Il y a parfois une image ou un assemblage d'images, mais toujours le dessin est premier qui est, pour Jean-Philippe Escafre, pensée, médium élémentaire, évidence. Bien plus que la parole ou l'écrit, il est pour lui, ancré aux premiers hommes, tout comme dans l'enfance. Il est l'économie des moyens picturaux, leur essence, leur démarrage et leur finalité. Chez lui, tout vient du trait, de ses pleins et de ses déliés, de ses nervosités et de ses souplesses.
Puis vient la peinture, où la chair devient magma. Jean-Philippe Escafre peint sur de grandes toiles. Il pense que ce que la composition supprime de liberté, l'espace à peindre le compense en offrant à la touche et au geste, à la matière, la possibilité de s'épanouir, d'incarner.... Cela lui permet de laisser place à la peinture pour la tester, la mettre à l'épreuve du geste, pour laisser les couches picturales s'accumuler tout en gardant l'ébauche initiale, en y laissant apparaître la géologie et l'histoire du travail, en y laissant des traces, plastiques et symboliques.
Et ensuite, il y a le ou les modèles, homme, femme, animal, vivants sur photo et souvenirs. Seuls ou essayant de cohabiter, effectivement ou picturalement, prétextes à la peinture, prétextes pour Jean-Philippe Escafre à se confronter à l'histoire de l'art. Souvent les sujets sont travaillés en séries. Diptyques, triptyques... Pour faire évoluer la toile et ses déclinaisons. Pour dépasser le réel afin de créer du pictural. Corps et carcasses, humains ou animaux, aident à cela, permettent de fouiller la matière, chair, viande, peau, peinture.
Il y a, les humains. Les femmes ont le pouvoir, objets de fascination et de désir. Peaux mises à nu, désir du corps, matière picturale détachée de la nudité érotique et fantasmée. Les hommes en portrait et attente, de ce qu'ils souhaitent, de ce qu'ils ont fait, de ce qui leur reste à faire. La représentation se montre, en même temps, forte et fragilisée par la surface du tableau et notre regard, un retour à notre état primaire, à cet âge où l'humain ne reniait pas sa condition animale.
Il y a surtout les animaux, égaux des hommes et partageant leur condition. Cochons, corbeaux, chiens.... Parfois ennemis, parfois complices, vêtus d'une même enveloppe, épiderme ou couenne, membres d'une même meute, d'une même espèce. Erigés en égaux, en objets de désir, en divinités païennes, points centraux de nos rites, de nos aspirations et de notre sang, représentations de notre relation à la nature et de nos sacrifices, ils nous renvoient à nous-même, à notre place.
Philippe Baudelot
Salle Espalioux, rue Jules-Amouroux et Milletiroirs, 7 bis, rue saint-Vincent
Ouvert du mercredi au vendredi, de 14h à 18h. Contact Xavier Malbreil 06 40 42 19 67