La notion d'éros et de thanatos, qui apparait en psychologie, m'a toujours semblé abstraite.
Edgar Morin parle, lui aussi, d'éros. En réfléchissant à ce qu'il en dit, il me semble trouver dans mon expérience du changement une interprétation de ces deux termes.
J'ai fini par comprendre que ce qui était essentiel dans un changement, son déclencheur, c'était "l'envie d'y croire", ma traduction de "a bias for hope", d'Albert Hirschman. Autrement dit une envie irrépressible d'aller de l'avant. Bergson aurait peut être parlé "d'élan vital". Pulsion de vie.
A l'opposé, je ne parlerai pas de "pulsion de mort", mais j'ai l'impression que les groupes humains peuvent être la proie d'une forme "d'aliénation". Comme dans les travaux de Christophe André sur la phobie, une idée nocive s'empare d'eux, qui leur coupe les ailes et les fait entrer dans un cercle vicieux qui peut être mortel. Pour prendre l'exemple de l'homme, cette idée nocive peut avoir pour origine une maladie. Cette maladie peut être grave, mais il n'y a pas de raison qu'elle s'empare de toutes ses pensées, de sa vie. L'homme poussé par "l'éros" voit la maladie comme le conducteur qui rencontre une déviation : elle fait partie des aléas du métier et ne remet pas en cause sa destination.
Le paradoxe de l'affaire est que la vie signifie incertitude et combat, alors que le repli sur soi, au contraire, a quelque-chose de rassurant et de confortable. Thanatos, par certains côtés, est plus séduisant qu'éros.
(La théorie de Martin Seligman sur la dépression et l'optimisme dit la même chose, je crois.)