Troisième et dernier jour à Dublin. Non contents d'avoir visité le très moderne et à la fois très historique Aviva Stadium, nous nous aventurons dans Croke Park, le troisième plus grand stade d'Europe après celui de Barcelone et celui de Wembley. Ce ne sont pas que les dimensions architecturales qui nous importent, bien que celles-ci soient impressionnantes ; ce sont aussi et surtout les dimensions culturelles et historiques qui nous intéressent. Au départ, Croke Park est un terrain vague de Dublin qui sert de lieu de rencontre pour les sports gaéliques comme le football gaélique ou le hurling (qui se joue avec une sorte de crosse en bois). Afin d'empêcher ce terrain d'être accaparé par des promoteurs dans le but d'y construire des logements, on l'entoure de murs sommaires. Ce n'est que bien plus tard que des tribunes seront construites. Nous sommes à la fin du XIXème siècle, période où les envies d'indépendance commencent à chatouiller fortement des Irlandais las de subir la domination Anglaise. Or, ce qui dérange l'occupant, c'est le caractère fortement politique de Croke Park : on y entretient la tradition, on y parle le gaélique, on y discute de l'Indépendance : c'est donc un lieu à soumettre à tout prix. C'est ainsi qu'en 1916, les troupes britanniques, ayant eu vent de quelque complot anti monarchique, s'introduisent dans le stade et tirent sur la foule et sur les joueurs, en plein match, un dimanche. Cet événement tragique est appelé le "Bloody Sunday" (à ne pas confondre avec celui d'Irlande du Nord, bien des années plus tard) et reste à jamais gravé dans la mémoire collective. D'ailleurs, lorsque l'autre stade de Dublin, l'Aviva Stadium, sera en travaux, au début des années 2000, Croke Park devra accueillir des rencontres internationales de rugby et de football. Les Dublinois se souviennent encore de l'appréhension générale au moment où a retenti la première note de l'hymne anglais, pays ennemi et coupable du massacre de 1916 et de bien d'autres drames pendant les guerres d'Indépendance. Une histoire que l'on ne connaît que très peu et qui en dit long sur le caractère fort de ce peuple uni, unique et fier de sa culture. C'est en sachant tout cela que nous visitons le musée avec d'autant plus d'intérêt et de respect pour ces deux sports gaéliques dont les joueurs sont restés des amateurs et dont le succès s'est répandu à travers le monde, au rythme des migrations. C'est ainsi que nous découvrons des équipes de hurling en Argentine et à New York, preuve s'il en faut de l'importance de la diaspora irlandaise.
Après cette visite sportive qui s'est muée en visite culturelle et historique passionnante, il nous faut terminer ce séjour intense à Dublin par une escapade au grand air. A trente minutes de bus du centre-ville, la presqu'île de Howth nous attend. Dès l'arrivée, à travers les vitres de notre véhicule urbain, nous sommes séduits. Le petit port est charmant, peuplé de citadins venus humer l'air du large et déguster des fishs and chips à toute heure comme nous grignotons des chichis ou des glaces italiennes. Chacun sa conception gastronomique de la plage. La rue qui long le port est garnie de petits restaurants typiques qui offrent à peu près tous les mêmes plats de poissons, mais ont la particularité de servir des mets ultra frais, directement pêchés sur place. On comprend bien que l'activité touristique a cependant pris le pas sur celle, plus traditionnelle, de la pêche. Il n'en demeure pas moins que Howth a un petit goût de paradis perdu que l'on aime. Nous parcourons la jetée, aller et retour, jusqu'au phare ; admirons les îles ; saluons les oiseaux ; sourions aux passants. Il fait beau. C'est une magnifique journée ensoleillée, idéale pour paresser sur une plage. La première que nous découvrons étonne les habitués d'interminables étendues de sable fin que nous sommes : qu'elle est loin la mer ! Une immense langue de sable mouillé et de vase nous sépare du large. Impossible de se baigner. Impossible de s'asseoir. Nous allons voir ailleurs. Grand bien nous prend : de l'autre côté du village, après avoir grimpé une côte digne d'un sommet alpin, nous empruntons un escalier taillé dans la colline et descendons jusqu'à une autre plage, de galets cette fois, abritée du vent grâce à sa forme arrondie. Nous nous émerveillons devant cette superbe crique en haut de laquelle de belles demeures font face à la mer d'Irlande, bleue, magnifique. Là-bas, juste en face, c'est l'Angleterre. Mais ici, vraiment, c'est l'Irlande.
Notre voyage se termine avec cette dernière image idyllique qui reste gravée dans notre rétine. Ce pays, ces gens, ces paysages, cette nature, cet accueil, ce patrimoine, cette culture, nous les garderons longtemps en mémoire. Longtemps. Car l'Irlande nous a touchés en plein cœur.