L'art de Bornéo c'est aussi l'existence d'intimidantes sculptures !
Un post daté de 2016, À la vie, à la mort... dans la jungle de Bornéo ou au musée, a déjà été publié sur ce blog au sujet de ces statues.
Les styles et fonctions de celles-ci diffèrent grandement selon les peuples, et quelques notes ne suffiraient pas à épuiser le sujet qui est loin d'être clos car de nouvelles statues sont encore retrouvées de nos jours.
Je me contenterai de compléter cet ancien article par quelques photographies d'autres statues, pointant les différents styles.
Si celles-ci prennent différents noms (hampatong, kapatong, empatoeng, patung....), je retiendrai le plus courant d'entre eux, celui de hampatong ; tous ces noms étant formés sur la racine malaise patong qui signifie marionnette ou statue.
Les hampatong sont généralement des figures d’ancêtres, protégeant la communauté des mauvais esprits.
Chez les Ngaju et Ot Danum, ces sculptures sont très naturalistes. Sur la photo ci-contre, on remarquera la coiffe élaborée et la présence de la représentation d'une jarre sur laquelle est assise le personnage. En effet, très tôt ont circulé à Bornéo de grandes jarres en terre cuite d’origine chinoise. Elles constituaient une part importante de la richesse d'une famille et se transmettaient par héritage. Celles-ci servaient à stocker du riz ou encore faisaient partie du mobilier funéraire pouvant contenir les os du défunt nettoyés lors des secondes funérailles.
C'est probablement ce type de jarre précieuse qui est ici représentée, et ces éléments (avec la coiffe) suggèrent qu'il s'agit probablement de la figuration d'une personne décédée de haut rang.
Pour d'autres groupes, par exemple les Ibans et les Bidayuh, certains hampatong sont des gardiens de riz et, posés dans les champs, ils protègent les récoltes.
Chez les Kenyah, on a affaire, avec les deux statues ci-dessous (collectées par Emile Deletaille dans les années 70) à un autre style, moins tranquille, une figure plus "féroce", la langue tirée, motif récurrent dans la statuaire Dayak en signe d'agressivité.
Dans la région de la Mahakam River, on trouve encore des sculptures différentes. Toujours réalisées en bois de fer, elles présentent un visage en forme de coeur, les yeux écarquillés, et un corps trapu et puissant.
D'où provient ce motif de visages en forme de coeur ? L’hypothèse la plus admise voit dans ces visages une origine très ancienne en rapport avec La Lune de Penjeng, un imposant tambour en bronze, daté du III ème siècle avant J.C. (1,8m de hauteur et 1,6 m de diamètre).
À suivre...
Photo 1 : © TropenMuseum TM100000830 avant 1938.
Photo 2 : © Metropolitan Museum of Arts 1988.124.3
Photos 3 et 4 : © Museum of Fine Arts Boston 2014.252 et 253
Photo 5 et 6 : à gauche © Museum of Fine Arts Boston 1994.411 et à droite © Sotheby's lot 28 vente Allan Stone 2013.
Photo 7 : Détail du tambour Moon of Penjeng, source Wikipédia.