Parlant de l'immigration devant les parlementaires de sa majorité, le chef de l’État a repris la rhétorique du Rassemblement national.
Ainsi donc, comme l’un de ses pires prédécesseurs – Nicolas Sarkozy pour le nommer –, notre président a perdu tout sens de l’État. Afin de «séduire» l’électorat populaire, Emmanuel Macron s’empare de la politique migratoire. Il déclare vouloir «préparer notre pays aux défis contemporains qui font peur», sauf que, à l’écouter, l’immigration serait le plus important de ces enjeux. Que les choses soient claires: il ne s’agit pas d’un «glissement sémantique» mais bien d’une dérive droitière.
La stratégie adoptée – contrer l’extrême droite sur son propre terrain – laisse pantois pour ce qu’elle masque mal: une odieuse visée électoraliste. Le président se prétend ultime rempart des Le Pen et Maréchal, mais souffle sur les braises des plus bas instincts. Et il y a plus grave. Outre qu’il oppose les classes populaires à l’immigration, il transforme ces mêmes classes populaires en haut lieu privilégié de la xénophobie. On croit rêver!
Par ses façons assumées de reprendre la thématique fétiche des extrémistes de droite, le procédé de Macron s’avère dangereux et mortifère. Dans sa volonté de rester en tête-à-tête avec les nationalistes d’ici à 2022, à l’image des dernières européennes, il tend une passerelle vers le RN. Comme s’il fallait regarder à l’extrême droite dès que nous évoquons l’immigration. Toujours le même ressort indigne, jouer sur les peurs. Une bonne fois pour toutes: le «problème» des quartiers populaires n’est pas l’immigré mais la crise sociale! Combien de fois faudra-t-il l’écrire et le clamer pour que cette élémentaire vérité pénètre les esprits? Non, l’immigration n’est pas responsable des maux de la France!
Car, pendant ce temps-là, la société craque, souffre et se bat, dans les quartiers, dans les zones rurales, dans les hôpitaux, dans les écoles, partout où l’atomisation sociale détruit tout. Et quelle est la seule réponse du chef de l’État? La stigmatisation de l’immigration. En banalisant la réaction identitaire, Macron portera, à son tour, une responsabilité historique. Nous voilà loin, très loin, des mots de Nelson Mandela: «Je suis parce que Nous sommes »
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 18 septembre 2019.]