Ô toi que j’eusse aimée, ô toi qui le savaisCe matin, plongé dans un entretien avec Alain Finkielkraut publié dans L’Obs, voici que le bégaiement gagne ma lecture, puisque j’y trouve :
Ô toi que j’eusse aimée, ô toi qui le savais !Étonnant, non ? Baudelaire est assez riche pour se trouver à l’intersection des univers d’auteurs qui ont assez peu de choses en commun. Rolin erre, Finkielkraut pense – je simplifie à l’excès, je sais. Pour rassurer un peu sur l’ordre des choses qui ne s’en trouvera pas complètement ébranlé, chacun des deux tire quand même ce vers de son côté. Olivier Rolin cite ce vers en hommage aux apparitions féminines qui fixent une partie de son ambition littéraire : « Tenter de ressusciter ces grâces aperçues, ces émotions vite évanouies, trouver les quelques traits qui les feront émerger, vivantes de la vie des mots, de la grande cave d’ombre du passé, est une gageure qui n’est pas indigne d’un écrivain. » Alain Finkielkraut l’utilise pour servir sa vision d’un monde en cours de changement (changement qui, dans son esprit, n’est certes pas toujours pour le meilleur) : « Aujourd’hui, c’est impossible : le poète en serait pour ses frais, la passante aurait les yeux rivés sur son écran. » On en pensera ce qu’on veut (je n’en pense pas moins). Ou (et ?) on relira ce poème des Fleurs du mal.