“The prestige” est à l’origine un roman de Christopher Priest paru en 1995, ayant remporté le James Tait Black Memorial Prize en tant que meilleur fiction ainsi que le World Fantasy Award for Best Novel. Le livre utilise une ingénieuse et pourtant simpliste structure puisque nous suivons le journal “intime” des deux magiciens que sont Alfred Borden et Rupert Angier dans l’Angleterre du XIXé siècle, en pleine époque Victorienne. L’intérêt du récit réside dans leur capacité à voir les mêmes évènements en opposition l’un de l’autre, dans la subjectivité respective des deux protagonistes, quelques fois avec une légèreté effrontée qui se justifie par le final audacieux de Priest. Le titre est bien sur une référence ouverte à l’élaboration en trois actes d’un parfait tour de magie - ce sur quoi joue d’ailleurs parfaitement la bande annonce du film, à savoir la promesse, le tour et le prestige. Dans le roman, il est question d’un conflit de génération entre les deux magiciens que continuent à subir encore aujourd’hui Andrew Westley, un jeune reporter descendant direct de Borden, et Kate Angier, ces derniers désirant mettre enfin un terme à cette querelle. Andrew Westley est un personnage particulier puisque ressentant une mystérieuse présence qu’il prétend provenir d’un frère jumeau qui n’existe pas, du moins juridiquement parlant. Avec l’aide de Kate, cet orphelin abandonné par son père lors de la mort de sa mère, découvrira l’histoire de sa famille et les raisons qui ont amenées son père à agir de la sorte, mais aussi et surtout il trouvera la réponse concernant ce fameux frère. Le livre, très visuel, joue habilement aussi bien sur la réalité froide du monde de la magie, grâce à ces explications purement rationnelles dénotant l’ambition de l’auteur à amener le lecteur dans l’envers du décor, puis nous précipite rapidement au fil des pages vers un mystère qui trouve sa conclusion dans le fantastique, voir même la science fiction grâce notamment à une ambiance oppressante. Les points de vues sont mis en opposition et favorisent les rebondissements orchestré par un Priest inspiré, limpide dans son écriture, passionnant le lecteur par l’évolution psychologique de ces deux destins agréablement mis en scène. Un livre que je vous conseille ardemment, prenant comme toile de fond un contexte et des personnages historique tel que le mythique Nikola Tesla.
Christopher Priest, lors de la sortie du roman en 1995, fut courtisé par de nombreux producteurs Hollywoodien mais curieusement son choix se porta rapidement sur un jeune réalisateur, Christopher Nolan, qui avait alors du mal à distribuer son “Memento”. Un film qui allait devenir rapidement culte, confortant l’auteur dans son choix. Les frères Nolan, poussés par la nomination aux oscars dans la catégorie meilleur scénario, entreprit alors l’écriture du scénario, optant pour une intrigue tournée d’une tout autre façon puisque se focalisant uniquement sur la confrontation des deux magiciens tout en ne gardant pas le conflit générationnel. Malheureusement pour Priest, il ne fut pas consulté durant toute la période de production et donc laissé à l’écart de l’évolution du projet cinématographique, découvrant les premières images du film grâce à la bande annonce paru sur le net comme nous tous. Il est bien connu que le réalisateur aime garder le plus de secret possible sur ses films, à cause notamment des fameux twists auquel il voue une attirance particulière. Le réalisateur déclarant d’ailleurs avec raison lors d’une conférence de presse qu’un film est comme un tour de magie, lorsque l’on connait l’astuce, la conclusion, il n’y a plus aucun intérêt à voir l’oeuvre fini. Il n’a bien évidement pas tort mais cela n‘explique en rien la mise à l‘écart de Priest sur le projet. Les folles rumeurs faisaient état de la totale réécriture du roman version Nolan mais cela n’a pas été plus loin, concrètement il faut avouer que ça aurait été une très gosse perte de temps pour les deux scénaristes. Pour en revenir à cette fameuse bande annonce, elle dresse habilement via la voix off de Sir Michael Caine, les ambitions et la vision de Nolan. On y retrouve aisément la métaphore du réalisateur, magicien de notre temps, mais il serait simpliste de réduire la structure du film à celle décrite dans la bande annonce (que je vous invite à voir) à savoir : “Tout grand tour de magie comporte trois actes, le premier s’appel la promesse. Le magicien vous présente quelque chose d’ordinaire qui est bien sur loin de l’être. Le deuxième acte s’appel le tour. Le magicien a le don de transformer une chose ordinaire en quelque chose d’extraordinaire. Alors vous cherchez le secret mais en vain. C’est pour cela qu’il existe un troisième acte, le prestige. C’est celui des rebondissements imprévus, des choses que vous n’avez jamais vu.” Les fans du réalisateur ne sont pas déçus ni perdus par le style opéré sur “The Prestige” puisqu’on y reconnaît aisément la structure scénaristique chère au réalisateur depuis ses débuts, exception faite de “Insomnia” dans lequel nous retrouvons néanmoins la confrontation palpitante de deux grands acteurs.
Comme tous les films de Christopher Nolan, l’action et les personnages sont énormément dense et nous renvois à la singularité fort talentueuse d’un réalisateur qui fait partie depuis longtemps des meilleurs de son époque. Nolan nous dépeint les thèmes qui lui sont chers toujours avec intelligence et élégance, à savoir la manipulation et l’obsession dans un pure style de film noire. L’évolution déchirante et obsessionnelle des deux protagonistes est parfaitement retranscrite grâce à un récit alterné, ponctué de flash-back, qui dévoile des mystères qu’il ne résout volontairement pas totalement, ce qui rend l’enthousiasme envers ce film d’autant plus croissant, car après le visionnage et la connaissance du dénouement, “The Prestige” peut paraître éphémère mais il n’en est rien. Des coupes franches sont opérées vis à vis du matériau originel pour le bien du film, déjà très dense, qui serait rendu alors trop brouillon et totalement incompréhensible si le réalisateur et son frère auraient tenté de garder l’intégralité du récit de base. Le noyau du roman y est conservé et traité ingénieusement par des astuces scénaristiques menant le récit au coeur des ambitions de Christopher Priest qui s’avoue globalement satisfait.
C’est avec plaisir que Nolan retrouve Christian Bale et Michael Caine avec qui il enchaîne déjà 3 films d’affilé à savoir “Batman Begins” en 2005, “The Prestige” en 2006 et “The Dark Knight” en 2008. La confrontation Bale/Jackman est fort plaisante, interprété de manière talentueuse, ils affirment tous deux un trés fort charisme dans leur maudite quête autodestructrice, s’échangeant tour à tour le rôle du méchant et de la victime. Michael Caine continue à porter la casquette du mentor avec toujours autant de justesse et de simplicité, spectateur impuissant de la décadence physique et psychologique du personnage campé par Hugh Jackman. Ce dernier comprendra aisément que la vengeance a remplie et détruit toute sa vie à l’opposé de son adversaire qui arrive à mener pendant un temps la vie qu’enviait inconsciemment le personnage de Jackman. On notera la présence au casting de David Bowie dans le rôle de Nikola Tesla, fort d’un charisme grandissant tout comme son acolyte, le désormais mythique Andy Serkis qui pour une fois dévoile un peut plus son talent sans être effacé derrière du numérique. Point négatif du film, Scarlett Johanson reste assez absente, son rôle ne lui permettant pas de se démarquer parmi ce casting fortement prestigieux. Rebecca Hall à quant à elle retenue mon attention dans son rôle tragique d’épouse d’Alfred Borden, déchiré par la complexité de son mari et de la vie qu’il lui fait subir. Elle est attachante et apporte une justesse qui amplifie son personnage déjà fortement dramatique tout en restant en seconde ligne. Nolan s’est entouré de la même équipe qui opéré sur “Batman Begins” et le résultat est frappant, l’esthétique est très soignée et reste à ce jour la plus aboutit de la filmographie du réalisateur. Les décors et costumes sont magnifiques tout en évitant le coté tape à l’oeil et cliché des films d’époque. Malgré l’enthousiasme mitigé des critiques envers “The Prestige”, je dois dire que ce film fait désormais partie de mes préférés. Lors de sa sortie, le film avait du faire face, à quelques mois d’intervalles à “L’Illusionniste”, centré également sur l’univers de la magie mais beaucoup moins bien mené que ce “Prestige”, ce dernier le surpassant sans grande difficulté.
3.5/4