La réforme institutionnelle de Nicolas Sarkozy si elle se pare de tous les atours d'une amélioration des droits parlementaires fait surtout l'impasse sur une anachronie démocratique : Le Sénat.
Un certain nombre de citoyens s'interrogent régulièrement sur cette institution dont il est patent qu'elle est trop souvent un refuge pour les candidats malchanceux à la députation et les anciens ministres. Il semblerait qu'à gauche comme à droite qu'on apprécie de pouvoir s'y installer lorsque le suffrage universel direct devient dangereux.
Ainsi, notre Premier Ministre après avoir perdu la région qu'il dirigeait s'est-il immédiatement replié sur un poste de sénateur. Jean-Pierre RAFFARIN qui brigue la Présidence du Sénat ne s'est jamais en ce qui le concerne, jamais confronté au suffrage universel direct.
Or, est-il pensable dans un pays qui veut moderniser ses institutions et les rapprocher des citoyens de penser que l'homme qui remplace le Président de la République en cas d'intérim du pouvoir (La Constitution de 1958 confie au Président du Sénat la charge d'assurer l'intérim de la Présidence de la République dans le cas où le Conseil constitutionnel en aurait constaté la vacance temporaire ou définitive : décès, maladie, démission, ou autres cas.) puisse ne s'être jamais soumis au suffrage universel direct ?
Est-il normal qu'il doive être consulté par le Président de la République lorsque ce dernier souhaite dissoudre l'Assemblée nationale, composée elle, d'élus issus du suffrage universel direct ?
Si certains souhaitent la suppression pure et simple de la deuxième chambre au nom de la République, une réforme du mode d’élection du Sénat constituerait déjà une avancée considérable
La polémique, si l'on peut dire, repose sur le mode de scrutin des sénateurs. En fait comment sont-ils élus ?
Les sénateurs sont élus par les grands électeurs, réunis dans chaque département au sein d'un collège électoral qui est composé comme suit :
Des représentants des conseils municipaux. Ils représentent 95 % du collège électoral.
Des conseillers généraux, les conseillers régionaux et les députés. Ils représentent 5 % du collège électoral.
Les sénateurs sont ainsi les élus des élus, puisque désignés par le suffrage universel indirect, à savoir par les grands électeurs, qui ont eux-mêmes été élus au suffrage direct. Le collège électoral comprend environ 150 000 personnes :
577 députés ;
1 870 conseillers régionaux ;
4 000 conseillers généraux ;
142 000 délégués des conseils municipaux. Ils constituent donc 95% de l'ensemble des grands électeurs du Sénat.
Au-delà de cet aspect purement théorique et institutionnel, la pratique politique a montré un tout autre visage du Sénat. La meilleure illustration que l’on puisse en trouver réside dans une phrase de l’un des pères spirituels de la Constitution de 1958, le Général De Gaulle, qui après avoir vainement tenté de réformer le Sénat en 1969, disait de celui-ci : « Le Sénat a un privilège exorbitant et imparable, celui de tout bloquer. S’il y a une erreur dans la Constitution de 1958, c’est bien celle-là : de créer un corps contre lequel on ne peut rien alors que l’on peut quelque chose contre tous les autres » La pratique politique a fait conclure au politiste Bastien FRANÇOIS : « le Sénat ne sera pas une simple chambre d’enregistrement. Il sera le haut lieu du conservatisme le plus archaïque ». Qu’est-ce donc qui rend cette institution si "contestable" ? Sources et extraits : Comité étudiant de la C6R
Mais quelle est la situation aux vues des dernières élections locales ?
Depuis le 16 mars 2008, la gauche est majoritaire dans toutes les catégories de collectivités locales. La gauche gère 20 des 22 régions métropolitaines et depuis mars 2008, 58 des 102 départements. Par ailleurs, 60 % des Français vivent dans des communes gérées par la gauche qui gère :
184 villes de 10 à 30 000 habitants contre 153 à droite,
82 villes de 30 à 50 000 habitants contre 61 à la droite,
52 villes de 50 à 100 000 habitants contre 31 à droite
et 32 villes de plus de 100 000 habitants contre 17 à droite.
La gauche gère désormais 350 villes de plus de 10 000 habitants contre 262 pour la droite, qui en détenait 342 auparavant. Elle est majoritaire dans les communes de 3 500 à 10 000 habitants.
Alors, la gauche devrait en ce cas pouvoir devenir majoritaire au Sénat. et bien non , puisque le collège électoral du Sénat sur-représente en effet les communes les moins peuplées.
Les 21 704 communes de moins de 500 habitants qui abritent 8,39 % de la population (en 1990) désignent 16,17 % des grands électeurs
Pour les villes de plus de 100 000 habitants (dont Paris, Lyon, Marseille) qui représentent 16 % de la population (en 1990), elles ne disposent que de 8 % des délégués.
La France des communes de moins de 10 000 habitants, où vivait en 1990 51 % de la population comptait 69 % des délégués sénatoriaux tandis que les communes de plus de 10 000 habitants, où vivait 49 % de la population n’étaient représentées que par 31 % des électeurs sénatoriaux.
Par ailleurs dans ce collège, les communes (les représentants des communes représentent à eux seuls 96% de son collège) sont sur-représentées par rapport aux départements et régions. Or, l’article 24 de la Constitution précise que le Sénat est le représentant « des » collectivités territoriales de la République. Pourtant, les représentants des communes représentent à eux seuls 96 % de son collège électoral, conformément à l’esprit du « grand conseil des communes de France » qu’il était à sa création en 1875. Source le Blog du Sénateur REPENTIN
Le Sénat, la chambre du blocage institutionnel ?
Cette chambre ouvertement conservatrice a toujours été un bastion de la droite, ce qui fait dire au constitutionnaliste Guy CARCASSONNE (membre de la commission Balladur) : « Quand la gauche perd tout, elle perd tout ; quand la droite perd tout, elle conserve le Sénat » C’est parce que l’alternance fait partie des garanties de la santé démocratique d’un régime que l’on est en droit de s’inquiéter de ce que depuis un demi-siècle le Sénat n’a jamais changé de bord politique. C’est pourquoi le Sénat tel qu’il est aujourd’hui s’intègre mal dans le cadre républicain de notre régime.
Un mode d’élection problématique ?
Si le mode d’élection des sénateurs est la cause du déficit de légitimité démocratique de cette institution, il est également responsable de l’avènement d’une chambre structurellement à droite. En effet la quasi-totalité des grands électeurs (95% d’entre eux) sont des délégués des conseils municipaux. Cela signifie que les citoyens de la France d’en bas élisent leurs conseils municipaux, qui élisent des délégués, qui élisent des sénateurs. Le Sénat est donc une chambre issue du troisième degré, alors même que l’Assemblée nationale est élue directement par l’ensemble des citoyens.
De plus les 150 000 grands électeurs qui constituent le collège électoral du Sénat, qui élisent donc la seconde chambre de la République, ne représentent en fait que 0,25% de la population. Il est inutile de rappeler que l’Assemblée nationale est élue par tous les électeurs. Le poids écrasant des délégués des conseils municipaux, accentué par le fait que 98% des communes françaises comptent moins de 9000 habitants, contribue à faire du Sénat une chambre vouée à la défense des intérêts ruraux au détriment de l’intérêt général.
La surreprésentation des campagnes conservatrices qui en résulte explique sans aucun doute l’autisme politique de cette assemblée face aux nouveaux enjeux de la société contemporaine. Par ailleurs, le mode d’élection du Sénat contribue à laminer les petits partis, qui ne disposent d’aucune représentation dans cette "chambre haute", et sont donc condamnés à rester à l’écart du débat ; ce qui offre au plus extrémistes des arguments imparables pour faire croire que le système les opprime.
Le Sénat : une caricature des dysfonctionnements de la vie politique française ?
La chambre sénatoriale concentre en son sein toutes les dérives de la cinquième république. La moyenne d’âge des Sénateurs atteint 61 ans, et rares sont les jeunes élus qui parviennent à franchir les portes du Palais du Luxembourg, ce qui fait bien souvent dire que le Sénat est la "maison de retraite de la Vème République". L’élection au Sénat couronne généralement une longue carrière politique souvent caractérisée par l’accumulation et le renouvellement de mandats locaux.
La seconde chambre du système politique français, en plus d’être hermétique au renouvellement de ses membres, reste l’assemblée la plus masculine de notre République : elle n’accueille que 10,9 % de femmes sur ces bancs.
La place de sénateur s’achète aujourd’hui au prix de promesses et de contrats tacites avec les élus locaux. Cumul des mandats, renouvellement infini et appropriation des postes politiques, clientélisme local, absence de parité ... tous les maux de la vie politique française s’épanouissent dans la douceur des jardins du Luxembourg. Ce n’est peut-être pas un hasard si les Sénateurs ont manifesté leur opposition aux lois sur la parité femme/homme en politique et sur la réglementation du cumul des mandats !
Réformer le Sénat : une exigence démocratique ?
Une élection au scrutin proportionnel rendrait possible une meilleure représentation des français dans la diversité de leurs opinions politiques via la prise en compte de partis absents de l’Assemblée nationale. « Remplaçons le Sénat par une chambre élue au scrutin proportionnel par l’ensemble de la population, où toutes les sensibilités politiques, même les plus extrêmes, seront représentées, au plus grand profit du débat parlementaire et, donc, du contrôle démocratique du gouvernement. La diversité des points de vue s’exprimerait ainsi librement sans que la stabilité gouvernementale puisse en être affectée puisque la majorité à l’Assemblée nationale pourrait toujours avoir le dernier mot » (Bastien FRANCOIS). Comme le suggère Olivier DUHAMEL (membre également de la commission Balladur)
Il s’agirait alors d’une chambre de type fédéral sur le modèle du Bundesrat allemand ou du Sénat états-unien qui s’inscrirait dans le mouvement de décentralisation engagé en France depuis 1982. Dans une autre perspective, la proposition faite par le Général De Gaulle en 1969, qui consistait à faire du Sénat une sorte de super Conseil Economique et Social, composé de représentants de tous les intérêts de la société et destiné à éclairer les choix de l’Assemblée nationale, mériterait d’être réexaminée à la lumière du contexte politique actuel.
Sources et extraits : Comité étudiant de la C6R
La genèse de cette réforme des institutions revient à la commission BALLADUR. Que dit-elle au sujet du Sénat ?
Pour le rapport Balladur : « il n’est pas douteux que le régime électoral applicable au fonctionnement [du collège sénatorial] favorise à l’excès la représentation des zones faiblement peuplées, au détriment des zones urbaines ».
Le rapport préconise en conséquence « que soit affecté à chacune des collectivités territoriales dont les représentants concourent à la désignation un nombre de délégués déterminé de telle manière que soit garantie une représentation équilibrée de chacune d’elles en fonction de sa population. Ainsi serait assuré un meilleur équilibre dans la représentation des populations. Quelle que soit la mission de représentation des collectivités territoriales assignée au Sénat par la Constitution, les zones peu peuplées ne peuvent pas être représentées au détriment de celles qui le sont davantage ». Il proposait explicitement que l’article 24 de la Constitution soit modifiée « de telle sorte qu’y apparaisse clairement le critère de proportionnalité de la population ». C’est pourquoi il a proposé que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales « en fonction de leur population ».
Lorsqu'on pense qu'Edouard BALLADUR qui officiait déjà auprès du Général De GAULLE et à toujours appartenu à la majorité de droite parlementaire valide ces propos, on se dit que les arguments contre la modification de la cartographie électorale du Sénat sont plus que minces.
Car, aujourd’hui, départements et régions participent au collège électoral sénatorial uniquement par le vote des 3 857 conseillers généraux et des 1 722 conseillers régionaux et conseillers à l’Assemblée de Corse. Ils représentent ainsi, respectivement, seulement 2,66 % et 1,19 % du collège électoral sénatorial, constitué à 96 % de représentants des communes.
Et enfin la bonne question : "Combien cela coûte t-ils au français priés de se serrer la ceinture ?"
Pour se faire, il suffit de se rendre à la page : Les comptes du Sénat de l'exercice 2007 disponibles sur le site Web du Sénat
Nous indiquerons simplement à ceux qui ne souhaitent pas lire la totalité des chiffres inscrits dans le tableau officiel que
Budget exécuté 2007
Les immobilisations corporelles :
Locaux, agencements, collections et oeuvres d'arts, .. 4 353 730 €
Les charges de fonctionnement 310 291 153 €
Soit un total (après diminution des produits de fonctionnement) de 308 799 450 €
Vous avouerez qu'un telle somme autoriserait les citoyens à demander un peu plus de clarté dans la désignation des élus du Sénat. Et pourtant, la réponse de Nicolas Sarkozy à François Hollande reçu hier est sans appel : Pas de modification prévue.
Cela n'empêche pas en lisant La Tribune de ce matin de constater que Eric WOERTH annonce :
30 627 suppressions de postes de fonctionnaires en 2009 dont 13 500 à l'Education Nationale et un tour de vis sur les dépenses jusqu'à 2011.
Le tout sur fond de croissance ne devant pas être inférieure selon Madame LAGARDE à 1,7 % bien qu'elle déclare : "La situation sera plus difficile à gérer cette année qu'elle ne l'a été l'année dernière" et n'entrevoit une embellie qu'au cours du ... deuxième semestre 2009.
Tout ceci est à mettre en parallèle des promesses (toujours disponibles sur le site http://www.sarkozy.fr) du candidat de 2007 :
Mon projet : ensemble tout devient possible (les 15 points de mon projet en 16 pages)
1. Mettre fin à l'impuissance publique
2. Une démocratie irréprochable
3. Vaincre le chômage
4. Réhabiliter le travail
5. Augmenter le pouvoir d'achat
6. L'Europe doit protéger dans la mondialisation
7. Répondre à l'urgence du développement durable
8. Permettre à tous les Français d'être propriétaires de leur logement
9. Transmettre les repères de l'autorité, du respect et du mérite
10. Une école qui garantit la réussite de tous les élèves
11. Mettre l'enseignement supérieur et la recherche au niveau des meilleurs mondiaux
12. Sortir les quartiers difficiles de l'engrenage de la violence et de la relégation
13. Maîtriser l'immigration
14. De grandes politiques de solidarité, fraternelles et responsables
15. Fiers d'être français
On ne s'en lasse pas !!!
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Le site du Premier Ministre
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