Sophia de Mello Breyner Andresen – Élégie

Par Stéphane Chabrières @schabrieres

Apprends
À ne pas t’attendre car tu ne te trouveras pas

À l’instant de dire oui au destin
Incertaine tu t’arrêtas soudain muette
Puis les océans lentement t’entourèrent

À cela, tu donnas le nom d’Eurydice et d’Orphée –
Incessante intense une lyre vibrait au côté
Du défilé réel de tes jours
On ne distingue jamais bien le vécu du non vécu
La rencontre de l’échec –
Qui se souvient du fin écoulement du sablier
Quand s’élève le chant
C’est pourquoi la mémoire assoiffée veut affleurer
En quête de la part que tu n’as pas donnée
Dans le rauque instant de la nuit la plus tue
Ou dans le jardin secret longeant le fleuve
En juin

*

Elegia

Aprende
A não esperar por ti pois não te encontrarás

No instante de dizer sim ao destino
Incerta paraste emudecida
E os oceanos depois devagar te rodearam

A isso chamaste Orpheu Eurydice –
Incessante intensa lira vibrava ao lado
Do desfilar real dos teus dias
Nunca se distingue bem o vivido do não vivido
O encontro do fracasso –
Quem se lembra do fino escorrer da areia na ampulheta
Quando se ergue o canto
Por isso a memória sequiosa quer vir à tona
Em procura da parte que não deste
No rouco instante da noite mais calada
Ou no secreto jardim à beira-rio
Em Junho.

***

Sophia de Mello Breyner Andresen (1919-2004) – Musa (Caminho, 1994) – La nudité de la vie (L’Escampette, 2000) – Traduit du portugais par Michel Chandeigne.