Je suis une gerbe de vains efforts
Noués au petit bonheur la chance,
Balançant de ci de là
Dont les liens se sont défaits,
Selon moi,
Pour un climat plus doux.
Une botte de violettes sans racines,
Mélangée à de l’oseille,
Ceinte par un brin de paille
Jadis entortillé sur leurs pousses,
Telle est
La loi qui m’attache.
Ce bouquet que le Temps a cueilli
Dans ces beaux Champs élyséens,
Avec de l’herbe et des tiges cassées, en hâte,
C’est la foule bruyante
Qui gaspille
La journée qu’il octroie.
Et je fleuris ici une petite heure, sans être vu,
En puisant dans ma sève,
Sans racine en terre
Pour que mes branches restent vertes,
Mais je me trouve
Dans ce simple récipient.
On a laissé quelques bourgeons sur la tige
Pour singer la vie,
Mais mes enfants ne connaîtront pas,
Avant que le Temps les ait flétris,
Cet ennemi
Dont ils sont pleins.
Je vois désormais que je n’ai pas été cueilli pour rien,
Et mis dans le vase de verre
De la vie tant que je puis survivre,
Avant d’être transporté par une main bienveillante,
Vivante,
En terre étrangère.
Cette souche ainsi dispersée rachètera ses heures.
Et au terme d’une autre année,
Comme Dieu le sait, à l’air libre,
Donnera plus de fruits et
De jolies fleurs,
Pendant que je me fane ici.
*
Sic Vita
I am a parcel of vain strivings tied
By a chance bond together,
Dangling this way and that, their links
Were made so loose and wide,
Methinks,
For milder weather.
A bunch of violets without their roots,
And sorrel intermixed,
Encircled by a wisp of straw
Once coiled about their shoots,
The law
By which I’m fixed.
A nosegay which Time clutched from out
Those fair Elysian fields,
With weeds and broken stems, in haste,
Doth make the rabble rout
That waste
The day he yields.
And here I bloom for a short hour unseen,
Drinking my juices up,
With no root in the land
To keep my branches green,
But stand
In a bare cup.
Some tender buds were left upon my stem
In mimicry of life,
But ah! the children will not know,
Till time has withered them,
The woe
With which they’re rife.
But now I see I was not plucked for nought,
And after in life’s vase
Of glass set while I might survive,
But by a kind hand brought
Alive
To a strange place.
That stock thus thinned will soon redeem its hours,
And by another year,
Such as God knows, with freer air,
More fruits and fairer flowers
Will bear,
While I droop here.
***
Henry David Thoreau (1817-1862) – A Week on the Concord and Merrimack Rivers (1849) – Sept jours sur le fleuve (Fayard, 2012) – Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Thierry Gillyboeuf.