Malgré la Marche pour le Climat, le sujet de cette chronique n'est pas écologique. Il ne porte pas non plus sur la disparition des abeilles, mais sur une autre forme d'espèce.
Les castors désignaient cette cohorte d'électrices et d'électeurs de gauche qui au second tour de l'élection présidentielle de 2017 en France ont accepté de suivre les consignes du chantage à l'extrême droite et votèrent pour (mal) élire Emmanuel Macron.
Cette gauche castor n'existe plus. Celles et ceux qui gobent encore les éléments de langage et la bienveillance socio-humaniste affichés par la Macronie doivent assumer la réalité de l'action politique du gouvernement Macron: plus inégalitaire que celle de Hollande et même Sarkozy; plus violente; moins écologique; et désormais tout aussi xénophobe au sens littéral du terme. Et c'est devenu rare, voire impossible.
Certes, le réflexe d'autodéfense des castors a encore eu un sursaut, mais sacrément plus modeste, lors du scrutin européen de mai dernier. Là encore, certain(e)s sont sortis de chez pour "faire barrage", sans avoir véritablement lu les programmes (Macron n'a publié le sien qu'en toute fin de campagne) ni déchiffrer les alliances cachées. Rapidement, on vit Macron faire l'accolade à Orban, et soutenir la désignation d'une Commission bien à droite, allant jusqu'à afficher la défense de la culture européenne dans l'une des dénominations de ses commissions.
Les castors ont donc presque disparu. Sur tous les sujets, les uns après les autres, Emmanuel Macron apporte la preuve que ce désastre n'est pas écologique mais politique. Les castors ont été remplacés par d'autres, venant des contingents de droite, et même de la droite furibarde. Macron chasse à droite.
#1 - Réduire les indemnités chômage
Après deux années et demi de présidence des riches, de faveurs affichées (ISF, flat tax, exit tax) ou déguisées (la suppression de la taxe d'habitation profitera pour moitié aux plus riches), voici le temps d'une autre vérité, l'attaque lente mais directe contre la solidarité nationale.
Un quotidien du soir titre ainsi sur les "perdants de la réforme" de l'assurance-chômage. Qui est surpris ? Le durcissement des règles de l'indemnisation chômage entre en vigueur dans quelques jours, le 1er novembre. Il concerne 40% des demandeurs d'emploi: les cadres bien sûr, mais qui représentent une cohorte minoritaire des chômeurs (et du coût de l’indemnisation chômage) de toutes façons. Et surtout une masse de chômeurs plutôt jeunes et précaires:
- 832 000 chômeurs vont perdre des indemnités à cause de l'allongement à 6 mois sur 24 de la durée minimale de travail préalable.
- 850 000 personnes (avec un chevauchement important sur la catégorie précédente) vont perdre à cause de la nouvelle méthode de calcul du salaire journalier de référence.
- Un peu moins de 2000 cadres supérieurs (plus de 4500 euros bruts comme dernier salaire) verront leur allocation décroître de 30% à partir du sixième mois, (auf s'ils sont âgés de 57 ans et plus).
#2 - Réduire les pensions de retraite
Après les chômeurs, il y aura les retraités. En échange d'une revalorisation du minimum vieillesse veut baisser les retraites du reste du pays. Prendre aux uns, mais jamais aux plus riches, pour donner un peu aux autres, c'est la marque de la Macronie. Cinq syndicats appellent à une grève illimitée pour le 5 décembre contre cette réforme des retraites dont le gouvernement ne cache plus l'objectif principal, réduire le coût, c'est-à-dire les pensions. Plutôt que d'augmenter les financements, notamment sur les gros revenus, ou les rveenus financiers, Macron persiste à vouloir plafonner la contribution aux retraites à 14% du PIB.
#3 - Faciliter l'esclavage auto-entreprenarial
En sus des salariés fragilisés par la loi travail, les chômeurs précarisés par le durcissement de l'UNEDIC, les retraités qui devront cumuler emploi/travail, voici la protection juridique... des plateformes numériques de "mise en relation". A l'Assemblée nationale, on applaudit à l'adoption de la loi LOM: encore un acronyme qui sonne la bienveillance, et pourtant... Dans son article 20, la loi offre, sans contrainte, la possibilité de publier une charte de bonne conduite des plateformes de mise en relation électronique vis-à-vis de leurs esclaves numériques.
En échange de cette charte, les plateformes comme Uber ou Deliveroo sont protégées de toute poursuite pour travail dissimulé ou fraude à la Sécu ("l’établissement de la charte et le respect des engagements pris par la plateforme (...) ne peuvent caractériser l’existence d’un lien de subordination juridique entre la plateforme et les travailleurs.") Et comme la Macronie n'est jamais trop prudente quand il s'agit de protéger l'exploitation de l'homme par l'homme, la loi prévoit même qu'au cas où un litige entre plateforme et employé aurait pu relever des prud'hommes,"le conseil des prud’hommes initialement saisi sursoit à statuer et transmet la question" au tribunal de grande instance. Exit le droit social ! La belle affaire !
#4 - Frapper l'opposition
Samedi 21 septembre, le gouvernement fait interdire des manifestations des Gilets Jaunes, mais aussi celle demandée par Attac et Solidaires. Mais la Marche pour le Climat, et la manifestation de #FO conter la réforme des retraites se trouvent aussi rapidement empêchées: le pouvoir bloque, lance les gaz lacrymogènes et fait tabasser malgré la présence de familles et d'enfants. Parfois, des La tactique est toujours la même: les forces de l'ordre laissent un Black Bloc se constituer et déranger violemment les cortèges, puis attaquent à leur tour.
Incompétence ou volonté délibérée de saboter toute manifestation d'opposition ? La tentation est grande d'attribuer à l'incompétence crasse de Christophe Castaner et de son équipe ces dérapages annoncés, prévisibles, et par ailleurs sanctionnés par la multiplication des lois sécuritaires depuis 2 ans. Il s'agit plutôt d'une manœuvre grossière, qui vise à décourager de manifester. Il faut mettre en scène la violence des oppositions, il faut faire peur pour décourager les mobilisations.
Parfois, le spectacle se retourne contre ses concepteurs. Ainsi le premier jour du procès Mélenchon pour "actes d’intimidation contre l’autorité judiciaire, rébellion et provocation" fournit une double occasion à cette opposition: primo, la publication d'une longue vidéo prise au moment de la perquisition des locaux de la France insoumise permet de comprendre la manipulation également grossière dont a été victime Mélenchon: non, le leader insoumis n'a pas "tenté de s'opposer à la perquisition". Secundo, Mélenchon et sa troupe ont choisi de théâtraliser au maximum le début de ce procès qui n'est rien d'autre que politique. Théâtre contre théâtre, que reste-il d'autres en Macronie ?
#5 - Manipuler avec les "tensions" de l'immigration
Mais le coup de grâce pour les quelques castors qui avaient conservé un peu d'estime macroniste malgré les débordements sécuritaires, le mépris social, et l'arrogance de classe de cette Macronista, ce devrait être cette saillie qui va durer contre l'immigration.
Quel choc, pour les "castors", de voir Macron attaquer ... le "problème de l'immigration". Les paroles exactes du jeune monarque, lundi soir devant des parlementaires godillots, ont été absorbées comme lettre d'Evangile par une "Team Progressiste" en mal de preuves que son Jupiter n'est pas le libéral-autocrate, et désormais xénophobe, que l'on observe, sont sans équivoque:
Les castors cachent le sujet, la novlangue est excellente: mais non, Macron ne dit rien d'offensant contre les immigrés puisqu'il a précisé que la France est "terre d'immigration". Notons que Marine Le Pen ne dit pas autre chose, et que c'est justement cette immigration qui lui hérisse les poils. Macron répète les propos des Le Pen, Jean-Marie applaudit, Marine sourit.
- Comme l'extrême droite, il affirme que l'immigration "créé des tensions."
- Comme l'extrême droite, Il amalgame, immigration et asile.
- Comme l'extrême droite, il fustige les détournements du droit d'asile par "des réseaux, des gens qui manipulent".
- Comme l'extrême droite, il reprend l'exacte formule sur ces "bourgeois" qui "ne croisent pas l'immigration".
Comme l'extrême droite, il laisse son secrétaire d'Etat à la police, Laurent Nunez mentir sur les statistiques de l'asile dans les jours qui suivent: "cette demande d'asile provient en grande partie, en grande partie, de personnes issues de pays d'origine sûre" C'est faux, corrige l'AFP. C'est complètement faux. Moins d'un quart des demandes d'asile sont portées par des ressortissants de pays dits sûrs, un taux stable depuis 10 ans, et même en baisse depuis janvier.
Ni la Macronie ni Macron lui-même n'osent dérouler la suite de leur raisonnement sur l'immigration: de quel problème l'immigration est-elle le nom ? Le bruit ? L’odeur ? La religion ? La couleur de peau ? Lundi soir, le monarque en remis une couche, en ciblant l'Aide Médicale d’État à nouveau. Il a même exhibé des statistiques géographiques dont personne ne connait l'origine, en accusant des "filières" d'Europe de l'Est.
En 2022, qui fera barrage à cette collusion Macron/Le Pen ?
Cette Macronie trouillarde, effrayée d'avoir à avouer le fond de sa pensée, n’aurait pas dû cacher pendant la campagne que les "problèmes de l’immigration" deviendraient ainsi un thème principal de mi-mandat. Que le pouvoir est une épreuve. Pour celles et ceux qui ont suivi l'injonction à faire "barrage" contre l'extrême droite, les populismes, la xénophobie, le spectre du fascisme renaissant en France, quelle déception ! Quel choc de réalité !
Ami castor, où es-tu ?