James Gray, 2019 (Etats-Unis)
Réalisateur du très remarqué The lost city of Z (2016) et de The immigrant (2013), le très en vue James Gray s'attaque à la science-fiction avec Ad Astra, film attendu de pied ferme par une horde de fans de SF en manque de films de grande envergure (le dernier en date étant Blade Runner 2049 de Villeneuve). Couvert de louanges par la critique internationale, le film ressemble étrangement à un mix entre Interstellar (Nolan, 2014) et Gravity (Cuarón, 2013), même si d'aucuns le comparent également au 2001 de Stanley Kubrick (1968), ce qui, dans une certaine mesure n'est pas totalement usurpé. Alors James Gray est-il parvenu, au-delà des effets de manche et des comparaisons faciles, à convaincre le coeur des amateurs de science-fiction, ceux qui, abreuvés par une littérature ayant déjà exploré toutes les facettes de l'univers et un peu déçus par Interstellar, attendaient comme le messie que le cinéma renouvelle un genre en perte de vitesse depuis les années 2000, mais qui dispose d'une matière encore largement inexploitée ?
Le scénario se veut finalement assez simple. Alors qu'il vient tout juste de subir un accident à l'occasion d'une sortie spatiale, l'astronaute Roy McBride est convoqué par son état major, aux abois depuis que la Terre est victime de surcharges énergétiques venues tout droit de Neptune. Cette planète aux confins de notre système solaire avait fait l'objet d'une mission d'exploration vingt plus tôt (mission LIMA) menée par le père de Roy, le commandant Clifford McBride, un scientifique de renom et une légende parmi les astronautes de la NASA. Depuis seize ans, ce dernier n'avait plus donné de nouvelles, son vaisseau était considéré comme perdu et son équipage porté disparu. Mais les activités venues de Neptune, qui menacent clairement la survie de l'humanité, laissent à penser que la mission LIMA continue ses recherches et que le commandant McBride est encore en vie.Roy est donc envoyé sur Mars, dernier avant-poste colonisé, afin de tenter d'entrer en communication avec son père et comprendre ainsi ce qui se passe autour de la géante gazeuse.
Une fois de plus, n'est pas Kubrick qui veut, et si le film a le mérite de s'éloigner des canons du cinéma hollywoodien traditionnel, proposant en apparence un projet artistique d'une grande maturité sur le fond comme sur la forme, il s'égare dans une direction diamétralement opposée à ce qui fait la spécificité de la science-fiction depuis plus d'un siècle, à savoir questionner et interroger l'avenir de nos sociétés modernes pour mieux éclairer le présent. L'arrière-plan politique, social et économique n'est ici que vaguement brossé, à la limite de l'incompréhensible et c'est là, au-delà d'un scénario un peu simple, une des grandes faiblesses du film. On aurait pu pardonner au réalisateur ce petit oubli s'il avait su nous faire rêver et réenchanter notre désir d'étoiles, mais comme Gravity il ne propose qu'un modeste et discutable repli sur soi, repoussant notre désir d'exploration, terrifié par les mystères de l'espace infini qui se déploie au-delà des confins du système solaire. Comme Alfonso Cuarón, James Gray apparaît étrangement conservateur, persuadé que l'avenir de l'homme ne se jouera pas dans l'espace et qu'il n'y a rien à gagner à nous éloigner de notre planète. On aurait pu adhérer si le discours s'était voulu un brin plus poussé et si la démonstration s'était montré plus convaincante. En l'état, on ne peut que regretter que le réalisateur se montre si timoré, si peu visionnaire dans sa démarche et on se dit à quoi bon réaliser un film de deux heures pour accoucher d'une vision aussi étriquée. Cette philosophie du repli pourrait se résumer de la sorte : notre planète est la plus belle de toutes et la seule que nous ayons dans cet univers, admirez et savourez votre bonheur il n'y a rien de bon pour l'homme au-delà de Neptune. A ce discours un peu simpliste, James Gray n'oppose qu'un seul personnage, le commandant McBride père, un homme devenu quasiment fou, obsédé par son désir de trouver une nouvelle forme de vie au-delà du système solaire. Entre les deux, point de salut , rentrez chez vous braves gens.
Reste tout de même un film aux qualités formelles indéniables, réalisé avec une grande maîtrise de la caméra et une photographie exemplaire, un casting plutôt convaincant et un Brad Pitt que l'on n'attendait pas dans ce registre et qui s'en sort admirablement. Hélas, ce n'est pas suffisant pour faire de Ad Astra un bon film de science-fiction, tout au mieux, il laissera comme un goût d'inachevé. Monsieur James Gray, vous avez éteint les étoiles, à défaut de les avoir atteintes.