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Armé d'un verre de coteaux d'Aix en Provence bio et de ma paresse épistolaire, je m'apprête à vous livrer un billet qui n'a ni queue ni tête, écrit au fil de la plume et sans relecture. Je néglige ce blog et m'en veux de vous laisser sans nouvelles. Les frites et la saucisse de Morteau frémissent au four pendant que je taquine mon clavier et jette ici quelques pensées. Midi et des poussières, j'avale une gorgée de vin rosé frais et savoure la chaleur de septembre à Marseille. J'avais l'idée d'une chronique qui exposerait mon dilemme : comment ne pas se laisser atteindre par le pessimisme ambiant, les nouvelles anxiogènes, le monde tel qu'il va (mal) dans son ensemble et dans ses minuscules réalités. J'élabore une gymnastique mentale qui tend à la thérapie comportementale (de bazar). Chaque fois que je croise un hurluberlu qui jette son mégot, grille un feu rouge vif, prend la voie publique pour une poubelle, je prends une respiration et remplace la pensée toxique (je vous dispense des insultes que je marmonne souvent dans ma barbe) par une pensée positive. Exemples : les emballages Capri-Sun jonchent les trottoirs de ma ville — au lieu de m'imaginer le j'm-en-bats-les-couillisme qui a jeté par terre le contenant en aluminium (lien) et participe au désastre écologique dont on nous rebat les oreilles, je me repasse (rien à voir) une image vue quelques minutes plus tôt dans la même rue : la petite fille aux dents du bonheur qui arbore une licorne pailletée sur son t-shirt et sautille, la main dans celle de son père. Au lieu de morigéner contre les cornichons confits dans leur bêtise qui grillent le feu rouge vif (activité récurrente à Marseille), je me dis : je ne suis pas préposé à la préfecture de police, je ne suis pas gardien de la paix, je songe plutôt (rien à voir) à la rose dont j'ai respiré le parfum, aux petites vacances qui m'attendent à la campagne, chez ma mère, à la libellule que j'ai aperçue à la sortie du métro Cinq Avenues, au hérisson surpris un matin alors que je traversais le parc de ma résidence, à l'écriteau sur les îles marseillaises du Frioul, arborant un "Fêtes la moule pas la guerre." Au lieu de me tricoter un ulcère à la lecture des constats aigris ou vindicatifs (jamais constructifs) de mes contemporains sur Twitter, Facebook ou au bar PMU du coin, au lieu de m'affliger face aux complotistes âpres évangélistes d'une terre plate et régie par les extraterrestres — pourquoi n'ont-ils jamais pris une photo du bout du bord de la Terre plate pour étayer leurs théories farfelues —, je publie des âneries, une histoire narrant les tribulations d'une chienne flic, une info positive, je songe à l'homme que j'aime et qui me chante des chansons. Et je ne dérogerai pas à mon accroche (ce billet sans queue ni tête) et vous offre pour conclure l'anecdote aigre-douce que m'a racontée hier la caissière de l'épicerie en bas de l'immeuble :
— Je ne dis pas 12h30 mais 12h, pour la fermeture le dimanche.
En tout cas, pour le client boit-sans-soif qu'elle vient d'éconduire gentiment.
— La dernière fois qu'il est venu, il n'était pas dans son état normal, il a bloqué la caisse et la file d'attente. D'abord une bouteille de vin mais pas assez d'argent pour la payer, puis une bouteille de lait mais pas plus de monnaie suffisante. Et pour finir, après je ne sais combien d'annulations, il est parti avec, pour seules courses, un oignon.