Magazine Société
Loan Vu Kim©1978
Il y a 41 ans, je faisais ma première rentrée en tant qu’instituteur. Vocation tardive, ma carrière n’allait durer qu’une douzaine d’années, d’une rare intensité. Je n’oserais pas dire que ce furent les plus belles années de ma carrière professionnelle, parce que celles qui suivirent – toujours autour de l’éducation et de la formation – furent tout autant passionnantes et riches d’apprentissage. C’est cependant une de mes plus grandes fiertés : j’ai été – je suis – instituteur !
Travailler avec des enfants pour participer à leur éducation, c’est à tout moment voir le sens de son action. C’est contribuer à construire le monde à travers ces jeunes qui deviendront les adultes, et donc les acteurs, de demain. Tout en développant des relations vraies qui se fondent sur de réels échanges. Sur la vingtaine d’enfants qui figurent sur cette photo, la moitié se retrouve aujourd’hui parmi mes « amis » Facebook ! Et il faut moins des doigts d’une main pour compter ceux ou celles dont je n’ai plus jamais eu de nouvelles.
Pourtant, être enseignant dans notre société n’est pas toujours évident. J’avoue ne pas avoir toujours mis en avant ma profession d’instituteur. Il faut dire que plus d’une fois, me retrouvant dans une assemblée où chacun présentait son métier, lorsque venait mon tour, je ne recevais qu’un « Ah oui, c’est un beau métier ! » et on passait à autre chose, me faisant clairement comprendre que s’occuper d’enfants n’est quand même pas aussi sérieux que se consacrer à produire de l’argent, des logiciels, des breloques quelconques à commercialiser… La plus grande difficulté rencontrée durant ces années est la dévalorisation sociale. Bien sûr, tout le monde sait l’importance des enseignants – sans eux, que feraient tous ces commerciaux et autres producteurs de biens et services ? – mais ils ne sont trop souvent perçus que comme des « subalternes » permettant aux vrais actifs de s’employer aux activités de production.
Ce regard condescendant sur les enseignants, je ne l’ai que trop souvent perçu. Pas nécessairement de la part des parents d’élèves. Il faut dire que j’avais la chance de travailler au sein d’une école ouverte, où le choix de chacun était d’œuvrer pour une éducation épanouissante et constructive. C’est plus en dehors de l’école qu’il était difficile de n’être qu’un « petit instituteur ».
Qu’à cela ne tienne, ce qui se vivait dans nos classes était une histoire merveilleuse, valorisante, et pleine de sens. Si c’était à refaire, pour rien au monde je n’échangerais ces rentrées scolaires et les découvertes et partages qu’elles annonçaient pour une nouvelle année. J’espère – j’ose le croire – avoir pu participer à la construction des personnalités de chacun des enfants qui me furent confiés. Je sais que chacun d’eux a contribué à la mienne et je ne les en remercierai jamais assez.
C’est tout le bien que je souhaite à toutes ces femmes et tous ces hommes qui en ces jours (re)commencent une nouvelle aventure, toujours renouvelée. Qu’ils et elles n’oublient jamais la chance qu’ils ont !