Fin 2018, il a été annoncé que l’un des groupes préférés du Mari et de son frère, à savoir The Cure, a été annoncé en tête d’affiche pour l’édition 2019 de Rock en Seine. Réaction du Mari : Je m’en fous, je les ai déjà vus en 2016, et puis 69 € juste pour poireauter toute l’après-midi et voir Bob… Car oui, j’ai offert cette possibilité au Mari et au Beau-frère d’aller les voir lors de leur passage à l’Accor Hotel Arena en novembre 2016 (et ce malgré le fait que j’aie pris les billets un mois après les attentats du 13 novembre 2015). C’était un beau moment de fraternité et ça m’a rendue en joie de leur offrir ce moment.
SAUF QUE d’autres annonces sur l’affiche de Rock en Seine ont été faites début février 2019. Et que vois-je ? Que le vendredi 23 août passait non seulement Bob et sa clique, mais aussi Johnny Marr, ancien guitariste des Smiths, qui s’assume enfin en solo depuis 2012 (soit 25 ans après la séparation du groupe). Le Mari citant également les Smiths et de surcroît Johnny Marr comme faisant partie de son panthéon, ni une, ni deux, je profite d’une carte cadeau de la FNAC pour nous acheter deux places et lui les offrir pour son anniversaire.
C’est là une formidable preuve d’amour que je lui fais. En effet, j’ai assisté une seule fois à Rock en Seine. C’était en 2009. Soit l’année de la séparation d’Oasis en direct. Et quand on vit avec un exégète d’Oasis, c’est le genre de traumatisme qu’on se cogne à vie. La preuve : nous nous sommes rencontrés en juillet 2013, il a fallu attendre fin 2016, soit deux ans et demi de vie commune et un an et demi de mariage pour qu’il puisse me faire écouter Time Flies, la compilation contenant le dernier concert d’Oasis avant leur séparation. Et encore, j’étais à moitié endormie et j’ai passé l’écoute en PLS.
C’est donc avec une appréhension non feinte que je me suis dirigée cette après-midi d’été vers le parc de Saint-Cloud. Mais le résultat a été à la hauteur de nos espérances avec les quatre concerts auxquels j’ai décidé d’assister.
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Alice Merton : petite mise en jambes
Il était 15h quand nous sommes arrivés. Je me suis donc dit Tant qu’on est là, autant profiter. J’ai donc soudoyé le Mari pour suivre les deux premiers concerts. Pendant qu’il fait son bougon dans son coin en trouvant le temps long sur la pelouse, je décide de patienter en photographiant les t-shirts pour alimenter mon feed Insta – oui, parce que j’aime photographier les t-shirts, et il y avait de sacrés spécimens dans la place. Débarque sur la scène une demoiselle très fraîche, dont le principal fait d’armes est de matraquer son No Roots sur les antennes de Oüi FM depuis l’automne 2018. Malgré tout, j’avais envie de la voir pour savoir ce qu’elle proposait d’autre. Son répertoire n’invente pas l’eau chaude, mais ça fait le travail pour motiver une foule de festival. Je surprends même le Mari à se lever de la pelouse et à se dandiner.
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Jeanne Added : moment suspendu
J’avais aussi insisté pour assister à son concert. Je me plaignais à un de mes contacts sur Twitter à l’occasion des Victoires de la musique cette année que je n’avais jamais eu la curiosité d’explorer son répertoire, alors que j’aimais énormément ce qu’elle proposait à chaque fois que j’avais eu le bonheur de la croiser sur mon chemin. C’était l’occasion parfait de m’immerger dans son monde. Et bordel, qu’est-ce que c’était beau. Minimaliste, certes, au point que je n’aurais jamais imaginé qu’autant de musique électronique puisse me faire vivre une expérience aussi organique. En bonne sensible, j’ai pleuré la moitié du concert devant tant de beauté.
Ca a été aussi l’occasion de vivre un impressionnant syndrome de Stockholm. Devant nous, dans la foule, une femme avec son compagnon et des amis avait une robe dessinée telle qu’on aurait dit une toge. A l’arrière de chacun de ses bras, se trouvait un tatouage de personnages en costume de cérémonie khmer ou thaï (j’ai essayé de deviner selon les traits de son compagnon). L’homme tatoué à droite semblait en méditation et ressemblait à une statue. La femme tatouée à gauche semblait au contraire s’animer et m’interpeller, comme si elle demandait à interagir avec moi. Cette expérience a grandement influencé mon impression sur le concert.
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Pause
Vu qu’il est déjà 18h et étant donné que la soirée risque d’être mouvementée – oui, parce que c’était intelligent de programmer Johnny Marr à 19h45 à l’entrée du festival et de programmer the Cure à 21h à l’extrémité du festival, il fallait donc parcourir 2 km en à peine 10 minutes –, on écoute d’une oreille peu attentive MNNQNS, un petit groupe de Rouennais qui faisaient office de passe-plats en début de soirée, et on profite comme des petits vieux des bancs pour boire notre bière et grignoter un truc. Déjà, le Mari se détend par rapport au début du festival. Je le sens en attente, parce que je sais que la suite a été faite pour lui.
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Johnny Marr : décidément, nous ne sommes pas dans le bon pays
C’est effectivement quand nous nous installons pour le concert de Johnny Marr que nous nous faisons cette réflexion. Car si, en France, la carrière solo du guitariste des Smiths reste quasi-confidentielle, ce n’est pas le cas outre-Manche et outre-Rhin, en témoignent les quelques 2.000 personnes devant la scène, majoritairement anglaises et allemandes. C’est ce qui nous a permis d’apprécier le concert : nous étions littéralement entourés de personnes acquises à la cause du brave Johnny, qui connaissaient ses chansons par cœur. Mais cela n’a pas fait non plus tout le sel du concert.
En effet, ce qui a réellement convaincu le Mari et moi-même, c’est que Johnny Marr peut désormais s’assumer tout seul sans cette présence encombrante de charisme et de personnalité problématique qu’est Morrissey. Comme tout membre d’un groupe iconique dont on chante les chansons de manière pavlovienne, Johnny Marr était attendu au tournant sur son interprétation des chansons des Smiths. Et ce fut un carton plein dès qu’il entonna Bigmouth Strikes Again : je me suis dit que, certes, il n’égalera jamais le lyrisme vocal de son ancien comparse parolier, mais force est de constater qu’il se démerde très très bien.
Même avec ses chansons solo – alors qu’il a tendance à sous-mixer sa voix sur ses albums, comme nous l’avons découvert par la suite –, et malgré le fait que nous ne nous soyons pas penchés plus que ça sur sa carrière depuis 2012 avant de le voir, le bougre est efficace. Ce fut un concert de 55 minutes très chouette, où on voyait que Johnny Marr investissait la toute petite scène qui lui avait été allouée, mais surtout qu’il prenait un véritable plaisir à être là. Le Mari en a profité pour commander dès le lendemain matin les trois albums et un live, preuve que nous avons été totalement conquis.
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The Cure : Robert Smith, diva lyrique
Etant donné que nous étions au concert de Johnny Marr, nous ne nous sommes logiquement pas placés de la meilleure des manières pour voir le groupe chéri – à savoir à 100 m de la scène. Ce n’est pas grave : le Mari spécule déjà sur la setlist du concert, à savoir jouer entièrement Disintegration pour fêter les trente ans de l’album, puis sortir les tubes et des raretés.
C’est ce qui s’est effectivement passé, même si Disintegration a été joué partiellement, dans le désordre et a été entrecoupé de ces tubes et raretés. Le Mari, en bon exégète, reconnaissait chaque chanson au bout de la deuxième mesure et chantait quasiment par cœur. Il se comportait entre moi dans un blind test et lui dans un concert de Noel Gallagher.
Bien que je ne puisse pas voir grand-chose de ce qui se passe sur scène, du fait qu’on soit un peu 30.000 personnes et que je fais partie du début du dernier tiers de la foule, j’ai trouvé ce show de 2h15 assez bien ficelé. Ca se voit que la majorité du groupe tourne ensemble depuis quarante ans, tant tout est bien en place, personne ne déborde et personne n’en fait trop.
Robert Smith, quant à lui, ressemble de plus en plus à Montserrat Caballé ayant chanté du Gounod. Tel la chanteuse lyrique, il s’offre à son public dans des mimiques maniérées. Je n’aurais pas été étonnée qu’on lui jette des bouquets de roses. Je l’ai même surpris à pleurer à la fin du concert en faisant ses salutations. Moi qui prenais son attitude sur l’émotion de partager sa musique avec 30.000 personnes, fus assez surprise quand le Mari m’a expliqué qu’il portait le deuil de ses parents et d’un technicien.
Bizarrement, alors que je garde en moi le souvenir d’un Pornography (1982) dont l’écoute m’est douloureuse au point de ne pas réussir à finir l’album, je n’ai pas eu de sentiment d’oppression ou de sinistrose quant à la setlist proposée. J’ai même trouvé le concert plutôt « joyeux », avec des chansons plutôt « positives » en live et un public enjoué. Et je me dis qu’il serait peut-être temps que je me sorte du préjugé concernant The Cure, à savoir de la musique pour romantiques suicidaires.
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Bref, ce moment a réussi à me réconcilier avec un festival qui m’avait laissé un traumatisme cuisant. A bientôt pour de nouvelles aventures musicales.