La dernière carte de Marcel Fischer, de Philippe Erard

Publié le 22 septembre 2019 par Francisrichard @francisrichard

Avant que La dernière carte de Marcel Fischer ne se joue, il faut remonter dans le temps, au début des années 1950, quand ses parents se sont connus au Venezuela, pour comprendre, comme le raconte Philippe Erard, comment et pourquoi il s'est mis dans une situation telle qu'il n'aura pas vraiment le choix.

Son père, Hans-Rudie Fischer est né à Lausanne, le samedi 19 janvier 1918, sur les hauts de la ville à la maternité. Quand commence la Deuxième Guerre mondiale, il est étudiant à l'Ecole d'Ingénieurs de l'Université de Lausanne qui deviendra l'EPFL. Il est mobilisé et ne devient donc ingénieur-mécanicien qu'en 1948.

Il trouve un emploi chez Bobst, à Prilly, près de Lausanne: une importante fabrique de machines pour les arts graphiques, pour les matériaux d'emballages plus précisément. Or son chef lui propose en 1950 de diriger une petite équipe de deux mécaniciens-monteurs pour aller installer une Autoplatine au Venezuela.

Là bas, à la légation suisse de Caracas, il fait la connaissance d'une jeune stagiaire, Céline Masson, qui lui dresse un portrait prometteur du pays: Pour l'instant, c'est la croissance économique qui domine et avec elle s'accroît la prospérité générale. Très vite il est atteint par deux virus: Céline en premier et le Venezuela.

Comme Céline est atteint des mêmes virus, Hans et elle mènent de front deux projets: se marier et créer ensemble une entreprise de représentation d'entreprises susceptibles d'être intéressées au marché vénézuélien, d'abord en Allemagne, mais en Suisse aussi et éventuellement dans les régions voisines de France et d'Italie.

Pour que le bonheur de Céline et de Hans soit complet il ne leur reste une fois mariés qu'à mener à terme un troisième projet, celui de faire un bébé. Peut-être Céline devient-elle enceinte grâce aux bénédictions de Maria Lonza, déesse locale de la fertilité… Quoi qu'il en soit Marcel naît le lundi 22 septembre 1952.

Quand Marcel, qui a obtenu une licence HEC à Lausanne en 1973, reprend les rênes de MTE en 1978, il est atteint du virus: Lui, d'ordinaire si réservé, était devenu étonnamment entreprenant et audacieux. MTE, qui n'avait pas eu de dettes bancaires importantes commençait à en accumuler, pour sa croissance.

Quand, au début des années 1980, la conjoncture donne des signes de faiblesse, Marcel ne change pas de stratégie. MTE est bientôt surendettée: Ce n'était pas encore la panique, mais l'angoisse montait. La dévaluation du bolivar le 18 février 1983 et le contrôle des changes du 28 n'arrangent évidemment rien.

Marcel calcule que, d'ici peu, il lui manquera 5 millions de dollars: S'il ne les trouvait pas, MTE allait droit à la faillite. C'est à ce moment-là qu'une carte lui est tendue qui lui permettrait d'honorer l'échéance. Comme il pourrait éviter ainsi la honte de faire faillite, il se décide à la saisir, en désespoir de cause.

C'est le malheureux avantage de ceux qui n'ont rien à perdre de pouvoir beaucoup hasarder, disait Vauvenargues

Francis Richard

La dernière carte de Marcel Fischer, Philippe Erard, 216 pages, Editions de l'Aire