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La transcendance, une dimension de l'homme

Par Roger Garaudy A Contre-Nuit

Revue théologique de Louvain

Les avatars contemporains du sacré, Mons (17-18 mai 1974)-

[...]
L'humaniste marxiste français, Roger Garaudy, bien connu par la publication

d'une trentaine de livres, parla de Transcendance et révolution.

Pour Garaudy, la transcendance est une dimension de l'homme, de son

histoire, de son avenir. Dans l'expérience vécue qui montre à l'homme qu'il

est plus que le résultat des conditionnements, se trouve un dépassement.

Les nouveaux modèles de culture permettent de saisir, à travers les possibilités

permanentes de rupture avec les modèles antérieurs, l'émergence cachée

de l'homme. Enfin, la conscience de l'inachèvement nous montre que l'histoire

est née d'une multiplicité de possibles parmi lesquels un seul a triomphé.

Cette conscience de l'inachèvement défatalise le futur.

Le marxisme a conçu la révolution dans l'optique d'une loi de

correspondance. En effet, la révolution essaie de faire correspondre les rapports

politiques avec des systèmes économiques fondés sur le fait que les sciences sont

les forces de l'avenir. C'est au nom d'une loi de correspondance que les

révolutions de Marx et de Lénine ont renversé des structures sociales et politiques.

Si Marx est parti des forces productives, Lénine a retourné le schéma en

prenant d'abord le pouvoir afin d'établir la correspondance. Cette doctrine de la

révolution considère la croissance économique comme prioritaire et cela à

l'exclusion de toute transcendance.

Depuis 1968, les révolutions ne se font plus en vertu d'une loi de

correspondance. Une véritable conscience révolutionnaire s'est installée. Appuyée

sur un postulat de transcendance - la rupture avec le passé - elle fait le projet

d'un ordre social non encore existant. Dans cette conscience révolutionnaire

afflue, en surplus, une tradition prophétique qui insiste sur la relativité de

l'ordre établi et qui rappelle à l'autorité qu'elle n'est pas l'absolu. On assiste

à la mise en cause des lois et des valeurs d'une époque. Maintes fois, cette

mise en cause s'appuie sur des modèles religieux. Ainsi, la " Jésus révolution "

proclame l'amour actif du prochain en vue de réaliser, dans l'histoire humaine,

le royaume de Dieu. Pour certains courants théologiques, la paix est le

développement de la justice sociale. Le salut n'est rien d'autre que la libération de

l'homme : l'inégalité entre les hommes conduit nécessairement à une exigence

militante de la libération. Aussi, la théologie du développement est déjà

dépassée par la théologie de la libération. Cette dernière cherche son fondement

Garaudy analyse rapidement les diverses influences qui ont amené la

naissance de la théologie de la libération. Il cite Blondel, Teilhard de Chardin,

Chenu, Jùrgen Moltmann et le dialogue chrétiens-marxistes. Dans l'action,

Blondel a vu une transcendance qui émerge de l'immanence. Par l'exaltation

de la participation de l'effort humain, Teilhard de Chardin a incorporé le

progrès du monde au développement du royaume de Dieu. Chenu a insisté

sur l'incarnation libératrice dans la construction du monde. La théologie

de l'espérance de Moltmann montre l'histoire humaine comme une

ouverture sur l'avenir. À côté de cette empreinte théologique, la théologie de la

libération porte la marque du dialogue avec la pensée marxiste qui proclame

la libération de toute aliénation et de toute oppression.

La théologie de la libération transforme la promesse eschatologique en lutte

pour la libération. L'union de la foi et de l'action politique doit amener la

création d'une société nouvelle. Transcendance et révolution se tiennent.

La foi apporte au socialisme sa dimension prophétique, le socialisme empêche

la foi de s'échapper du monde. Dans tout ceci, le sacré constitue le point

d'émergence. En effet la théologie de la libération part du postulat biblique

que la résurrection est l'affirmation du " tout est possible ". Elle y intègre

le postulat prophétique en vertu duquel une oeuvre humaine n'est jamais

fin dernière. Dès lors, il faut changer le monde puis changer le monde changé.

Pour cette théologie, la transcendance est une dimension de l'homme et le

sacré est immanent à l'oeuvre humaine.
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