Nous sommes en Amérique et le calendrier affiche 1973. Par ici, la modernité vient tout juste d'arriver. Pourtant, il suffit de s'éloigner de la ville de quelques centaines de kilomètres pour reculer de plusieurs décennies. Tout est contraste, tout est neuf ou inexploré, tout semble possible. C'est dans ce contexte que deux jeunes parents quittent la ville avec leurs deux fils pour s'installer en campagne dans le but avoué de fuir la modernité. Cependant, rien ne se passe comme prévu et le climat familial se détériore rapidement. La seule option pour les deux frères est de fuir. Fuir chaque jour les violences parentales vers les champs et les bois, pour s'inventer une autre existence. Dans ce petit village perdu, à force d'aventures, de mauvais coups et d'amours d'été, c'est toute la vie qui leur sera révélée.
J'avais été grandement touchée par le premier album BD de Yvon Roy : Les petites Victoires qui parle du combat d'un père pour que son fils autiste puisse avoir la meilleure des vies possibles. J'étais donc curieuse de découvrir ce que renfermait Graines de Bandits .
Une nouvelle fois, la magie a opéré dès que j'ai ouvert la BD. Les dessins, que j'aime beaucoup, sont toujours en noir et blanc et dès l'introduction nous sommes happés dans les années 70 en Amérique avec ce jeune couple rêveur et ses deux enfants.
L'amour qui les unit tous se délite progressivement au rythme des désillusions des parents. La maison de leur rêve qu'ils n'ont pas, la vie monotone qui les attend, la religion qui pointe son nez à leur porte, le besoin viscéral de devoir s'accrocher à quelque chose pour finir par se terminer en une aigreur et une violence envers et contre tous, mais surtout contre les enfants.
J 'ai eu beaucoup d'empathie pour ces deux jeunes garçons qui vont devoir autant affronter que supporter la violence d'une mère désabusée et aigrie par une vie qui ne lui convient pas. Au lieu de trouver des solutions, cette femme se renferme sur elle et reporte la rancœur qu'elle éprouve pour son mari et elle sur leurs enfants. Ces derniers décident de fuir la violence quotidienne en jouant grâce à leur imagination et c'est ce qui leur permet de ne pas sombrer également.
J'ai énormément aimé cette tranche de vie qui n'est pas facile à lire, mais qui nous offre là une histoire riche sans tomber dans le pathétique. Je n'ai pas vu les pages tourner et la fin m'a quelque peu laissée sur ma faim même si la finalité est terriblement vraie : " On ne peut pas aimer quand on est malheureux ". Je dirais même qu'il est difficile d'aimer quelqu'un quand on ne s'aime pas soi-même, et c'est ce que l'on ressent quand on voit la mère des garçons.
En conclusion, voilà une BD magnifique à lire qui dénonce une violence quotidienne, mais qui ne tombe jamais dans le pathos. J'ai eu beaucoup d'empathie pour ces deux frères qui gardent la tête haute même quand les moments sont durs.
Encore une histoire magnifiquement racontée par Yvon Roy !