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Résumé : En 1969, la star de télévision Rick Dalton et le cascadeur Cliff Booth, sa doublure de longue date, poursuivent leurs carrières au sein d’une industrie qu’ils ne reconnaissent plus.
Dire qu’on attendait Once Upon a Time… in Hollywood relève de l’euphémisme. Tout Tarantino déchaîne son lot de passions, à la hauteur de l’exubérance de ses films. Et c’est là que surprend Once Upon a Time… in Hollywood : maîtrisé, calme et serein, il ne verse pas dans la surenchère formelle (aussi bien adorée que décriée) des précédentes œuvres, engageant le cinéaste américain dans une nouvelle voie.
Unité de perspective
On pourrait dire que Once Upon a Time… in Hollywood tient paradoxalement par son absence d’histoire. Comparons avec Django Unchained et Les Huit Salopards. Le premier vire à la quête épique, aux accents ouvertement chevaleresques : parfaite unité d’action, suivie d’une unité de lieu et de temps dans la seconde partie du film. Le second respecte à la lettre les règles du théâtre classique : unités d’action, de lieu et de temps. Si Once Upon a Time suit grosso modo les deux dernières unités (les deux tiers du récit s’échelonnent sur un weekend et la majeure partie de l’intrigue a lieu à Los Angeles, considérée comme un tout), qu’en est-il de l’unité d’action ? Et même : comment résumer une œuvre aussi foisonnante d’intrigues ? comment décréter que telle histoire prime sur telle autre ?Il faudrait davantage considérer comme action principale la plongée durant deux journées de 1969 dans les vies de Rick Dalton (Leonardo DiCaprio), star de western sur le déclin, et son cascadeur et meilleur ami Cliff Booth (Brad Pitt). Plongée de laquelle découlent plusieurs récits secondaires, dont l’insignifiance quotidienne fait le sel du film : une antenne télé à réparer, une réplique oubliée, des hippies à ne pas fâcher…Dans sa Préface à Cromwell où il définissait les codes du nouveau théâtre romantique, Victor Hugo parlait de l’unité d’action – la seule qui trouvait grâce à ses yeux – comme d’une « unité de perspective », au long de laquelle s’alignaient les récits par ordre d’importance. Le terme de « perspective » pourrait s’appliquer à Once Upon a Time, à condition d’en préciser le sens : si Hugo songeait à la perspective picturale, qui agence les lignes de force vers un point nodal qui capte l’attention du spectateur, la perspective tarantinienne est d’ordre paysager, à l’image d’un jardin à la française. Depuis le belvédère d’Once Upon a Time se découvre une succession d’histoires qui, mises ensemble et sans qu’aucune ne domine les autres, forment un tout, une atmosphère : l’année 1969, et plus généralement, l’enfance de Tarantino, cette période-clé de l’artiste qui vit s’épanouir et s’affirmer sa cinéphilie.
À la source de Tarantino
D’un certain point de vue, Once Upon a Time s’apparente à Under the Silver Lake. Les deux œuvres partagent une représentation de Los Angeles sous la forme d’une mosaïque : la mégapole californienne s’y disloque en une série de petits événements, de lieux secrets, connus des seuls indigènes (le monde des hobos dans Under the Silver Lake, le ranch de George Spahn dans Once Upon a Time), comme pour mieux humaniser une cité à la croissance tentaculaire. Seulement, là où Under the Silver Lake vire au complotisme cauchemardesque, sinon au mysticisme, Once Upon a Time s’émerveille des lueurs de la Cité des Anges. Once Upon a Time a naturellement tout d’une œuvre-synthèse, dans laquelle Tarantino a placé tous les films, tous les acteurs et toutes les chansons qui ont compté pour lui à ce moment-là. D’où l’éclatement narratif précédemment évoqué : le parcours que suivent Rick et Cliff ne vaut pas tant pour eux-mêmes que pour ressusciter le parfum des années 60. Ici, Bruce Lee (Mike Moh) lorsqu’il travaillait comme préparateur physique à Hollywood ; là, Roman Polanski (Rafal Zawierucha) et sa femme Sharon Tate (Margot Robbie), lui cinéaste à la mode, elle heureuse de revoir ses rôles au cinéma ; là-bas, Steve McQueen (Damian Lewis) racontant les potins des stars. Le tout inévitablement baigné de la pop-rock d’alors : Joe Cocker, The Eagles, Simon & Garfunkel, etc…Ultra-référencé, le film reste pourtant à la portée de n’importe quel profane, tant l’atmosphère qui y règne est douce, paisible et avenante. Après le troublant et nocturne Les Huit Salopards, voici que paraît un nouveau Tarantino, placé sous le signe du Soleil. Espérons qu’il y fasse un bon bout de chemin.
Once Upon a Time… in Hollywood, Quentin Tarantino, 2019, 2h41
Maxime
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