Mélanie, 21 ans, est serveuse dans le tea-room des Lupins, dont la terrasse donne sur la vieille ville et la cathédrale de Lausanne. Elle a prolongé l'année sabbatique prise après son bac et n'a toujours pas démarré des études de lettres à l'université.
Le tea-room, ce lieu immuable, est maintenant sa vie, son royaume. Elle est devenue experte dans la fabrication de mousse de lait pour les cappuccinos et les décore de poudre de cacao en forme de coeur. Ce qui lui vaut les compliments des clients.
Dès treize, quatorze ans, Mélanie, n'a plus osé parler des terreurs nocturnes dont elle souffre depuis l'enfance, des Esprits, qui mettent tous ses sens en éveil pour les écouter, les chasser, les débusquer, sans que Dieu et ses anges parviennent à les chasser.
Depuis que son père a été atteint d'un cancer, elle n'a plus de vie sociale. Quand elle ne travaille pas, elle mange chez ses parents, les dépanne à leur boutique, une épicerie. Deux, trois soirs par semaine elle se rend au fitness de la place Saint-François.
Après l'enterrement de ses deux parents, qui ont choisi de mettre ensemble fin à leurs jours par suicide assisté en octobre 2017, elle reprend très vite son travail au tea-room et continue de se rendre au fitness, augmentant le volume sonore de ses playlists.
Avant que David ne vienne au tea-room, fréquenté surtout par des sexagénaires et où Radio Nostalgie est diffusée, elle ne voit personne hormis son oncle Christian, sa tante Christiane, avec laquelle elle débarrasse la maison familiale, et sa grande soeur Julie.
C'est au Bleu Lézard qu'elle revoit Julie. Son aînée de dix ans lui fait la leçon. Mélanie doit s'inscrire à la rentrée à l'université et ne doit pas rester enfermée comme une nonne à la maison. David intervient lui aussi subtilement dans ce sens et sort avec elle...
Pendant une année ou presque, jalonnée par les disparitions de Johnny Hallyday, de France Gall et du Matin papier, chers aux clients du tea-room, Mélanie se reprogramme enfin, notamment en remplissant d'écrits les carnets de compte de ses parents...
Francis Richard
Les esprits, Sandrine Perroud, 120 pages, Éditions de l'Aire