Claude Minière a proposé à Poezibao ce commentaire de La critique en poésie (Gérard Cartier)
Lire ici la contribution de Gérard Cartier.
Pulsion et pulsations ___ La disputation de Gérard Cartier est vertueuse, pacifique ; cependant elle manque à intégrer des données déterminantes. La poésie française généralement continue aujourd’hui de se produire entre deux pôles : Victor Hugo / Dadaïsme. J’en vois la cause dans ce qu’a été écartée la lecture des « grands Américains » (Pound, Williams, Creeley, Zukofsky, Olson, Duncan,... Projective verse, The Opening of the field). Yves di Manno et Isabelle Garron ont peut-être voulu (plus ou moins consciemment) nier cette réalité en surimposant le titre de « Un nouveau monde ». Leurs choix me sont parus initialement faussés, inertes. Ces choix ne sont pas critiques, ils sont justifiés par le renoncement à une critique profonde ; ils ne sont pas sentis mais appartiennent à la gestion. En fait de nouveau monde, de nombreuses écritures poétiques aujourd’hui me paraissent tenter de s’échapper de la double polarisation formulée supra en s’adonnant au récit (Péguy est presque à la mode), en versifiant des proses, ou en jouant de certains mimétismes. Pour ce qui est de ma conscience personnelle, j’aime de l’écriture poétique qu’elle soit pulsations de la pensée. Je ne considère pas la poésie comme discours, comme oratoire (l’oratoire n’est pas l’oralité mais sa simulation), mais bien comme notes chues des pulsations de la pensée et des sensations. Font pour moi poésie les traits, les formulations « brutes », directes (parfois belles « comme l’oxygène naissant », Breton). Et qui m’a fait prendre conscience ici d’une voie ? Lautréamont (Poésies), Rimbaud (Illuminations), Hölderlin, G.M. Hopkins, et... LES GRANDS AMÉRICAINS.
Pour que les notations gardent (« tenir le pas gagné ») des indices de la tradition poétique il « suffit » alors de se tenir dans une certaine disposition (sensuelle et intellectuelle), une sorte d’engagement moral. Ça ne s’invente pas, les syllabes tombent en place... déroulé, échos, suite, condensation, transfert, décrochages, emportement vers les surprises « naturelles » (non recherchées). Je lis ici la jouissance de poésie, là où j’oserai parler d’une poésie sincère et non d’une illustration cérébrale à la Valéry. Le cœur de la poésie est à mon goût l’impétuosité et le franchissement. Nous avons ça avec, si je dois prendre deux exemples, Marcelin Pleynet et Pascal Boulanger. Départs, lancements ...Le rapport à la tradition s’y lit autant que la nouveauté. Mais Yves di Manno et Isabelle Garron ont trop voulu être mondains, au sens large
Claude Minière