Introduit au début de l'été dans sa plate-forme de souscription, le service est incontestablement à l'état de l'art des méthodes alternatives d'évaluation du risque de défaut basées sur l'exploitation de données tierces. Ainsi, après avoir invité le demandeur à connecter son compte bancaire principal et ses comptes associés, par l'intermédiaire de l'agrégateur de Boursorama (issu de l'acquisition de Fiduceo), une analyse des transactions enregistrées permet de déterminer son éligibilité au prêt sollicité.
Mais pourquoi diable Franfiance fait de cet outil de simplification de l'expérience utilisateur une option de secours, proposée uniquement en cas de rejet d'un dossier déposé via le processus standard, alors que tant d'acteurs ont déjà démontré l'efficacité des techniques retenues ? Imaginez un instant le parcours (du combattant) à suivre : il faut remplir le formulaire classique, transmettre les pièces justificatives associées, attendre la réponse et, si elle est négative, reprendre les démarches avec la connexion bancaire…
Naturellement, on peut comprendre la préoccupation de l'établissement d'ouvrir ses produits aux personnes exclues du système traditionnel. En revanche, il est inconcevable d'espérer atteindre cet objectif dans des conditions optimales en sacrifiant la fluidité de l'expérience. Tel qu'il est implémenté aujourd'hui, le parcours comprend tellement de frictions qu'il à toutes les chances de décourager les candidats au meilleur potentiel et de ne laisser passer qu'une poignée de demandeurs désespérés, sans grande valeur.
Selon toute vraisemblance, c'est le syndrome du lâcher-prise qui conduit Franfinance à cette solution bancale : désireuse de profiter d'une innovation prometteuse, elle ne parvient pas à prendre la décision de la substituer à son dispositif historique, qui a fait ses preuves et suffit dans la majorité des cas. L'entreprise se retrouve de la sorte avec un monstre hybride qui va probablement aboutir à un échec retentissant… et la conclusion fausse que les consommateurs ne sont pas prêts à partager leurs données.
En réalité, il n'est même pas question d'abandonner l'ancien modèle de notation. Il « suffirait », pour limiter les désagréments, de donner le choix à l'utilisateur, dès l'entrée en relation, de la méthode la plus appropriée selon sa situation, en toute transparence. Les individus pouvant justifier d'un emploi à plein temps, par exemple, seraient dirigés vers la version classique tandis que les travailleurs indépendants, incapables de produire un bulletin de salaire, se verraient plutôt préconiser la nouvelle version.
En conclusion, je suis extrêmement triste de voir une institution financière se lancer dans un projet réellement innovant (même si les pionniers du domaine ont des années d'avance), le mener à bien en temps record (6 mois selon la communication officielle), réussir à le hisser jusqu'en production… et, pour finir, saboter complètement son déploiement, au risque de tuer non seulement une idée valide et pertinente mais aussi, plus largement, toute velléité d'expérimentation future dans le reste de l'organisation.