvent, les plus faciles à suivre. Le premier handicap des solutions actuelles est justement d'ajouter à cette charge, notamment lors de la configuration initiale et durant les ajustements des débuts.
Sachant qu'un changement de comportement demande de l'ordre de 30 à 40 jours de pratique constante (jusqu'à ce qu'il devienne presque un réflexe), le temps passé à installer un logiciel, à connecter ses comptes bancaires, à sélectionner les options les plus intéressantes (notifications, actions automatiques…), à s'accoutumer aux imperfections (de la catégorisation des opérations, entre autres)…, entraîne la lassitude avant que ne survienne le moindre effet positif et l'échec est garanti (sauf pour l'infime fraction de personnes prédisposées, par nature, à prendre leurs comptes en main).
Plus insidieuse, se pose également la question de ce qu'est le bien-être financier, que ces entreprises déclarent vouloir améliorer ? Elle s'avère fondamentale, car toutes tendent à la considérer comme une qualité uniforme, qu'il serait possible de faire évoluer avec une méthode et des outils standards, alors qu'elle est extraordinairement subjective et qu'elle requiert donc des démarches différenciées, adaptées à chaque individu.
Ainsi, les techniques « ciblées » en vogue depuis quelques temps perdent de vue la diversité des besoins. Les applications qui actionnent le puissant levier d'un but (réaliste) à atteindre, celles qui concentrent l'attention exclusivement sur l'épargne, les plates-formes qui aident à bâtir et respecter un budget… sont peut-être efficaces sur leur créneau mais manquent totalement de perspective sur l'immense étendue des critères qui définissent la notion multidimensionnelle (simultanée) de bien-être financier.
La bonne nouvelle est que la technologie disponible (et pas seulement l'IA) permet désormais de concevoir la solution personnalisée optimale, qui devrait savoir emprunter un chemin non linéaire vers l'optimisation des comportements, en s'appuyant sur une multitude de mécanismes complémentaires, susceptibles de viser des objectifs distincts, le tout étant conçu en parfait alignement avec la connaissance intime des préférences, des habitudes existantes, du contexte… de l'utilisateur unique à qui elle s'adresse.