Ils furent nombreux à me dire que je devais absolument aller voir Cyrano au théâtre le Funambule Montmartre. Je n’en avais aucune envie parce que j’en avais déjà vu plusieurs versions, au théâtre, au cinéma et même en BD, et que personne jusqu’à présent n’avait égalé Gérard Depardieu dans le rôle. Je connais la pièce presque par cœur. Plusieurs phrases sont cultes. Bref, j’y allais à reculons. Je suis ressortie enthousiaste au dixième degré.
Je me souviens de nombreuses versions de Cyrano, au théâtre, au cinéma et même en bande dessinée ... mais celle-là les surpasse toutes. Elle sera parfaite ... quand l'affiche aura été liftée parce que -et je ne suis pas la seule- je n'y avais pas vu le moins du monde ... le profil d'un nez.
J'ai beau savoir que Cyrano est la sublimation de la méprise, il y a des actes manqués dont on peut se dispenser, parce qu'au prochain festival d'Avignon une affiche comme celle-là ne sera pas attractive.
Mais revenons au spectacle. L'éclairage à la bougie
et aux lampions avec une gestuelle élégante comme une danse met le public dans l'ambiance. Le metteur en scène a choisi trois femmes, ce qui ne perturbe pas la compréhension. Je dirais presque "au contraire" parce que le timbre de voix féminin apporte au personnage de Cyrano toute la douceur qui manque parfois aux interprètes masculins.Une autre idée majeure est de n'avoir pas attribué un rôle en particulier à chacune des trois comédiennes.
Iana Serena de Fruitas, Lucie Delpierre et Marjorie de Larquier font ce qu'il faut, au bon moment, sans s'approprier un personnage plus qu'un autre. Le résultat apporte une universalité aux personnages principaux qui nous surprennent toujours, par une intonation, un geste, une manière de se déplacer, alors que bien entendu aucun doute ne s’installe jamais puisque un masque ou un vêtement permet immédiatement d’identifier celui qui parle.L'emploi des masques renforce l'effacement du comédien au profit de chaque personnage qui, de ce fait, existe pour lui-même. La beauté des alexandrins écrits par Edmond Rostand est restituée sans faille. La diction est d'une maitrise absolue. Les comédiennes ont fait un travail exemplaire pour faire résonner chaque alexandrin sur la bonne longueur d’onde. Pas un mot ne nous échappe. On entend le texte à la perfection. L'auteur est un grand poète : Le baiser est un point rose que l'on met sur le verbe aimer.Vivre une nouvelle lecture de cette pièce dont je connais des pans entier absolument par coeur fut une surprise autant qu'un immense bonheur.
On entend quelques mesures de la Marche pour la Cérémonie des Turcs de Lully (c'était inévitable) mais le morceau qui revient régulièrement est le thème du Mariage de l'album Shine de Hicham Chahidi et il se prête à merveille à de savoureuses chorégraphies.
Ne vous dispensez pas d'aller voir ce spectacle seul, en famille, avec vos élèves si vous en avez. C'est au Théâtre Funambule Montmartre où il est prolongé jusqu'au 12 décembre. Envoutement garanti !
La compagnie Théâtre Les Pieds Nus méritera de monter sur la scène de la remise des statuettes organisée par Les Molières. Merci à ceux qui m'ont poussée à surmonter mes réticences. J'ai failli manquer un des meilleurs spectacles que j'ai vu de toute ma vie ... même si j'en collectionne plusieurs dans cette catégorie.
Il est irréprochable. Tenez, si je m’écoutais, j’y retournerai encore et encore.
Avec Iana-Serena de Freitas, Lucie Delpierre, Nataly Florez en alternance avec Marjorie de Larquier
Une production Théâtre Les Pieds Nus & Le Funambule Montmartre
Au théâtre Le Funambule Montmartre
53 rue des Saules - 75018 Paris
Du mercredi au samedi à 19h ou 21h (en alternance une semaine sur deux)
Les dimanches à 17h30.
Jusqu'au 12 décembre 2019 (et plus si nouvelles prolongations)