Tous les lundis, du 30 septembre au 28 octobre
Ecrit, mis en scène et interprété par Nicolas Vitiello
Présentation : Le 5 août 1912, à l’aube de la Première Guerre Mondiale, naît Henri Grouès dit L’Abbé Pierre.Comment ce fils de bourgeois va, par sa foi, ses rencontres et ses révoltes contre la misère, devenir une des figures les plus marquantes du 20ème siècle ?Comment cet homme a réussi à entraîner avec lui un pays, puis le monde entier dans son combat pour la justice ?A travers une narration moderne et originale, portrait d’un homme au parcours hors du commun, engagé, visionnaire et plein d’humour, porté par le destin.Un véritable message de paix et d’humanisme, un éveil des consciences !
Mon avis : Il était une Foi…Pourtant ce n’est pas un conte – ou alors un conte à frémir debout – que retrace devant nous Nicolas Vitiello. C’est hélas le récit d’une accablante réalité. Réalité d’hier, réalité d’aujourd’hui. Il fallait à l’abbé Pierre une foi sacrément chevillée au corps pour consacrer toute sa vie à une inlassable croisade contre la misère sous toutes ses formes…Dès les premières minutes, Nicolas Vitiello nous empoigne par le cœur. Et il ne nous le lâchera plus. Il ne l’étreint pas, il ne nous le malaxe pas ; au contraire, il nous le fait battre plus fort.En cette année 2019, qui marque le soixante dizième anniversaire de la création d’Emmaüs, il apparaît ô combien nécessaire et urgent de rappeler que le combat qu’a mené l’abbé Pierre est toujours d’une dramatique actualité… Pendant plus d’une heure, c’est ce à quoi Nicolas Vitiello s’emploie.
Causes toujours…On sent que le jeune homme, visiblement concerné, s’est totalement investi dans ce spectacle. Il l’a écrit, l’a mis en scène et il l’interprète. Il a effectué très intelligemment la synthèse du saint homme et de son action. Vibrant d’intensité, il ne tombe jamais dans le pathos. Aucune leçon de morale dans son discours ; et aucun prosélytisme non plus. L’abbé « Vitiello » Pierre fait systématiquement passer l’humain avant le religieux. Ce qui est sacré chez lui, c’est le droit de son prochain à vivre décemment.Résistant pendant la guerre, l’abbé Pierre restera un résistant toute sa vie. Porte-drapeau d’une armée d’exclus, ayant toujours (hélas) une cause à défendre, il est inlassablement reparti au front. Le mot qui revient le plus souvent dans sa bouche, c’est « combat ». En perpétuelle révolte, il prône l’indignation à condition qu’elle soit « digne ». Conscient d’être une voix que l’on entend, que l’on écoute (pas toujours) et qui compte, il consacrera sa vie entière au service des autres.
Ce spectacle est une œuvre utile. Grâce au jeu simple et naturel de Nicolas Vitiello, on suit le parcours de l’abbé Pierre avec une attention qui ne faiblit jamais. S’il stigmatise et dénonce les dysfonctionnements de notre société, sa colère n’est jamais agressive. Malgré l’urgence de ses objectifs, il sait prendre du recul ; si bien qu’il se permet de glisser malicieusement ça et là quelques traits d’humour. Grâce à ce ton, à ces ruptures et à une mise en scène astucieuse on est tout le temps captivé. Le récit, habilement rythmé, est truffé d’anecdotes, de name dropping (Mitterrand, Kouchner, Eisenhower et, surtout, Chaplin…), illustré par des projections d’images d’époque et des enregistrements radiophoniques (comme le fameux appel du 1er février 1954).
Dès qu’il coiffe le béret et endosse la célèbre pélerine, Nicolas Vitiello est métamorphosé. Il devient l’abbé Pierre. Et sa parole prend alors toute sa résonnance. On assiste en direct à un véritable dédoublement de personnalité. On réalise alors combien le charisme, la conviction, la ténacité et la force de persuasion de l’abbé pouvaient séduire et émouvoir ses interlocuteurs, quel que soit leur rang.Il faut saluer la performance de Nicolas Vitiello. Mais lorsqu’on le félicite pour son travail, il réagit en parfaite symbiose avec son modèle : avec une réelle humilité.
Gilbert « Critikator » Jouin