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L'Ois'eau Libre : 28 km de crawl, ça use, ça use...

Publié le 11 septembre 2019 par Pascal Boutreau

IMG_7973L'idée était folle. Elle avait donc tout pour me plaire.

Au mois de juin dernier, à l'occasion du Triathlon de Deauville, je retrouve Muriel Jouas, une vieille amie avec qui nous partagions autrefois quelques kilomètres notamment sur la Course du Coeur, un relais pour le don d'organes entre Paris et La Plagne. Nous papotons et elle comprend vite que j'aime beaucoup la natation.
- "Tu connais l'Ois'eau Libre", me lâche-t-elle.
- "Euh, non ça ne me dit rien."
- "C'est un truc dingue organisé dans l'Oise, un 12 heures de natation de minuit à midi avec une île au milieu d'une base nautique dont il faut faire le tour le plus de fois possible. On peut le faire par équipes de 2, 3 ou 4, ou même en solo. Ça te dit ? "
- "Ah mais c'est très tentant ton truc ! ça a l'air rigolo"
- "Equipe ou solo ?"
- Euh... solo...
- Ok, c'est parti ! 

Et voilà comment samedi dernier, je me suis retrouvé à Longueil-Sainte-Marie, près de Senlis, prêt à plonger dans le plan d'eau... mais surtout dans l'inconnu.  

La perspective de cette épreuve m'excitait beaucoup je l'avoue. Avant tout parce que j'allais découvrir quelque chose de nouveau. Gérer des efforts de longue durée à pied ou sur le vélo, je sais faire. Mais je n'avais jamais tenté une telle aventure en natation où ma plus longue distance était jusqu'à présent les 10 bornes de l'Open Swim Stars réalisées en environ 3 heures. Là, me voilà sur un format de 12 heures. Evidemment, la gestion va être essentielle. Je sais que je nage plutôt correctement mais il se passe quoi après 5, 6 ou 7 heures à répéter le même mouvement ? Ce sera la surprise et c'est ça qui m'amuse beaucoup. Parce que je sais aussi que je vais apprendre des choses sur moi, sur ma capacité à encaisser tant physiquement que mentalement un exercice de ce type. 

Pour faire simple sur l'organisation, le tour de l'île fait 600 m. Comme les 7 premières heures se font de nuit, un point lumineux clignotant est fixé sur chacune des quatre bouées que nous devons contourner de façon à bien repérer le cap à suivre. Nous sommes équipés d'un petit anneau phosphorescent fixé à notre bonnet pour être repérés par les kayakistes qui tournent sur le plan d'eau et veillent sur nous. A chaque tour, nous passons sous un arche où notre puce électronique est détectée de façon à comptabiliser nos tours. Pour les ravitaillements, nous avons une caisse sur la berge où nous mettons toutes nos victuailles. Pas la peine donc de sortir de l'eau pour se réhydrater et s'alimenter. En cas de besoin ou de volonté de se reposer un peu, une tente chauffée est à disposition.

Même si je pars dans l'inconnu, j'aime bien avoir un plan (vous avez pu le vérifier à l'occasion de l'EmbrunMan) en espérant qu'il se déroule sans accrocs (comme dans l'Agence tous risques). Dans cette histoire, je décide de m'arrêter deux minutes max au ravito tous les trois tours soit environ toutes les 45 minutes. On verra bien combien de temps je peux tenir sur ce rythme. Il est minuit, c'est parti. Ne surtout pas s'enflammer, essayer de nager à un rythme régulier, se concentrer sur l'amplitude, la glisse, sans trop forcer. Juste être efficace et économe. 

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Etrange sensation de glisser dans le silence de cette nuit. Du noir sous l'eau, du noir hors de l'eau, juste des petits points lumineux à l'horizon. Je me surprends même parfois à fermer les yeux sur quelques mouvements. La nage devient vite mécanique. Afin de soulager quelques muscles, j'essaie de temps en temps de respirer à gauche alors que je respire naturellement tous les deux temps à droite. Parfois aussi, j'essaie le dos sur une vingtaine de mètres. Mais avec les étoiles pour seuls repères, je me sens trop "instable" et repasse vite en crawl. Les heures et les tours défilent. A six heures du matin, soit à mi parcours, je suis toujours sur le Plan prévu. Si je ne me suis pas trompé sur le décompte de mes tours, je dois en être à un peu plus de 14 kilomètres. Je suis donc largement en avance sur mon estimation basse fixée autour de 20 bornes. Les 25 km que j'ai quelque part en tête sont même largement abordables à ce moment. Mais une fois encore, je ne sais pas s'il existe un "mur" en natation comme on peut le connaître sur un marathon, ce moment, où subitement tout se dérègle, où le corps te demande urgemment de ralentir voire même de tout arrêter. Sur la berge, les organisateurs m'ont surnommé "Monsieur Nickel". A chaque pause ravito tout au long de la nuit, ils étaient à veiller sur nous et à s'enquérir de notre état. Ma réponse à leur "ça va ?" étant systématiquement "nickel", le surnom fut vite trouvé. Amusant.

Depuis quelques tours, les épaules commencent sérieusement à grincer. Dans mon mouvement habituel, j'ai le coude qui sort pas mal de l'eau. Je comprends que je ne tiendrai pas encore 6 heures. Dans ces cas là, plutôt que de se morfondre et de se dire "aie, j'ai mal", autant se concentrer pour trouver une solution. J'essaie de modifier mon geste en adoptant un retour de bras très proche de l'eau, sans amplitude. La poussée sous l'eau étant moins douloureuse, ça devrait le faire. Ça piquotte toujours mais en serrant les dents, ça passe. Après tout, il ne reste plus que 5 ou 6 heures à nager... Oui je sais ça fait peur quand on pense à ça... Alors comme toujours, interdit de voir la tache à accomplir dans son intégralité mais utilisation de l'approche habituelle, à savoir : fragmenter. Un tour après l'autre et on verra ensuite... Ce qui est assez marquant dans une expérience de ce type, c'est la façon dont s'installe mécaniquement le geste. Je ne sais pas combien de fois le geste est répété sur une telle durée, mais ça doit faire peur. Et pourtant, on se laisse partir dans ses pensées, on se projète sur certaines choses parfois à des années-lumière de ce que l'on est en train de vivre, on pense à certaines personnes... et le temps passe. Bizarrement relativement vite.    

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Le jour s'est levé... sur une étrange idée. Et si j'allais au bout des 12 heures sans sortir de l'eau. Après tout, 5 heures ça passe vite. Ok, j'ai de plus en plus mal aux épaules, mais le pronostic vital n'est pas engagé. En milieu de matinée, coup de théâtre ! J'aperçois mon amie Muriel qui finit un tour pour passer la barre des 20 km, l'objectif qu'elle s'était fixé. Malgré un bras en vrac, elle serre les dents et va parvenir à passer cette barre. bravo championne ! 
- "Allez Pascal, tu sais que tu es en tête depuis le début de la nuit ?"  
- "Bah non je ne suis pas sorti de l'eau du coup je n'ai pas vu l'écran posé dans la tente..."
- " Mais tu as une fille qui s'appelle Marine dans le même tour que toi, alors fonce." 

Ah bah ça alors. Me voilà donc en tête. Je sais que dans les épreuves ultra, la régularité permet de gagner des places mais de là à être en tête. Alors on ne s'enflamme pas parce qu'il reste trois bonnes heures à nager et qu'après déjà 9 heures, c'est long. Mais c'est rigolo de se prendre au jeu. Du coup, bah, changement de plan. Je décide de ne me ravitailler que tous les 5 tours soit environ 1h15. Cela me fera gagner l'équivalent d'un ravito et donc environ 3'. Petit ajustement également au moment de passer sous l'arche. Jusqu'à présent, vu qu'on avait pied à ce passage, j'en profitais pour systématiquement m'étirer les dorsaux et les muscles autour de la nuque et des bras. L'occasion aussi de profiter un peu de la station verticale et d'être ainsi moins déstabilisé après autant d'heures en position horizontale. Oui oui, l'air de rien, je réfléchis aussi quand je pratique ce genre d'épreuves. Depuis minuit j'y consacrais environ 30 secondes à chaque tour, je passe à 15 secondes max. Et enfin, j'accélère un peu le rythme. Il n'y a plus que trois heures à tenir, ça va le faire. 

Etant donné que nous avons tous les mêmes bonnets, que nous soyons en solo ou en équipes, difficile de savoir qui se cache derrière la "menace Marine". On verra bien. Bientôt midi, je continue d'accélérer le rythme car oui, je suis loin d'être épuisé. Ok, les deux épaules sifflent de plus en plus, mais je m'éclate et ça, c'est la meilleure façon de trouver ou en tout cas de conserver un peu d'énergie. Mon rythme étant toujours très régulier, je sais que je vais finir à 47 tours soit 28,2 km. Dernier tour, derniers efforts et en toute honnêteté, je savoure ces 600 derniers mètres. Le soleil brille sur le plan d'eau de Longueil et aussi étrange que cela puisse paraitre après 12 heures de trempette et 28 bornes de crawl, je suis bien. 

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J'apprends vite que j'ai gagné avec finalement deux tours d'avance (ma Polar indique même plus de 30 150 m avec les petits zigzags entre les bouées). Même si je n'ai jamais rien gagné en sport à part un tournoi de pénos quand j'avais 15 ans et un ou deux tournois de tennis, cette victoire n'est qu'anecdotique. L'essentiel, c'est cette nouvelle expérience, cette nuit passée dans une atmosphère un peu surréaliste, la satisfaction d'avoir toujours été lucide, et toujours acteur et décideur de ce que je faisais.

Sur le papier, nager 12 heures sans sortir de l'eau semblait irrationnel. Je sais désormais que ça se fait, je ne dirais pas "facilement" mais sans que ce soit non plus complètement dingue. Comme pour l'EmbrunMan ou quelques autres récentes expériences, l'approche mentale est primordiale. J'ai la chance de ne jamais stresser et de prendre les choses du sport comme un jeu. Cela évite de gaspiller de l'influx. A notre niveau, un éventuel abandon n'est pas un échec. Il est juste un indicateur de nos limites à un instant T, des limites qui peuvent être physiques ou mentales. Si cela arrive, il signifie juste que l'on a vu un peu grand, que l'on n'a pas fait les choses comme on aurait dû et qu'il faut donc encore progresser. Il est donc un apprentissage. Pas d'abandon cette fois encore. Bien au contraire, un super moment qui donne quelques idées pour les prochains mois et prochaines années... 

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Pour les spécialistes, j'ai nagé en combinaison, contrairement à certains qui avaient juste un maillot (c'est davantage l'esprit eau libre). Grand respect à eux. Même si l'eau était à une température très agréable, avec la fatigue et le froid extérieur (moins de 10° la nuit), leur performance est impressionnante. Pour les ravitos, j'avais juste de la Saint-Yorre pour éviter les crampes (j'en redoutais aux mollets par expérience sur mes 10 kilomètres), de la boisson de l'effort, des Stinium, du nougat, quelques barres énergétiques et un peu de semoule.

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Le moment des mercis. Merci à toi Muriel de m'avoir proposé cette aventure (et une fois encore bravo à toi). Un grand merci aussi aux organisateurs de L'Ois'Eau Libre, à tous les bénévoles et les kayakistes qui ont veillé sur nous durant ces douze heures malgré le froid de la nuit, avec toujours un mot gentil. Et merci à vous pour vos encouragements et vos messages d'après course. Toujours très touchant. 

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L'année en dossards

31 mars : La Grande course de Paris (10 km) ==> 52'02''
14 avril : Marathon de Paris ==> 5h11'42'' (accompagnement de ma sister pour son 1er marathon)
19 mai : Paris Saint-Germain (20 km) ==> 1h45'11''
15 juin : Open Swim Stars (10 km) ==> 3h01'52''
16 juin : Course Royale - 15 km Versailles ==> 1h13'36''
22 juin : Triathlon LD Deauville ==> 6h01'01''
23 juin : Foulée Royale St-Germain (10 km) ==> 56'32'' (récupération du LD de la veille)
15 août : EmbrunMan ==> 16h02'31''
31 août : Ötillö Final 15 k (Swimrun) ==> 2h33'
7-8 septembre : l'Ois'eau Libre - 12 heures de natation en eau libre ==> 28,2 km (1er) 

A venir 
15 septembre : 10 km de Thoiry 
28 septembre : Triathlon sprint à Saint-Germain-en-Laye (Virades de l'Espoir)
6 octobre : Sedan-Charleville (23,6km)
17 novembre : Semi-marathon de Deauville
1er décembre : Marathon de Valence (Espagne)

2020
1er mars : Vasaloppet (ski de fond, 90 km, style classique)
17 mai : Course du viaduc de Millau (23,7 km)
5 juillet : 70.3 Sables d'Olonne


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