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Il y avait urgence à se porter au chevet des urgences. Dans les hôpitaux en ébullition, les brancards s’accumulent en couches au même rythme que le burn-out des soignants. Manque d’effectifs et manque de moyens : l’accueil devient aléatoire pour qui se précipite pour un petit bobo qui le hante !
Agnès Buzyn, notre Ministre de la Santé, après avoir sous- estimé le malaise des urgentistes, s’est activée à désamorcer une bombe dont la mèche de grèves tressée présentait une menace tangible.
249 sites en grève à travers tout le pays ont acculé la Ministre à prendre des décisions dans un contexte budgétaire étriqué et truqué de tracas à traquer : l’heure est à l’homéopathie et les pilules de redressement économique sont bourrées de sucres, dits à bêtes « à dresser » et que l’Etat, sortant d’un inextricable sac arrose de promesses…
Le plan présenté lundi 9 septembre par Mme Buzyn, élaboré en toute hâte sur la base d’une « mission-flash » menée durant l’été par le député (LRM) de Charente Thomas Mesnier et le patron du SAMU de Paris, Pierre Carli, ne recèle pas de produits miracles tant attendus : pas de réouverture massive de lits, nulle revalorisation salariale ! Il n’y a rien à voir, circulez !
Les douze mesures du plan, doté de 754 millions d’euros sur la période 2019-2022, dont 150 millions d’euros pour l’année 2020, sont toutes destinées à « lever la pression » sur les services d’urgences. Elles complètent les premières mesures prises avant l’été pour un montant de 70 millions € (dont 50 millions destinés à financer une prime de risque mensuelle de 100 € net pour les paramédicaux des urgences, et que toucheront aussi les assistants de régulation médicale).
Les moyens supplémentaires annoncés lundi devraient concerner à hauteur de 630 millions d’euros « des renforts, en ville comme à l’hôpital, de médecins et soignants », sans plus de précisions sur les effectifs, effectivement ! Ces crédits supplémentaires pourraient être obtenus en économisant sur d’autres postes (déshabiller Pierre pour habiller Paul, ou l’inverse), de manière à ne pas toucher à l’objectif national de dépenses d’assurance-maladie (Ondam), l’enveloppe fermée qui contraint les dépenses de santé et peut générer des proscriptions de prescriptions !
La mesure qui retiendra le plus les neurones est le SAS, un service d’accès aux soinsqui devrait être mis en place d’ici à l’été, car quand l’acte ose c’est toujours à l’été…
L’objectif de ce palindrome (se lit de droite à gauche ou dans l’autre sens) est de relancer Internet et la téléphonie pour obtenir, à toute heure, une demande de soins, un conseil médical, un rendez-vous avec un généraliste, une orientation vers une ambulance, l’adresse d’un rebouteux (heu, non, là je crois que je m’égare…).
Si le coût du dispositif est déjà connu (340 millions d’euros sur trois ans), ses modalités ne seront précisées qu’en novembre. Le n° du SAS sera-t-il unique ou devra-t-il cohabiter avec le 15, le numéro des urgences ? Une question plus cruciale est de savoir combien de médecins libéraux devront-être mobilisés pour faire fonction un tel système ?
Cinquante maisons médicales de garde accueillant des médecins libéraux seront par ailleurs financées d’ici à la fin de l’année « à proximité directe » de tous les services d’urgences totalisant plus de 50 000 passages par an soit plus de 136,98 passages par jour (si l’année n’est pas bissextile).
Par ailleurs, d’ici à la fin de l’année, tous les médecins de garde devraient disposer de terminaux permettant de pratiquer le tiers payant sur la part « sécu ».
Le plan présenté prévoit aussi de « lutter plus efficacement contre les dérives de l’intérim médical », en obligeant notamment les médecins intérimaires à fournir lors du recrutement une attestation sur l’honneur certifiant qu’ils ne contreviennent pas aux règles sur le cumul d’emplois publics. Oui, il y aurait des abus ! A un jeune urgentiste à qui un grand ponte faisait la leçon on retiendra la célèbre phrase :
- Tu cumules mais c’est logique : tu as Buzyn peu !
C’est vrai que la Ministre semble peu encline à délier les cordons de la bourse que jamais l’or quitte (comme dirait mon urologue qui prend sa vessie pour une lanterne).
Alors, sous la surveillance de son pote Darmanin, le Ministre du Budget, elle veille à jouer la parcimonie ! Elle propose une meilleure organisation des hôpitaux. Ceux-ci devront contractualiser avec les Ehpad afin de mettre en place des filières d’accès direct des personnes âgées ! La réorientation sera plus légère : y’a tri social pour éviter que les gérontes soient d’office à la porte des urgences, avec un fond d’âme gris âgé !
Enfin, Mme Buzyn a assuré qu’elle voulait optimiser les lits vides, où on pourrait installer un blafard qui, le petit matin blême, a besoin de s’aliter suite à une pathologie. Le gestionnaire de lit (Bed manager) serait alors capable de trouver le pieu disponible dans un service différent de celui de la prise en charge initiale. Ainsi, un écharpé du couteau de cuisine pourrait occuper un lit vacant d’un service d’ophtalmologie, pour se reposer à l’œil, sans semer la larme dans tout l’hôpital !
Enfin, les services d’urgences ne seront plus financés exclusivement à l’activité (la fameuse T2A Tarification à l’acte) mais recevront une « enveloppe forfaitaire » dépendant de l’importance de la population couverte et de ses caractéristiques socio-économiques, ainsi que de la « densité médicale libérale dans leur territoire ».
Soit la formule trouvée par Villani (député LREM de l’Essonne et accessoirement mathématicien) :
Avec PA : population active de la zone rattachée à l’hôpital M = nombre de médecins libéraux de la même zone P = Population de la zone (sauf enfants de moins de 1 an) NASAS= Nombre d’Appels sur le SAS au cours de l’année AMES = âge moyen de l’équipe soignante de l’hôpital.
D’ores et déjà les grévistes de France et de Navarre ont décidé de poursuivre le mouvement car le compte n’y était pas !
Les urgentistes, nullement convaincus par la Ministre, persévèrent !
«Les déclarations d'Agnès Buzyn ne répondent pas à la demande de lits, d'effectifs et de salaires. Et les 750 millions d'euros annoncés ne sont pas des financements nouveaux, mais des crédits réaffectés, qui existaient déjà dans le plan Ma Santé 2022 », dénonce un syndicaliste !
On pouvait s’attendre à une telle réaction. SAS santé !