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Après le "choc des civilisations" ...

Publié le 16 juillet 2008 par Collectifnrv

1599249413.JPGIl y a quelques jours, je recevais sur ma boite aux lettre électronique "de libraire" un message qui commençait ainsi :

Madame, Monsieur,
A l'occasion de la Présidence française de l'Union européenne (du 1er juillet au 31 décembre 2008), Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, en association avec Culturesfrance et le réseau Impala, organise une importante opération destinée aux professionnels des secteurs de la musique, du livre et du cinéma.
Les 5 et 6 septembre à Paris, les "Arènes Européennes de l'Indépendance" offriront une tribune à plusieurs centaines d'acteurs culturels indépendants européens.L'objectif vise à défendre la position des indépendants en harmonisant les bonnes pratiques et en formulant des propositions pour faire avancer l'idée d'une diversité culturelle indépendante soutenue par les instances communautaires.

Le reste du message est reproduit ci-après, et je dois dire que je fus d'abord un peu intrigué , notamment par la signature de "l'émetteur" :

Olivier Poivre d'Arvor, Directeur de Culturesfrance, et Helen Smith, Présidente Executive d'Impala

puis .. après lecture et (brève) réflexion , voilà, me suis-je dit, un bon point de départ pour un billet "exclusif" ...
Naturellement je ne pense ne pas être seul destinataire de ce mail de Madame Le Ministre, mais du moins suis-je un des destinataires "ès qualité" et donc, supposais-je, je dois me sentir "concerné" et je gage que ces choses dont il est question dans cette "importante opération" doivent "m'intéresser" ou du moins présenter quelque concordance avec mes préoccupations professionnelles et mon activité .
Le corps du message, son style, son contenu, la "documentation" associée, l'intitulé même ( "les Arènes" !!!) du projet sous-jacent, les signataires de la "lettre" , tout cela appelle un certain nombre sinon de réactions ou de commentaires, du moins de demandes d'éclaircissements ... Sur le projet lui-même, ses finalités et tout ce que les méthodes évoquées ou suggérées ici laissent supposer des présupposés idéologiques à l'oeuvre dans cette nouvelle péripétie du "culturel" .

Chers NRV , je vais donc m'y employer, brièvement ...

N'étant pas familier des organismes  Culturesfrance et Impala , je suis allé googueliser et j'ai pu découvrir de quel bois étaient faites ces flûtes (quand même un peu plus que des pipeaux) .
Ainsi, ai-je appris que Culturesfrance (voir ce lien , assez édifiant) était un truc se présentant comme "sérieux" et conséquent, au moins par le budget, malgré la personnalité quelque peu bouffonne de son directeur (j'ai dès lors compris comment et pourquoi il pouvait continuellement nous abreuver d'ouvrages insipides , souvent co-écrits avec son janus médiatique, et dont la nullité du contenu et la pauvreté de la forme le disputaient à la médiocrité des ventes : de toute évidence il(s) avai(en)t un "mécène" ...) .

Quant à Impala (site), là ... Pour moi ça se complique ... J'ai quand même appris que :

"La fédération européenne de labels indépendants, porte ses voix auprès des institutions européennes, pour « accompagner les indépendants, politiquement et économiquement, de sorte qu'ils puissent se concentrer sur la musique », explique Helen Smith, Présidente de la Fédération à Bruxelles."

Et je me suis demandé ce que ma modeste librairie de quartier avait à voir avec cet impressionnant organisme de "lobbyisme" européen exerçant son activité de promotion mercantile dans la sphère éthérée de la musique en vogue.

Alors , je relis la suite du message :

"Le week-end se composera d'ateliers qui permettront de prendre la mesure du défi et d'avancer des propositions concrètes susceptibles d'être relayées par la suite. Les débats auront lieu en français et en anglais.

Nota bene : j'aime beaucoup cette logomachie spontanée des fonctionnaires de la culture évoquant : "des propositions concrètes susceptibles d'être relayées par la suite" , surtout le vaste océan de conjectures supputatives qu'ouvre le "susceptibles d'être relayées par la suite" ...
Aah les "propositions concrètes" , y'a que ça de vrai ma bonne dame, pardon , Madame Le Ministre !
surtout quand elles sont susceptibles d'être relayées ... par la suite ... (cf. le "Grenelle de l'envronnement " ) .

Votre présence au sein des "Arènes européennes de l'indépendance" serait pour nous précieuse. Nous vous invitons à consulter le programme joint à cet e-mail et à remplir au plus vite le formulaire d'inscription en ligne que vous trouverez en cliquant ici. A la réception de votre confirmation, un guide pratique (plan, hébergement...) vous sera envoyé.
Des personnalités politiques françaises et européennes seront conviées à s'exprimer au cours du week-end. Les médias seront naturellement mobilisés. La force du message délivré par les indépendants fera la singularité de ces "arènes" qui, nous l'espérons, retiendront toute votre attention.
C'est fort aimable à vous, Madame Le Ministre, mais  je ne comprends toujours pas bien (sans doute l'âge) ce que j'ai à voir avec cette "opération" consistant à me convier à des "Arènes", dont j'infère qu'il doit s'agir d'assister à quelques modernes jeux du cirque médiatique.
Tout en me félicitant qu'on donne ainsi une forme symboliquement très appropriée à ce genre d'affrontement aussi futile que ridicule , j'en déplore tout de même l'évidente contrepartie dispendieuse (qui paye au fait ?) et je m'interroge sur la notion "d'indépendance" qui semble ici constituer le "paradigme" crucial de cette obscure initiative.
Qu'est-ce que " Des personnalités politiques françaises et européennes" vont pouvoir nous apprendre sur le thème de "l'indépendance" de nos modestes activités ? Des activités qui entendent précisément demeurer indépendantes, au premier chef, de toutes ces personnalités et des instances qu'elles représentent ?
Heureusement ...
Il y avait une documentation jointe ...
Et on y apprend des choses, singulièrement sur la nouvelle vision du "culturel à l'heure de l'Europe"
(présidence bouffonne oblige, on n'a pas lésiné sur le moyens ...),
par exemple que :

"La diversité culturelle n’est pas un discours ou un sujet de colloque : elle est vitale, au même titre que la diversité biologique ou écologique (sic). Cependant, les menaces qui pèsent sur elle sont nombreuses et insidieuses : mondialisation mal maîtrisée, concentration, industrialisation et marchandisation de la culture."

Alors, là on se dit : c'est fort bien, mais ne sommes nous pas (depuis quelques temps) au pays de la "rupture", de la "modernisation de l'économie", où sous la houlette bienveillante de Michel Edouard Leclerc et en s'appuyant sur les fulminantes percées conceptuelles de nos intellectuels "intégrés" sur le mode néo-foucaldien (Attali et consorts), on a entamé ces derniers mois une offensive sans précédent contre la loi Lang et tout ce qui avait permis jusqu'ici précisément le maintien,  dans le secteur du livre, d'une "diversité culturelle" que "le monde entier nous enviait".

Alors on serait tenté de dire à Madame Le Ministre : je vous souhaite bien du plaisir pour "mieux" maîtriser la mondialisation,  mais, en attendant et à notre modeste niveau hexagonal,  certains points semblent vous avoir échappé... Notamment le fait qu'il n'y a rien "d'insidieux" dans les menaces que vous évoquez, elles sont parfaitement claires, visibles et explicites, et viennent sans le moindre masque ou fard... Des députés de votre majorité et des "vertueux" conseillers de vos collègues ministres.
Alors ... Que ne dites vous ces choses à vos collègues, notamment celui en charge de la loi dite "L.M.E" ? 
Ne serait-il pas plus simple de leur recommander, aux motifs que vous exposez si justement, "d'arrêter leur conneries", comme du reste toute la profession (du livre) le leur a instamment et conjointement demandé ?
Ne gagnerait-on pas du temps, et de l'argent, à s'adresser directement (pour les tancer vertement) aux responsables officiellement désignés de ces "menaces", plutôt qu'à convoquer, comme vous nous le précisez un  peu plus loin :

"A l’occasion de la Présidence Française de l’Union Européenne, les 5 et 6 septembre 2008 à Paris,
au Museum National d’Histoire Naturelle, ce sont ces artisans européens de la culture que Christine Albanel, Ministre de la Culture et de la Communication, souhaite mettre à l’honneur dans le cadre des «Arènes européennes de l’indépendance». Artistes, auteurs, producteurs, diffuseurs, exploitants, entreprises très petites, petites et moyennes, sont invités à prendre la parole et à se mobiliser pour défendre la culture indépendante
."

D'autant que, dans l'hypothèse où il y aurait à ce genre de chose d'autre motif que le goût de la vaine exhibition chère à la société du spectacle, et en l'occurrence de l'esbrouffe, ou une entreprise d'encouragement de la cuistrerie déjà si répandue dans ces milieux, dans l'hypothèse donc ou telles ne seraient pas vos intentions, la question qui vient à tous les esprits est :

A quoi tout ça peut il bien servir ?

Sinon, une fois de plus, amuser la galerie et distraire le chaland du "marché de la culture" (la distraction semblant être une des préoccupations majeures de notre actuelle république bouffonne, au point qu'on peut raisonnablement se demander : les distraire... De QUOI ?  Qu'est-ce qui justifie dans le "réel" et le quotidien de nos citoyens qu'ils doivent être si continuellement et si efficacement "distraits" ?).
Bon, là dessus , suit un passage de pure langue de papier buvard, dont la densité d'insignifiance verbeuse est telle qu'il n'est pas loin de coller au palais de son locuteur... Je vous en livre néanmoins la substantifique moelle :

"Si la notion de qualité d’une oeuvre demeure subjective, en revanche, la capacité d’apprécier des oeuvres pérennes ne peut se développer qu’avec du temps. Le temps pour le public de choisir, et non pas d’être mis en situation de «consommateur sous contrôle assisté». Le temps démocratique de découvrir et d’apprécier. Le déséquilibre entre les projets dits spécialisés ou de «niche» (mais qui veut rester dans sa niche ?) et ceux qui monopolisent les accès à une large diffusion augmentera… Un livre, un disque, un film, une oeuvre plastique, toutes les créations ont droit à une durée de vie ou d’exposition supérieure à trois semaines. Trop souvent, le marché précède la création, le média son «contenu». Faute d’un tissu dense de PME et TPE, garantes de ce pluralisme culturel, l’instrumentalisation de la culture risque d’occuper toute la place. Cet enjeu concerne aussi les artistes, trop souvent placés « hors jeu».

Et pour finir, le contexte (passablement brumeux) de ces "rencontres" aux "arènes" étant ainsi vaporisé :

Les «Arènes européennes de l’indépendance» exploreront la dimension européenne du débat sur la création, la production et la diffusion des oeuvres en Europe.

Alors, finalement, de quoi va-t-il s'agi(te)r ?

Il s’agira donc, pendant deux jours de débats, rencontres, conférences et concerts, de dresser un état des lieux des bonnes pratiques et d’évaluer les obstacles pour parvenir à des propositions concrètes susceptibles de trouver un écho au sein des instances européennes.

Aaah booon ... c'est donc ça  ... un raout festif, où entre deux cocktails émaillés de saltimbanqueries en vogue on pourra pontifier à loisir en écumant les ponts aux ânes du "tout culturel" ?

Pour les concerts, faut voir.
Pour les bonnes pratiques , je vous invite à fréquenter les librairies plutôt que les arènes .
Et pour la dernière partie de la phrase, si elle a un sens il me semble pour le moins ésotérique.

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Urbain

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