Jacques Marin et la figure du "Français moyen"

Publié le 08 septembre 2019 par Sylvainrakotoarison

" De quelque façon que vous envisagiez votre rôle dans la vie, tout ce que vous pouvez faire, c'est de le jouer aussi bien que possible. " (Brian Wilson Aldiss, 1964).

Cela fait un siècle, le 9 septembre 1919, qu'est né à Paris un acteur qui semble désormais oublié, Jacques Marin. L'occasion de retrouver quelques-unes de ses traces dans la culture française (et sur l'Internet).
L'expression "Français moyen" ne veut pas dire grand-chose. Elle est une tournure, sinon une posture, qui ne se base que sur l'apparence, et sur la projection que celle-ci évoque dans une sorte de "mémoire collective", mais "mémoire collective", tout comme "opinion publique", ne veulent pas dire grand-chose non plus.
La France est diversité et unité, à l'image de la belle devise de l'Union Européenne (Unis dans la diversité). Il n'y a donc pas un visage plus "français" qu'un autre, surtout dans un pays qui est présent quasiment sur tous les continents. On le voit aussi pour incarner la République française, les bustes de Marianne dans les mairies ont pour modèles des femmes très différentes, on peut juste supposer que probablement toutes ces femmes se rejoignent dans la beauté, une beauté diversifiée.
Pourquoi ai-je voulu évoquer ce concept de "Français moyen" ? Parce que aussi contestable que puisse être ce concept, il est incontestable néanmoins que Jacques Marin a personnifié avec excellence cette figure du "Français moyen" dans le cinéma français telle que l'on pouvait l'imaginer dans les années 1950, 1960 et 1970.
On n'a pas le choix de la tête qu'on a, et pourtant, Jacques Marin avait tout pour se fondre dans la grande foule française. Des yeux avec des paupières un peu refermées pouvant trahir un petite lâcheté, une petite pointe de regard hagard pouvant faire imaginer l'absorption de vin, la petite moustache franchouillarde au possible... C'est une grosse caricature, évidemment, mais un bon comédien utilise son apparence pour se fondre dans un scénario de film. D'autres l'ont fait extraordinairement, comme Louis de Funès, Bernard Blier, etc. ...et même Sim. Le ressort comique procède de la caricature.
Dans l'aspect "Français moyen", il y a un concept ultérieur (illustré par Cabu) du "beauf". C'est le physique idéal de l'image qu'ont eue les cinéastes du "collabo" sous l'Occupation nazie. Une sorte de Pierre Laval en plus doux, en moins politisé. Jacques Marin a joué ainsi l'épicier collabo dans "Mais où est don cpassée la septième compagnie ?" de Robert Lamoureux en 1973. Dans le même registre, on aurait pu imaginer Jacques Marin jouer le rôle de Robert Bidochon dans la célèbre bande dessinée de Christian Binet, avec son béret basque et ses moustaches.

Concrètement Jacques Marin, quiconque connaît le cinéma français des premières décennies de la Cinquième République ne peut ignorer qui il était. On ne peut que le reconnaître dans les centaines de rôles qu'il a joués. Des seconds voire des troisièmes rôles, souvent transparents, souvent sans intérêt dans l'histoire, mais qui sont indispensables à la bonne tenue de l'ensemble. D'autres ont montré à quel point leur apport était succulent, je pense notamment à Robert Dalban et à Jean Bouise, mais il y en a des dizaines qui, modestement, ont apporté cette valeur ajoutée d'humanité à certains films.
Probablement que le rôle récurrent le plus joué par Jacques Marin fut celui de commissaire de police. Avec son chapeau, sa moustache, son cigare, son imperméable, il donnait l'allure des policiers des années 1950, à l'époque d'avant le taser, d'avant le flash-ball, etc.
La boulimie de travail de Jacques Marin était impressionnante. Il a commencé à jouer en 1946 et travailla avec de nombreux grands réalisateurs et comédiens. Jean Gabin fut l'un de ses grands amis. Il était également un excellent anglophone par son épouse, si bien qu'il a joué également dans de nombreux films américains en anglais, aux côtés de grands acteurs américains (et actrices : Audrey Hepburn par exemple).

Jacques Marin a également joué dans de nombreux téléfilms pour la télévision et dans de très nombreuses pièces de théâtre, certaines retransmises en direct à la télévision (dans l'émission "Au Théâtre ce soir").
Mais Jacques Marin n'était pas qu'une image, il était aussi une voix, car paradoxalement, son anglophonie l'a amené à faire de très nombreux doublages en français de films et de dessins animés américains, peut-être que le plus connu de ses doublages est la voix du shérif de Nottingham dans le dessin animé "Robin des Bois" sorti en 1973.
Il a arrêté sa carrière cinématographique au début des années 1990, et il est mort à l'âge de 81 ans à Cannes, le 10 janvier 2001, à l'hôpital, il avait choisi de vivre sur la Côte d'Azur pour sa retraite. Dix-huit ans plus tard, son souvenir s'efface peu à peu dans les esprits, et c'est dommage.
Voici donc quelques exemples où Jacques Marin est apparu dans sa carrière dont des sketchs qu'on pourra juger largement dépassés de nos jours (technologiquement et sociologiquement).
1. Sketch du téléphone avec notamment Jean Lefebvre.
2. Sketch du médecin.
3. Cinéma : "Les bons vivants" de Gilles Grangier et Georges Lautner (1965).
4. Théâtre : "Sacrés fantômes" avec notamment Odette Laure (7 mai 1976).
5. Ovni audiovisuel : "Cinematon" de Gérard Courant (1994).
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (04 septembre 2019)
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Pour aller plus loin :
Jacques Marin.
Sim.
Michel Aumont.
Claude Zidi.
Pierre Richard.
Lino Ventura.
Line Renaud.
Jean Lefebvre.
John Wayne.
Kirk Douglas.
Élie Kakou.
Jean Bouise.
Pierre Desproges.
Anémone.
Gérard Oury.
Zizi Jeanmaire.
Jean-Pierre Marielle.
"Les Éternels".
Jacques Rouxel.
François Berléand.
Niels Arestrup.
"Acting".
"Quai d'Orsay".
Michel Legrand.
Gérard Depardieu.
Maria Pacôme.
Ennio Morricone.
Francis Lai.
Bernadette Lafont.
Pauline Lafont.
Marthe Mercadier.
Jean Piat.
Jacques Brel.
Charles Aznavour.
Charlie Chaplin.
Maurice Chevalier.

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