Deuxième jour à Dublin. Sous le soleil, nous commençons la journée par un passage devant le célèbre bateau Jeanie Johston, réputé pour avoir amené vivants tous ses passagers à bon port de l'autre côté de l'Atlantique, lors de la grande émigration qui a fait suite à la grande famine du milieu du XIXème siècle. Sur le quai, le Irish Emigration Museum doit raconter dans les moindres détails cet épisode traumatisant et marquant pour les Irlandais qui, d'ailleurs, se sont dispersés partout dans le monde en une véritable diaspora. Nous, nous avons rendez-vous avec le musée archéologique dont nous avions commencé la visite la veille, juste avant que le gardien interrompe notre concentration à 17 heures, moment de la fermeture.
Préhistoire, Vikings, nous en apprenons des tonnes sur les premiers habitants de l'Irlande, leurs traditions, leurs modes de vie et leurs talents, notamment en ce qui concerne les bijoux : on peut en effet admirer des dizaines de colliers en or, en cuivre et en pierres semi-précieuses. Même les Vikings, pourtant réputés pour être de vaillants guerriers, y vont de leur petite bague toute en finesse. Dans une autre salle, ce sont les trésors religieux que nous découvrons, puisqu'on le sait, l'Irlande est un pays possédant une grande ferveur catholique. Au passage, nous remarquons qu'à partir du moment où le pays devient chrétien, tout ce qui a trait à la décoration et à l'expression du beau est en rapport direct avec la religion. Tout pour Dieu. Tant pis pour les hommes. C'est un choix. A la taille réduite de la salle consacrée à l'Egypte ancienne, nous constatons une fois de plus le caractère celtique de l'Irlande, si près du nord et si loin de la Méditerranée. En tout cas, le musée archéologique, magnifique, propose gratuitement au visiteur une passionnante aventure dans le passé.
Et puisque ce deuxième jour est placé sous le signe du rattrapage, nous renouvelons l'expérience de la veille de pique-niquer au St Stephen's Green, cette fois-ci avec un temps beaucoup plus clément. Nous en profitons pour faire une visite complète du parc, lieu de verdure éminemment reposant et appréciable au cœur de la capitale. De plus, des statues d'hommes célèbres ponctuent les allées : une manière de retracer la révolution de 1916 à travers ses héros.
Non loin de là, nous approchons notre nez des grilles du cimetière huguenot, caché entre deux édifices et qui, sur une pierre, fait la liste des huguenots français qui émigrèrent en Irlande au XVIIème siècle. On cherche un nom connu, en vain. Les histoires se croisent. Immigration, émigration, départs, arrivées, l'Irlande est décidément un territoire ouvert aux quatre vents.
Nous nous dirigeons ensuite vers le château, dont il ne reste en réalité que deux tours et un pan de mur par dessus lequel on a eu l'idée originale de bâtir en bleu, jaune, rouge. Ici, on ose tout. Après tout, pourquoi ne pas adopter une politique de conservation des monuments historiques moins sévère. En France, on est peut-être trop stricts... ! Ce n'est pas le château qui nous intéresse. D'ailleurs, nous lui tournons le dos. Ce qui attire notre attention, c'est la Chester Beatty Library, peut-être la plus belle chose que nous ayons vue à Dublin. J'exagère sans doute et tout dépend des intérêts de chacun. Mais pour qui est passionné de livres et de papier, le lieu est une sorte de paradis sur terre. Les documents conservés ici ont tous été collectés par Sir Alfred Chester Beatty, riche industriel qui, au cours de ses séjours à l'étranger, a rassemblé un très grand nombre de manuscrit, livres et papyrus dont on voit une partie dans cette librairie qui se visite, elle aussi, gratuitement. Dans la pénombre des salles, face aux estampes japonaises, aux Corans dont la couverture est richement décorée, aux manuscrits bouddhiques, on est parcouru d'un frisson de bonheur comme on peut l'être devant un tableau de maître ou en entendant une symphonie. Quel lieu ! Et que dire du toit terrasse où l'on rêve de passer des heures à lire ou à méditer ? Que dire de cette vue sur le parc du château ? Que dire du grand hall à l'ambiance paisible, du restaurant, de la boutique qui regorge de trésors, si bien que l'on y passe autant de temps que dans le musée (j'exagère... si peu...) ? Vraiment, la Chester Beatty Library nous a envoûtés !
On sort de là groggy de plaisir, si bien que l'on a du mal à choisir entre la visite de Chrischurch ou celle de la cathédrale Saint Patrick. Finalement, la seconde l'emporte de par son caractère inévitable. Là encore, l'entrée est payante mais la visite vaut bien la dépense. L'édifice en lui-même n'est pas très grand, mais le dépliant est riche d'informations sur chaque recoin de l'église et nous nous arrêtons partout, en particulier devant le masque mortuaire de Jonathan Swift, le célèbre écrivain enterré ici et qui a été le plus célèbre des doyens de la cathédrale. Et puis, au moment où une chorale s'installe pour répéter des chants religieux, nous rangeons l'appareil photo, nous asseyons et nous taisons. Dans un lieu tel que celui-là, la magie opère, forcément. Nos yeux picotent. Nous sortons.
La journée a encore été bien chargée. Fourbus, nous regagnons notre logement au nord de la ville. Quel bonheur de retirer nos chaussures !