Présentation du livre par l’éditeur : « La découverte inattendue d’un ensemble de 21 poèmes de George Oppen, datant de la fin des années 20, n’est évidemment pas un mince événement, étant donné le peu de données concrètes dont nous disposons concernant cette période fondatrice de l’œuvre du poète américain. New Directions a publié en 2017, dans sa collection de « Poetry Pamphlets », une première édition de ces 21 Poems, présentés par David Hobbs. C’est bien sûr ce texte dont nous proposons la traduction en ouverture du présent volume. Mais nous avons profité de la circonstance pour compléter notre travail antérieur. Lors de la publication de la Poésie complète de George Oppen en 2011, dans cette même collection, nous avions écarté les deux sections de poèmes épars (Uncollected Poems) ou inédits (Unpublished Poems) que Michael Davidson avait regroupés à la fin de son édition des New Collected Poems. La découverte de cette séquence de jeunesse nous a donné l’opportunité de réunir dans le présent volume l’ensemble de ces poèmes retrouvés. Il nous a paru approprié de leur adjoindre les 26 fragments posthumes, regroupant les notes qu’Oppen avait épinglées dans sa chambre, à la fin de son existence, et que Mary, son épouse, a recueillies après sa mort. Avec cet ensemble désormais exhaustif, qui vient s’arrimer au navire principal de la Poésie complète, le lecteur français dispose donc de la totalité d’une œuvre poétique qui s’impose avec une évidence croissante à mesure que s’éloigne le siècle dont elle est l’une des émanations les plus poignantes. » (sur le site de l’éditeur)
TROUVER UNE VOIE
La tourne la cadence le vers et la musique,
clarté, verre limpide et l’argot
parle dans la tornade injure
défi
le sang de l’enfance aujourd’hui patriarcal
Juif le plus étrange
pour moi ni romain
ni barbare les mots
et leur étrangeté salvatrice
rai d’étrangeté rai
d’exil
rai de lumière
/
LE DON : DOUÉS
les phares lumières balayant
balayant sans fin
par précaution les côtes
dangereuses hérissées de rochers
fatalités au loin
miracle miracle la structure
« de la cause et de la conséquence semble être devenue
transparente » l'argent
tel l'éclat
du vairon
et pourtant il y a le temps le temps commun
se déroulant j'ai le temps avec le recul
je crois que le miracle miracle
de la graine don du monde don
s'épanouira verte à mes pieds comme le miracle
à brève échéance
sera la distance l'horizon
l'oeil métallique
et fragile pénombre
de l'horizon
au sein du peuple
auquel ils n’ont jamais parlé prenant donc la fuite
en toute chose le don
le trésor c’est
l’envol mon
héritage.
LES PHONÈMES
Les poèmes sont trop volontaires
Comme si je devais toujours
Me représenter intérieurement la chose, jongler
Avec ce que j’ai sous la main, à quoi bon toutes ces inventions
Alors que je pense simplement aux rives, aux silhouettes
Des hommes et des animaux
Sur les rives silencieuses.
LUMIÈRE DU JOUR
Le soleil
Incliné
Vers le soir
Éclaire le bord d’une table
Et deux chaises
Dans le café.
A l’angle de McAllister
et de MacDougall Street
Et nous sommes brusquement heureux.
Pas à cause de la chaleur
Mais parce que la source
De ce simple évènement est si vaste.
« Beau langage enchanteur, sucre de canne,
Miel de roses – » « la passion rhétorique acharnée »
S’étirant plus fine qu’une flamme.
George Oppen, Poèmes retrouvés, traduction d’Yves di Manno, 2019, 180 p., 19€.
Lire cette note de lecture d’Auxeméry, qui comporte elle-même quatre courts extraits du livre.
George Oppen dans Poezibao :
extrait 1, texte soirée Traduction de Poezibao, poésie complète (PH. Blanchon), poésie complète (JP Dubost), note création, ext. 2