Au revoir, suivi de, Le Nègre gelé du Diemtigtal, d'Antoine Jaccoud

Publié le 04 septembre 2019 par Francisrichard @francisrichard

Au revoir et Le Nègre gelé du Diemtigtal sont deux monologues inspirés par l'air du temps.

Dans Au revoir, le monologueur est père de deux fils, qui partent pour Mars, un aller sans retour assuré, afin d'y établir une colonie.

C'est un projet que poursuivait Mars One de Bas Lansdorp et que poursuit toujours SpaceX d'Elon Musk, sauf que ce dernier, lui, prévoit, en principe, un retour.

Dans ce monologue, Antoine Jaccoud parle d'une durée de croisière de six mois, si, toutefois, toutes les conditions sont remplies...

Bien que chagrin, le père comprend ses fils et se demande s'il les reverra un jour. En tout cas, ils ont eu raison de partir, car, pour lui, il ne fait plus bon vivre sur Terre:

Nous avions comme un jardin ici-bas.

Nous l'avons laissé se dégrader.

Nous avions des informations sur les catastrophes à venir, nous nous sommes contentés de les regarder venir.

Il n'est pourtant pas sûr que Mars soit paradisiaque, puisque la planète rouge est vraisemblablement inodore et sans bruit. Il souhaite surtout qu'ils ne fassent pas là-haut ce qui a été fait ici-bas...

Dans Le Nègre gelé du Diemtigtal, l'auteur part d'un fait d'hiver. En février 2009, un Africain, trentenaire, a été retrouvé gelé devant un chalet d'alpage de l'Oberland bernois.

A partir de là, Antoine Jaccoud imagine que cet homme, du fait de sa différence, a été sinon nettement rejeté par les habitants du lieu, du moins a éprouvé leur indifférence.

Tantôt le monologueur donne la parole au Nègre nomade et le fait s'exprimer à la première personne, tantôt il le raconte à la troisième et tente de se rassurer en se disant qu'il ne devait pas être malheureux, qu'il devait même se sentir bien, tantôt il le tutoie - et c'est dérisoire parce que cliché:

Quand on t'a trouvé en février,

Quand le gendarme t'a trouvé,

tu portais six paires de pantalons les uns sur les autres

pour te protéger du froid.

Non pas deux, ou même quatre, mais six paires.

C'est ça la débrouille.

C'est ça la débrouillardise des nomades.

C'est ça la débrouillardise du Nègre.

Ils sont donc bien dans le triste air du temps ces deux monologues, l'un reflétant le catastrophisme irrationnel ambiant et l'autre le manque d'humanité qui résulte de la disparition d'échanges où l'on se comprend et de solidarités naturelles où l'on se soucie de ses semblables.

Francis Richard

N.B.

Au revoir a été créé le 21 novembre 2017 au festival La Fureur de Lire, à Genève, où Mathieu Amalric lui prêtait sa voix. Ce dernier l'a également lu le 19 juillet 2019 au Festival d'Avignon (voir l'enregistrement diffusé sur France Culture le 1er septembre 2019).

Au revoir suivi de Le Nègre gelé du Diemtigtal, d'Antoine Jaccoud, 64 pages, BSN Press (sortie le 5 septembre 2019)

Livres précédents aux Éditions D'autre Part:

Country (2016)

Adieu aux bêtes (2017)