Le matin coule sur les végétaux froissés
comme une goutte de sueur sur les lignes de la main
je rampe sur la terre
bouche rugueuse et sévère
le soleil se dilate dans les canaux des feuilles monstrueuses
qui recouvrent les cimetières les ports les maisons
de la même ardeur visqueuse et verte
alors se présente à mon esprit avec une intensité bouleversante
l’absurdité des groupements humains
dans ces maisons pressées l’une contre l’autre
comme les pores de la peau
parmi le vide poignant des espaces terrestres
J’entends crier les oiseaux dont on a dit autrefois qu’ils chantaient
et qui ressemblent implacablement à des pierres
je vois des troupeaux de maisons qui broutent la sève de l’air
des usines qui chantent comme les oiseaux d’autrefois
des chemins qui se perdent dans les récoltes de sel
des morceaux de ciel qui sèchent sur la mousse vert-de-grisée
un grincement de poulie annonce qu’un seau remonte dans un puits
*
The Manless Society
Morning trickles over the bruised vegetables
like a drop of sweat over the lines of my hand
I crawl over the ground
with stem and wrinkled mouth
the sun swells into the canals of monstrous leaves
which recover cemeteries harbours houses
with the same sticky green zeal
then with disturbing intensity there passes through my mind
the absurdity of human groupings
in these lines of closely packed houses
like the pores of the skin
in the poignant void of terrestrial space
I hear the crying of birds of whom it used to be said
that they sang and implacable resembled stones
I see flocks of houses munching the pith of the air
factories which sing as birds once sang
roads which lose themselves in harvests of salt
pieces of sky which become dry on verdigris moss
a pulley’s creaking tells us that a bucket rises in a well
it is full of limpid blood
which evaporates in the sun
nothing else will trouble this circuit on the ground
until evening
which trembles under the form of an immense pinned butterfly
at the entrance of a motionless station.
***
Pierre Unik (1909-1945) – Le Surréalisme au service de la révolution N°5, 15 mai 1933 – Translated by David Gascoyne.