Un jour, quelqu’un me tend ce petit livre grisouille: Dans les cendres de mon père, confessions d’un ancien fumeur de Laurent Boyer (pas celui de la télé, l’autre!) aux éd° Dufourg-Tandrup.
Aussitôt offert, aussitôt rangé dans ma bibliothèque. Il faut dire que la couverture n’est pas très engageante!
Bien plus tard, à l’occasion d’un déménagement ou d’une crise de tri quelconque, je suis à nouveau tombée dessus. Entre temps, mes premières tentatives d’arrêt avaient eu lieu. Je l’ai donc mis de côté, au cas où.
Cet ouvrage a un chemin – on sait toutes l’importance du chemin – d’une main à l’autre, de l’étagère à mon chevet.
L’étape suivante, c’était la lecture. Alors j’ai lu.
Allen Carr avait semé quelques graines de réflexion et de doutes autour de l’acte de fumer mais l’absence de style et d’humour ne m’avaient pas tout à fait convaincue. De plus, le côté « méthode » me pose quelques difficultés (le truc magique et infaillible, j’ai un peu de mal rien qu’avec le titre…).
Dans les cendres de mon père est non seulement intéressant, mais il est bien écrit. Il sollicite notre raisonnement et nos émotions en se référant à l’expérience d’un autre qu’on est libre de faire sienne.
Fermement convaincue que la principale victoire se réalise dans nos esprits, une grande part de notre énergie doit nécessairement se concentrer pour l’aider à passer le pas. Ce livre aide accompagne intelligemment et modestement cette étape.
Quand on comprend ce que fumer représente pour soi, alors il devient possible d’imaginer arrêter de manière durable, pour ne pas dire définitive.
L’auteur, Laurent Boyer, n’est pas présentateur TV mais il enseigne la philosophie dans un lycée de Bordeaux (même pas peur, les filles, ce n’est pas du tout prise de tête. Le livre est bref et on se marre…sisisi, j’vous assure!). Il avait déjà publié deux ouvrages: L’amour dans la cuisine et Chomsky, un homme de parole (aux éd° EVE Ensemble Vide Editions).
Dans les Cendres de mon père commence ainsi:
« Je ressentais le bonheur de ma mère dans cette atmosphère tabagique car la présence de nicotine et la présence de vieilles cendres froides, c’était aussi la présence de mon père. Nous nous attachions à cette odeur comme à celle de l’être aimé.
J’ai fumé de quatorze à trente-quatre ans, avec une consommation quotidienne moyenne de vingt cigarettes. Cela fait 147 000. Sot 7350 paquets, soit 12 167 mètres de clopes mises bout à bout.
Certains fumeurs, en lisant cela, calculeront le volume de leur consommation et se situeront par rapport à moi. Si quelques-uns, parmi vous, ont envie de me traiter de petit joueur, je ne serais pas touché… »
Ce texte joint deuil du père et sevrage tabagique avec auto dérision et humour. C’est tout de même une performance quand on considère les thèmes, non?
Il propose une réflexion simple autour du sens de l’acte de fumer.
C’est vrai, pourquoi fumer?
L’auteur, dans ses confessions, nous apprend ce que « fumer » signifie pour lui. Il s’interroge sur toutes les illusions liées à la fume, mais aussi à la défume.
Il envisage l’acte de fumer (et donc de décider de se sevrer) comme un élément appartenant à un tout bien plus vaste, un élément appartenant à notre identité.
« Ces pages sont à saisir comme la cause réelle et vivante de ma transformation » dit l’auteur.
Il décode en particulier le mécanisme « amoureux » autour de la cigarette et réalise un examen critique de l’état d’esprit du fumeur.
Voilà non seulement une vraie aide pour passer le pas ou pour consolider un arrêt si toutefois des périodes de doutes s’abattaient sur vous sans crier gare, mais aussi un régal à lire, ce qui ne gâche rien!
L’homme qui m’a donné ce livre s’appelle Frédéric et en me le tendant, il a dit « Lis-le, ça va changer des choses« .
Il avait raison. Je l’en remercie sincèrement.
A mon tour, je vous le propose, histoire que ce texte puisse poursuivre son voyage à travers d’autres consciences que la mienne.