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Balkany en prison…

Publié le 23 septembre 2019 par Alex75

C’était la 1ère nuit en prison pour Patrick Balkany, le 13 septembre, la justice ayant décidé l’incarcération immédiate de ce-dernier à la prison de la Santé, accusé de fraude fiscale. Le verdict est tombé. Patrick Balkany a été condamné à 4 ans de prison ferme avec incarcération immédiate et 10 ans d’inégibilité et sa femme, Isabelle Balkany, à 3 ans ferme, sans mandat de dépôt, en ce qui la concerne, pour raison de santé. Une décision disproportionnée disent les avocats du couple Balkany. Faut-il parler d’une peine exemplaire ? Balkany est-il le symbole de l’affairisme des années 80, qui n’auraient plus sa place aujourd’hui ? Peut-être a-t-on voulu empêcher sa fuite ? Et pourquoi le maire de Levallois-Perret est-il à ce point soutenu par les habitants de sa ville, ainsi que par certaines personnalités ? A l’image de Nicolas Sarkozy, qui a fait part de sa peine, suite à sa condamnation ? Comment les époux Balkany ont réagi à l’annonce du dépôt de mandat ? Patrick Balkany mérite-t-il un traitement plus dur que Jérôme Cahuzac ? Les Balkany ont-il été protégés pendant des décennies ?

Il est certain que cette affaire constitue un écran de fumée dans l’actualité, ayant occupé partiellement les médias. D’autres sujets nous préoccupent plus, du moins en  ce qui me concerne (qui me désintéresse du destin du couple Balkany) et devraient être plus abordés, à l’image du chômage endémique, la désindustrialisation de la France, les gilets jaunes, la fiscalité, l’UE, l’immigration, etc… Cependant, c’est également une affaire intéressante et symptomatique car riche en enseignements sur le fonctionnement de notre vie politique et en particulier sur celui de la droite. C’est un système de vingt, trente ans, qui s’est effondré. Une page se tourne, c’est un peu la fin de l’empire, semblerait-t-il. La justice tombe enfin et rend son verdict. Il y a beaucoup d’éléments pour dire qu’il était assez fataliste. La sentence est tombée pour fraude fiscale. Il faut replacer les choses dans leur contexte, l’affaire étant atypique, car remontant à 25 ans. La mise en examen remonte à 2015 environ, l’instruction se termine en 2016/17. Les Balkany ont été mis en examen en 2015 sur des accusations de blanchiment de fraude fiscale, étant accusés de n’avoir pas déclaré une partie de leur patrimoine, au demeurant sans commune mesure avec leurs indemnités d’élus. Quoi qu’il en soit de la fortune familiale supposée des époux Balkany. La propriété de 4 hectares en Normandie, dit du « moulin de Giverny », dont ils sont propriétaires depuis trente ans, donnée à leurs enfants, mais dont ils conservaient l’usufruit, leur permettait de déclarer que 150 000 euros au fisc. Tout cela met évidemment en cause leur mode de gestion de la ville de Levallois-Perret, dont ils sont élus depuis 1983, tous les deux, avec une parenthèse d’un mandat.

On a l’impression que les Balkany appartiennent à une autre époque. Celle où les Hauts-de-Seine étaient un empire et sur lequel régnait d’abord un certain Charles Pasqua, puis un certain Nicolas Sarkozy, avec des personnages, des barons, nous pourrions dire, du type de Patrick Balkany. On peut citer Patrick Devedjian à Antony, André Santini à Issy-les-Moulineaux, Joël Ceccaldi-Raynaud à Puteaux, dans des communes souvent à gauche, voire communistes dans l’après-guerre et conquises par le RPR/UDF au début des années 1980. Cette banlieue ouest, ancien département de la Seine (75), devenue les Hauts-de-Seine (92) a été populaire. C’est le temps des comptes. Là, on l’envoie en prison, ce qui n’a rien d’extraordinaire. Environ 20 000 mandats de dépôt à l’audience sont déposés par an en France, ce qui est considérable, uniquement pour les peines de plus d’un an de prison selon la loi. Patrick Balkany est dans une procédure de victimisation avec le mandat de dépôt, la vérité étant qu’il savait qu’il serait condamné. La condamnation n’est absolument pas une surprise. La surprise est l’incarcération. Tout le monde pensait qu’elle interviendrait plutôt au 2e volet du procès, prévu à l’automne. Sa femme est aux commandes désormais de la mairie de Levallois, le maire-adjoint assurant l’intérim.

C’est l’occasion d’opérer un retour sur une incroyable saga politique. C’est l’histoire d’un tandem, d’un duo souverain à Levallois. C’est un couple carriériste, la stratège étant Isabelle, qui a pensé, Levallois étant assez en pointe, avec l’immense aménagement du front de Seine, autrefois une ville ouvrière du nord-ouest parisien, qui est devenu une ville cossue, enlevée au PCF en 1983. Balkany, c’est aussi la droite des années 80 et 90. Ils sont la jeunesse, l’avant-garde de la droite RPR et comptent bien marquer la vie politique française, quand ils sont élus en 1983. « Je suis là pour 30 ans, si je ne fais pas de bêtises », dit-il à son élection. Pourtant, il y en aura. Il y a trente, quarante ans, Levallois était une ville de gauche, communiste, avec des taudis partout, des hôtels, des bars de voyous, des zones industrielles en déliquescence, voire en friche, notamment sur le front de Seine. La firme Citroën y occupe dès 1929, l’ex-usine « Clément-Bayard » (70 000 m²), sur les quais de Seine (fermée en 1988), où sera fabriquée la fameuse « 2 CV ». C’était également jusque dans les années 1960, le repaire des taxis de la région parisienne, où se trouvait leurs garages. Durant ses deux premiers mandats, Patrick Balkany a contribué à la profonde mutation de Levallois.

Il a transformé les zones industrielles déliquescentes ou en friche (occupant près d’un quart de la superficie de la ville) en quartiers résidentiels et de bureaux. Il a fait venir une nouvelle population, ce qui signifie de nouveaux électeurs, leur offrant les services dont elle avait besoin. Dans sa chanson Levallois, le chanteur Florent Marchet et dans son roman 99 Francs, le romancier Frédéric Beigbeder citent Levallois-Perret comme l’archétype des années 2000 de la ville de première couronne parisienne, refuge d’une jeunesse médiocre (emplois tertiaires dans la capitale), de droite (non-boboïsée), contrainte de quitter Paris à cause des prix de l’immobilier pour y installer leur famille. A ce titre, c’est toute la partie nord des Hauts-de-Seine qui a changé, au tournant des années 80. Soit un Etat dans l’Etat en France et dont le PIB est équivalent à celui de la Grèce avant 2008 et de beaucoup de petits pays européens. Parce qu’il y a notamment ce quartier d’affaires de la Défense, érigé dans les années 60 où sont domiciliés de nombreux sièges sociaux d’entreprises payant leurs impôts locaux. Et le plus souvent géré par des mairies de droite, qui étaient de gauche à l’époque, sans transparence sur les affaires de financement de partis politiques et avec beaucoup à faire sur le plan immobilier. Levallois-Perret regroupe près de 4 500 entreprises et commerces pour près de 60 000 emplois, les experts en géographie économique rangeant cette ville dans le « Croissant d’or » désignant les communes d’Issy-les-Moulineaux, Boulogne-Billancourt, Neuilly-sur-Seine, Clichy, la rive droite de la Seine. De nombreux sièges sociaux de grandes entreprises  s’y concentrent, sa proximité avec le quartier d’affaires de la Défense privilégiant cet espace économique.

Balkany a été réélu, étant indéniable qu’il a transformé cette commune. Il en a fait la ville des classes moyennes, des cadres, avec des crèches partout, des centres sportifs, des associations sportives, mais au prix d’un endettement énorme, qui devra être payé, un jour, par les citoyens de Levallois. C’est la ville la plus endettée de France, mais c’est en même temps une commune où il y a des sièges sociaux (Alstom, Butagaz, Guerlain, L’Oréal, Plastic Omnium, GMF, Lagardère, Constantin Associés…), qui a des revenus pouvant justifier cet endettement. Et Balkany a soigné ses habitants de Levallois, avec le taux de crèche le plus élevé en France, chaque retraité ayant droit à sa bouteille de champagne, chaque année. Sarkozy et Balkany étaient amis par leurs pères, tous deux d’origine hongroise, Balkany l’ayant emmené en java, à la fondation du RPR ensemble en 1976, Balkany ayant toujours eu plus de moyens que Sarkozy. Sarkozy regardait Balkany comme le grand frère, pistonné, plein aux as, qui le fait marrer. Il en a toujours rajouté d’ailleurs dans la mise en avant de cette amitié, car cela servait ces intérêts. Les Balkany sont le sparadrap des années bling-bling, l’ayant toujours été. Durant cette période où Cécilia Attias était en train de quitter Nicolas Sarkozy, c’est Isabelle Balkany qui a fait le lien. A sa décharge, Sarkozy ne l’a jamais fait ministre, Balkany ayant toujours rêvé d’obtenir le portefeuille de la coopération, par ses liens avec l’Afrique. Ayant même, paraît-il, claqué la porte de son bureau de l’Elysée, quand il avait appris qu’il ne serait pas ministre. Balkany a été un soutien, un ami de jeunesse, une relation de vingt, trente ans, notamment par leurs origines hongroises communes, du côté paternel. Mais Sarkozy l’a toujours confiné à Levallois. Tout en lui donnant un passeport diplomatique, ce qui lui a permis de beaucoup voyager en Afrique et de multiplier les affaires occultes. Il jouait le rôle de conseiller de l’ombre, au sujet de l’Afrique. Mais il y avait tout un halo d’affaires autour de lui. Sous le quinquennat précédent, vers la fin, il se disait que la mairie de Levallois fonctionnait comme un Matignon bis et que les réseaux y manoeuvrant étaient plus puissants qu’à Matignon même. Sarkozy n’a en tout cas pas du contribuer à enclencher les procédures en cours, sous sa présidence, accélérées sous François Hollande, c’est sûr.

Les Balkany, c’est un couple type Bonnie and Clyde. Ils se sont rencontrés en 1975. Patrick Balkany invite sa future femme à un match de boxe. Ils dînent chez Lipp, puis se marient. L’adversité les renforce. Isabelle Smadj, de son nom de jeune fille, est une fille d’immigrés juifs tunisiens ayant fait fortune dans le caoutchouc. Lui, sa famille paternelle, d’origine juive hongroise, a fait fortune dans le prêt-à-porter. Le magasin paternel était à proximité de l’Elysée. Balkany fait son service militaire à l’Elysée, et pensant initialement être acteur. Il pense finalement à la politique. Candidat à Auxerre en 1976, c’est un échec. Il revient en région parisienne. Il est fait partie de ces jeunes loups, qui sous l’égide de Charles Pasqua, pour le compte de Jacques Chirac, alors à la tête du RPR dont il a fait un parti néo-gaulliste (uniquement dans la forme) en vue de la conquête de l’Elysée, vont tenter d’arracher plusieurs communes de banlieue à la gauche en 1983. On les appelle les Pasqua Boys. Devedjian ira à Antony. Balkany installe une permanence en face de la mairie de Levallois, qui fonctionne comme une sorte de mairie bis. Il fait 51 %, c’est difficile. Il gagne de justesse. Il arpente les rues. Isabelle est la communicante, journaliste à la base. Elle est dans la stratégie. Ils réfléchissent à l’aménagement de ces villes de l’ouest, en misant sur la sécurité. C’était des friches industrielles, frappées par la crise industrielle, qui ne cessent de dégringoler à leur arrivée. Il fait parler les bulldozers, pour en faire une banlieue chic. Ils ont transformé cette ville indéniablement. En 1983, c’est lui qui appelle Sarkozy à la mort d’Achille Peretti, lui disant que la place est libre. La toile d’araignée se tisse. Il lui a d’ailleurs toujours été fidèle. Il était du côté de Sarkozy et de Balladur en 1995 (ce qui lui a valu d’avoir le courant chiraquien dans sa ville, qui le battra en 1995, dans le contexte de sa 1ère condamnation, mais il sera réélu ensuite).

C’est comme cela que ces communes se sont complètement transformées architecturalement et sociologiquement. Et cela fait longtemps, à vrai dire, que la presse et la justice suspectent Patrick Balkany de monnayer les terrains immobiliers, de faire de l’argent et d’avoir constitué une fortune. Nous le savons, Levallois est une ville tout à fait limitrophe de Paris, donc les terrains immobiliers ont une valeur considérable. Et puis reste la façon, dont il a usé de son pouvoir d’influence. Puisqu’il a aussi fait des affaires en Afrique noire, notamment lorsque Nicolas Sarkozy était président, par sa proximité et son amitié présidentielle. Il est su que Patrick Balkany a acquis une mine d’uranium en Afrique noire, un industriel belge lui ayant versé une commission réclamée contre son exploitation, sous la forme de deux virements depuis son compte en Suisse, vers un compte numéroté domicilié à Singapour. A l’époque des espèces, il n’y avait pas besoin de ces montages complexes. Mais avec le temps, il a fallu monter ces écheveaux de sociétés, avec à priori passage vers des paradis fiscaux, afin de perdre la justice française. L’un des développements de cette affaire n’était pas moins spectaculaire, l’un des avocats proche de Sarkozy – à savoir celui de la ville de Levallois – étant soupçonné d’avoir orchestré l’évasion fiscale du couple Balkany, aujourd’hui mis en examen, ce qui faisait une deuxième-troisième fuite. Cette affaire en rajoute à l’eau du moulin du « Tous pourris », que ce soit à droite ou à gauche.

C’est la 1ère fois que la justice arrivait à démonter le système. Le choc frappant Balkany vient d’abord de son propre camp, de l’intérieur, non des juges, des médias, mais essentiellement de l’un de ses anciens camarades de jeux, à savoir Didier Schuller. Mêlé à l’affaire du financement du RPR et des HLM de la ville de Paris, Schuller a tout pris à un procès l’ayant impliqué, en présence de Balkany, sans rien dire. Il y avait deux offices HLM à Paris, dont un finançant le RPR au travers un système de pots-de-vin versés contre l’octroi de marchés publics. C’est la vengeance de Schuller qui a changé les choses, à savoir son clone. Il y a trente ans, il devait prendre la mairie de Clichy, voisine de Levallois. C’est tout un périmètre, Levallois faisant 1km de long sur 1,5 km de large, soit de tous petits rectangles aux portes de Paris, entre la Seine et le périph’ (les portes de Champerret et de Levallois), où tout était à faire en immobilier. Didier Schuller s’en va en cavale en République dominicaine, sa vie étant, au fond, détruite, ayant perdu de son aura. Et vingt ans plus tard, étant revenu, en révélant tout ce qu’il savait, il a mis la justice sur la piste, lui ouvrant une porte d’entrée sur le système Balkany. Cette mise en examen a signé le début des gros ennuis pour Patrick Balkany. Quelques mois plus tard, les députés « Les Républicains » ont voté la levée de son immunité parlementaire, étant un signal très simple et clair, signifiant que personne n’a voulu bloquer le travail de la justice. Les Balkany devenaient peut-être un boulet pour la droite, à l’approche des élections régionales 2015, à l’époque.

Balkany est un personnage qui s’est installé dans le paysage médiatique, avec ce style très particulier, avec des gens aussi qui aiment ce style. Balkany, c’est une star, alors qu’au fond, il n’est que le maire de Levallois-Perret. C’est une grande gueule, qui aime serrer des mains, qui va discuter avec la mamie, qui a des capacités d’acteur, ayant même interprété un rôle dans un film dans les années 1960. Il est charmeur. Il a quelques saillies. « Je suis l’homme le plus honnête du monde ». « Si on ne ne nomme qu’un homme qui n’a pas été sali, on aura plus de candidat dans les Hauts de Seine ». C’est toujours un homme qui est sûr de lui. Il était devant la 32e chambre correctionnelle de Paris, face à des juges très flegmatiques et sévères. Dans son for intérieur, Balkany refaisait le match après chaque audience, devant ses soutiens. Tous ses arguments chutent un par un. En revanche, en terme de mise en scène, on ne peut nier son investissement. Il a prétendu que c’était de l’argent familial, non déclaré par omission. C’est un hâbleur, tchatcheur, provocateur, charmeur, dragueur, flambeur, qui a aussi fait ce numéro pour conjurer sa peur et la tenir à distance. On a voulu également sanctionner une ère Sarkozy. C’est un cas très particulier, en réalité. On a affaire à une PME, une auto-entreprise de la fraude. Les affaires des années 80 des partis sont systémiques, pour le financement, impliquant plusieurs dizaines de personnes. Là, cela implique un couple sur des décennies. Il a quand même été renouvelé, renouvelé, soutenu, au-delà du raisonnable, au sein des Républicains, jusqu’en 2015, ce qui pose le problème de la lenteur de la justice. Cela rajoutait de l’eau au moulin de ces politiques corrompus jamais condamnés.

C’est sa 1ère condamnation pour fraude fiscale, ce qui est sans précédent. On a manifestement voulu faire un exemple. Ce qui lui est reproché, c’est d’avoir déchiré le pacte républicain, comme l’a fait Jérôme Cahuzac. Mais il est puni également pour l’ensemble de son oeuvre, car c’est la plus grande collection de mises en examen peut-être de la vie politique française. Il y a une dimension exemplaire dans le jugement. Il y a toujours un aspect moral sous-jacent. La principale formule est l’enracinement prolongé dans la délinquance avec la volonté de dissimuler son patrimoine, à un tel point qu’on puisse imaginer qu’il tente de s’extraire à la justice en s’exilant à l’étranger, bien que son passeport lui ait été confisqué. Patrick Balkany est inscrit comme un délinquant et un fraudeur fiscal, mais il a également déchiré ce pacte républicain. Le couple Balkany fait les frais de lois qui ont été votés à l’AN. A l’étranger, tous leurs biens leur ont été confisqués. Patrick Balkany a déjà été condamné dans le passé, puis il a été réélu. La 1ère affaire Balkany a touché au fait, qu’ils confondaient personnel municipal et domestique, emmené par exemple, dans leur villa aux Antilles, l’ayant conduit à être condamné à une peine d’inégibilité. Comme cela arrive parfois, il a ensuite été réélu, ayant d’autres exemples d’élus condamnés par la justice, puis au fond adoubé par leur électorat, à droite comme à gauche. Là, l’affaire était plus grave. C’était d’une autre nature, les biens du couple Balkany ayant une valeur très supérieure à leur patrimoine déclaré, tout ce qu’il y a de transparent, ayant toujours été élus (conseiller général, maire, député).

La justice a ordonné la vente de leur villa « Pamplemousse » à St-Martin, aux Antilles, allant directement à l’Etat. Balkany utilise des prête-noms dans l’acquisition de ces propriétés aux Antilles et au Maroc, sans parler de sa maison de Giverny, comme Jérôme Cahuzac l’a fait, afin de détourner la rigueur du fisc. Mais aussi comme Mitterrand qui a acheté un domaine dans le Lubéron, sous un prête-nom, la propriété de Gorde, mais au bénéfice d’Anne Pingeot et de Mazarine et non pour des raisons fiscales. Patrick Balkany n’a pas inventé ce système. Il est aussi « victime », entre guillemets, si l’on peut dire, de l’affaire Cahuzac et de la GRASC, ayant épluché ses déclarations de revenus. Cette agence a été le fruit d’une loi portée par Nicolas Sarkozy en 2010, mise en application en 2011, le but étant de toucher les truands, la pègre, de la déstabiliser, permettant de saisir, puis de vendre des biens acquis frauduleusement, sans attendre la décision de justice. En Italie et aux Etats-Unis d’où vient ce modèle, c’est une méthode efficace pour lutter contre la mafia. Si l’on est sourcilleux sur la procédure judiciaire, tant que la décision de justice n’est pas rendue, on est réputé innocent, que ce soit M. Balkany ou un 1er communiant, ce-dernier constituant une cible médiatique et judiciaire. Il a été victime de ces lois, de cette agence, qui a été créé pour lutter contre le crime organisé, à l’origine. La procédure a duré environ quatre ans. Et la condamnation est tombée, Balkany ayant été reconnu coupable de fraude fiscale. La déclaration des époux Balkany était frauduleuse, ce qui était facile à démontrer. Mais le problème était de savoir d’où vient l’argent et là-dessus, la procédure pouvant s’établir sur des mois, voire des années. Effectivement, si cela venait de montages, de portages d’affaires, de commissions occultes avec des circuits internationaux, pour les juges, cela allait être compliqué à dénouer et à établir, ce qui explique la longueur de la procédure, entamée en 2015.

Une législation oblige les élus à déclarer leur patrimoine. Le cas de Cahuzac est exceptionnel, ministre des finances ayant dissimulé son patrimoine au fisc. Cahuzac a bénéficié d’une peine aménageable. Ce qui était puissant dans l’affaire Cahuzac, c’était l’image très forte d’un ministre mentant devant l’AN. Cela portait sur quelques centaines de milliers d’euros planqués à Singapour, et sans antécédent judiciaire sur ce plan là aussi. Le ministre et la parole ministérielle ont été visés. Les crimes de sang, c’est plus de dix ans. En revanche, ce qui est vrai, c’est que Cahuzac a été le 1er à faire de la prison ferme, ce qui a été aménagé finalement. C’est vrai que Cahuzac va être condamné à une peine forte, sans faire de prison. Balkany qui a avoué tardivement, avec une attitude au procès particulièrement mal appréciée par la cour, se voit condamner, ce qui est très surprenant sur l’incrédulité de la classe politique. Il a ce côté grande gueule. Il a été complément lui, provocateur, recadrant son avocat, avec son portable qui sonne en pleine audience avec la musique des tontons flingueurs. La justice y a vu une forme de nonchalance, de provocation. Il n’a jamais demandé pardon. Il n’a jamais cherché à aller négocier à Bercy, pour réparer sa faute. Ce pourquoi les juges se sont dits aussi que la prison est une réponse. Par rapport à ces grandes gueules, comme Tapie, l’opinion est divisée. Balkany, c’est blanc ou noir.

Il va y avoir ce 2e procès. Pour l’instant, les biens n’ont pas tous été saisis. On attend le 2e jugement, pour avoir les saisies définitives. Il reste le moulin de Giverny, qui est la résidence principale. On est à 4 millions d’euros d’impôts éludés. Il faudra attendre au moins jusqu’au 18 octobre. Il sortira dans quelques mois, en raison de son âge. Il dort ce soir, dans le quartier des personnes vulnérables, là où a peut-être été Guillaume Appolinaire durant une semaine, accusé en 1911 de complicité de vol de la Joconde, ce qui l’aura beaucoup frappé, le préfet Maurice Papon, l’ex-dirigeant d’Elf-Aquitaine Alfred Sirven, l’homme d’affaires Xavier Niel durant un mois avec mandat de dépôt pour « recel d’abus de biens sociaux » en 2004, l’homme d’affaires Bernard Tapie, l’opérateur de marché de la Société Générale Jérôme Kerviel mais aussi des policiers pour des affaires de corruption ou de violence tels Michel Neyret, ancien directeur-adjoint à la police judiciaire de Lyon. Il est seul dans une cellule rénovée, équipée d’un téléviseur loué, bénéficiant de la visite d’un médecin. Mais ça reste la prison, avec 1 heure de promenade. Il est toujours officiellement maire, en 1ère instance, les peines annexes n’étant pas exécutoires. Isabelle Balkany a été condamné à 3 ans, elle aussi frappée d’inégibilité, la décision n’était pas exécutoire.

Dès lors, Balkany ne pourra se relever. Cela faisait vingt ans que l’on parle de sa fin, sa chute. Effectivement, il est dans le tourbillon de la justice depuis trente ans, Patrick Balkany ayant été élu quatre fois maire, au travers un système bougrement clientéliste. Il y a la justice et la démocratie. Ces élus retournent devant leurs électeurs, à chaque fois et s’ils s’avèrent talentueux, ces-derniers redonnent leurs voix systématiquement. L’inégibilité est fixée un temps, par le juge, un élu pouvant avoir une 2e ou une 3e vie politique. Alors qu’un fonctionnaire d’autorité ne le peut, car étant révoqué. En Allemagne, lorsque l’on a été condamné par la justice, on ne peut se représenter. Moralement, les partis politiques pourraient établir une limite. Le suffrage universel a une valeur autre dans l’hexagone. C’est heureux pour certains, pas pour d’autres. La levée de son immunité parlementaire ne signifiait pas jusque là qu’il ne puisse plus continuer à siéger et il continuait à siéger. Les charges sont lourdes, il a fait 5 mandats, 25 ans de député et 35 ans maire environ. En prison, il pourrait être candidat le 15 mars. Ca pourrait être Isabelle Balkany, la candidate. Ils seront toujours éligibles.

J. D.


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