Le tsunami économique (l'horreur qui effrayait à juste titre Viviane Forrester) balaie tout sur son passage, digère, restitue en chiffres ce qui aurait pu (dû) rester une matière de l'esprit. Voyez la méditation qui semblerait, a priori, échapper à toute mesure quantitative. Pas du tout, et même au contraire. Le Point, cette semaine, en fait un sujet de sa rubrique... économie, oui, et nous apprend, si nous ne le savions pas (je l'ignorais pour ma part et j'aurais d'ailleurs préféré rester ignorant) que c'est, attention, je cite, un marché en pleine expansion.
Fichtre! Et la littérature, dans tout ça? Expansion, je ne suis pas certain. Marché, en revanche, les prémices des prix littéraires sont là pour nous le rappeler, et voici venu le moment agréable, car bien des choses semblent encore possibles (quand d'autres ont été déjà remisées dans le grenier - celui des frères Goncourt?). Profitons-en, ça ne durera pas.
Quatre des jurys représentant les principaux prix d'automne ont fourni leur première sélection: Goncourt, Renaudot, Femina et Médicis. Plusieurs autres, moins réputés, aussi: Décembre, Roman des Etudiants, Littérature américaine, Wepler/Fondation La Poste, Renaudot des Lycéens, Landerneau et Premier roman. Certains de ces derniers ratissent des terres plus étroites. Que nous disent ces indices encore fragiles?
D'abord, que Santiago H. Amigorena fait l'unanimité, ou presque, avec Le ghetto intérieur. Non seulement il vient de recevoir le Prix des libraires de Nancy-Le Point, mais il a été retenu (et donc, suppose-t-on naïvement, lu avec intérêt) aux Goncourt, Renaudot et Médicis, ainsi qu'aux Décembre et Renaudot des Lycéens. Ne cherchez pas, il n'y a pas d'ouvrage mieux considéré dans cette rentrée.
Le roman de Nathacha Appanah, Le ciel par-dessus le toit, a aussi été très remarqué - lui aussi par trois des prix majeurs (le Femina remplace le Médicis) et par le Renaudot des Lycéens.
Victor Jestin, primo-romancier, fait une entrée fracassante (en littérature ou sur le marché?) grâce à La chaleur - rien à voir, a priori, avec le réchauffement climatique, même si certains jurés, faute de temps, y ont peut-être cru du côté des Renaudot, Femina et Médicis.
La moitié des grands jurys, ceux du moins qu'on entend le plus, font confiance à Dominique Barbéris, Jean-Luc Coatalem, Michaël Ferrier, Claudie Hunzinger, Luc Lang, Victoria Mas, Vincent Message, Jean-Noël Orengo, Anne Pauly, Sylvain Pruhomme, Monica Sabolo et Karine Tuil.
On souhaite bonne chance aux autres, ce qui ne m'empêchera pas d'essayer de les lire. Vous non plus, j'espère.