L'homme nu ou la dictature invisible du numérique, est le titre intégral du livre que j'ai lu cet été. Les auteurs Marc Dugain et Christophe Labbé nous dressent un état inquiétant du phénomène de victimisation, liée à la cybersurveillance planétaire et aux manipulations des algorithmes, dont nous sommes victimes à l'insu de notre plein gré.
Certes, il faut prendre conscience de la perversité du big data de Big brother is watching you, mais comme pour toutes choses, il faut savoir séparer le bon grain de l'ivraie.
Notons que les auteurs nous précisent (p. 13) : Les big data déploient suffisamment d'énergie à promouvoir les bénéfices de la révolution numérique pour qu'il soit inutile ici de les rappeler. Nous ne nous attarderons donc pas sur les effets positifs de la révolution numérique, mais plutôt sur la menace sournoise qu'elle fait désormais peser sur notre liberté individuelle, la vie privée, notre droit à l'intimité, et plus généralement sur le danger qu'elle représente pour la démocratie.
NB : Concernant les informations citées dans ce livre, gardons en mémoire qu'il a été publié en mai 2016.
Je vous propose une synthèse de ce livre sur La dictature invisible du numérique, par chapitres, avec des extraits et " mes points de vue " (MPV).
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Introduction
L'objectif des big data et ni plus ni moins de débarrasser le monde de son imprévisibilité, d'en finir avec la force du hasard. Jusqu'ici, les raisonnements statistiques et probabilistes sur des échantillons de population plus ou moins importants laissaient une place à l'interprétation. Avec la révolution des big data, le raisonnement aléatoire disparaît progressivement au profit d'une vérité numérique fabriqué à partir des données personnelles, que 95 % de la population celle qui est connecté, accepte de céder (p 8)
Depuis le début du XXe siècle, un écart croissant s'est creusé entre l'omniprésence de la technologie dans notre quotidien et le faible niveau de compréhension que nous en avons. Le grand public est tenu à distance des enjeux qui se dessine, mal informé par une industrie qui privilégie l'opacité à l'abri de laquelle prospère ses intérêts économiques. Les avantages à cours terme des données massives au culte cette transformation majeur dans l'histoire de l'humanité quel asservissement volontaire un système d'information depuis le début du XXe siècle, un écart croissance est creusé entre l'omniprésence de la technologie dans notre quotidien et le faible niveau de compréhension que nous en avons. Le grand public est tenu à distance des enjeux qui se dessine, mal informé par une industrie qui privilégie l'opacité à l'abri de laquelle prospère ses intérêts économiques. Les avantages à court terme des données massives au culte cette transformation majeur dans l'histoire de l'humanité quel asservissement volontaire un système d'information (p 12).
C'est de la réussite machiavélique d'une industrie qui a pris définitivement le contrôle de la terre, sans contrainte ni violence apparente, que nous allons parler (p. 13)
MPV - On prend de plus en plus conscience des manipulations d'acteurs majeurs comme Facebook (cf. Scandale Facebook-Cambridge Analytica). Les gouvernements ne tarderont pas à s'y attaquer, même s'il leur faut un peu de temps pour prendre conscience du phénomène des manipulations perverses d'acteurs, à commencer par Facebook, et adapter la législation type RGPD
Terrorisme et big data
Ce n'est pas tant par le nombre de morts qu'ils provoquent que les terroristes mettent en danger nos sociétés, mais par l'effet de souffle médiatique des attentats que démultiplie Internet. Sans le vouloir, les big data propagent ainsi, au cœur des sociétés occidentales, cette onde de choc au pouvoir fracturant (p. 18)
Sans les réseaux sociaux, Daesh n'aurait pas recruter, comme il l'a fait, des milliers de combattants aux quatre coins du monde, en utilisant le pouvoir hypnotique d'Internet pour aimanter en Occident des jeunes en perte de repères, et pas seulement sur le " Darknet " dont on reparlera plus tard. En France, regarder les sites djihadistes mettant en scène des exécutions est aujourd'hui un délit, mais pas pour Google et Facebook qui, malgré leurs déclarations officielles, rechignent à jouer les censeurs (p. 19)
MPV - les Facebook, LinkedIn, Twitter et YouTube (pour ne citer que les majors) sont-ils hébergeurs ou éditeurs ? Dans ce pays du numérique planétaire sans foi ni loi, il faut clairement définir des règles. Et comme toute nouvelle technologie, la réglementation est inéluctablement créé quelques temps après la naissance d'une nouvelle technologie (le code de la route a été créé après la création de la voiture, et non l'inverse. Et il a évolué au fil du temps. Il en sera de même pour la législation des réseaux sociaux). Sachant qu'Internet, et plus particulièrement les réseaux sociaux, sont un monde sans frontières, l'évolution de la législation ne peut être que mondiale !
Bon nombre de djihadistes sont passés par la case délinquance. Donc, au-delà du rôle et des responsabilités des grands industriels du numérique, l'enjeu majeur de la société humaine sont l'éducation et la formation... travail de long terme : minimum une génération ! Ce n'est pas sans raison que certains politiques, à la présidentielle.fr 2017, en ont fait un axe majeur comme Alain Juppé : Enseignement la mère des réformes.
L'éducation est l'arme la plus puissante qu'on puisse utiliser pour changer le monde (Nelson Mandela)
Le monde selon les big data
Si 70 % des données générées le sont directement par les individus connectés, ce sont des entreprises privées qui les exploitent. C'est ainsi qu'Apple, Microsoft, Google ou Facebook détiennent aujourd'hui 80 % des informations personnelles numériques de l'humanité. Ce gisement constitue le nouvel or noir (p. 23).
Aujourd'hui, ce sont les États-Unis qui contrôlent les big data. Les Bill Gates et autres Mark Zuckerberg, patron de Facebook, sont les nouveaux Rockfeller. Ceux auxquels l'État américain a déléguer l'exploitation, le stockage et le raffinage des gisements numériques. Jamais, dans l'histoire de l'humanité, un aussi petit nombre d'individus aura concentrer autant de pouvoirs et de richesses. Le monde digital aura donné naissance à une hyper oligarchie. Et, contrairement au pétrole, la donnée est une matière première inépuisable, elle jaillit en permanence des pipelines numériques. 90 % de la masse des data disponibles a été créée ces dernières années (p. 24).
À elles seules, Apple et Alphabet sont assises sur une montagne de cash de 289 milliards de dollars ! (p. 25).
Le monde des big data avec de gigantesques flux de recettes incontrôlables est celui de la super-mondialisation qui anéantit l'idée de frontière et menace le modèle européen, à la traîne dans la récolte et le traitement des données (p. 32).
MPV - Premier remède : il faut casser cette situation monopolistique. Deuxième remède : ce n'est plus un pays comme la France qui peut combattre ou rivaliser avec les majeurs de l'Internet. C'est au niveau européen qu'il faut s'organiser, notamment pour la R&D de l'intelligence artificielle, et on ne manque pas de cerveaux : il faut " simplement " se donner les moyens de garder et d'attirer les meilleurs !
La prophétie de Platon
Le reflet de la réalité est devenu, dans nos têtes, plus important que l'arrivée de la réalité elle-même. L'un des symptômes du mal qui nous frappe est la frénésie pour la photo souvenir. Une boulimie visuel encouragée par les smartphones qui permettent de photographier et de stocker quasiment à l'infini ces images et de les partager instantanément aux quatre coins de la planète. 80 millions de clichés sont échangés chaque jour sur Instagram, l'application de partage de photos et vidéos de Facebook, par ses 400 millions d'utilisateurs. Ce qui compte, ce n'est pas l'instant mais ça capture numérique. Le présent ne prend sens que sous forme d'un souvenir pixelisé (p. 34).
Partout sur la planète, une épidémie frappe les clients (des restaurants) qui, lorsque le plat arrive, sortent leurs smartphones pour l'immortaliser et le poster sur les réseaux sociaux. Un partage illusoire qui fait de l'assiette un simple trompe-l'œil, puisque l'essentiel, l'émotion ressentie par les papilles, n'est pas numérisable, sans parler de la convivialité d'être ensemble à table. Ce qui prime est donc l'hologramme de la vie. L'image du réel prend le pas sur le vécu. La mode des selfies renvoie de manière saisissante aux ombres projetées sur les parois de la caverne de Platon (.../...) Captivés par la perfection du virtuel, nous en arrivons à presque détester le réel, sa complexité, ses défauts, son imprévisibilité faite de hasards déroutants (p. 35).
En réalité, comme le dit l'adage : " Si vous ne payez pas pour quelque chose, vous n'êtes pas le client, vous êtes le produit " . C'est le prix à payer. En entrant sur le réseau, nous scellons, sans le savoir, une sorte de pacte avec le diable : notre identité numérique contre des services en libre accès toujours plus personnalisé. La valeur marchande de l'individu 2.0 (.../...) n'est plus sa force de travail mais son identité numérique qui sera revendue plusieurs fois, comment on le faisait sur le marché aux esclaves (.../...) Autrement dit, les internautes producteurs bénévoles de données sont exploités mais heureux de l'être... En nous connectant, nous nous croyons autonomes, libres, alors que nous nous soumettons à la machine (à la Matrice, sic) (p. 39).
Le conseil d'État s'est récemment penché sur la question, dans un rapport consacré au numérique et aux droits fondamentaux. " Aujourd'hui déjà, un internaute ne voit pas les mêmes résultats de recherche qu'un autre. Il ne voit pas non plus les mêmes publicités, ni les mêmes articles sur un portail d'informations, ne dispose pas des mêmes offres commerciales que son voisin. Ce qui pourrait poser de graves problèmes d'accès à l'information " , écrivaient, en septembre 2014, les magistrats du Palais-Royal. En lui proposant uniquement des articles, des vidéos ou des sites censés refléter ses goûts, les algorithmes pourraient bien " enfermer " l'internaute dans des entonnoirs (.../...) En conclusion de son rapport, le Conseil d'État en appelait à " la création d'un droit des algorithmes " (.../...) Pour nous maintenir au fond de la caverne, nous est vendu la grande illusion : celle de ne plus être jamais seuls, parce que le réseau va tous nous connecter. Sauf que c'est l'exact inverse qui s'est produit. " L'hyper connexion donne le sentiment d'être tous reliés aux dépens des frontières, des cultures, des langues..., alors que nous sommes enfermés, chacun, dans un univers virtuel, coupé du réel " (p. 40/41)
Il ressort de cet isolement des " psychopathologies " croissantes qui vont de la paranoïa à la névrose obsessionnelle. On le sait, la névrose obsessionnelle est un mécanisme de défense contre la dépression qui menace de plus en plus de jeunes, sans parler de l'inhibition croissante, de la perte d'empathie déjà mentionnée qui, en rendant l'individu incapable de mesurer la souffrance causée par la violence, est susceptible de déclencher un passage à l'acte. On le constate de plus en plus souvent aux États-Unis avec ces carnages, perpétrés par les enfermer sur eux-mêmes (p. 43)
MPV - Cette dépendance aux médias n'est pas nouvelle. Patrick Le Lay, ex-PDG de TF1, l'a très bien formulé en 2004 : " Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible ". C'est le principe même du fonctionnement de la publicité. La différence avec la télévision, c'est que nous avons nos smartphones à portée de main et constamment sous le nez, au point que de plus en plus de personnes sont atteintes d'athazagoraphobie et de nomophobie !
Ce n'est pas sans raison que l'élite de la Silicon Valley contrôle de manière stricte l'utilisation de la technologie par leurs enfants et, en outre, la lecture de livres imprimés est encouragée (source : Pourquoi Steve Jobs et Cie ont gardé leurs enfants éloignés des iPads -Express Business 16 sept. 2014)
Je crains que sur ce terrain, ce soit une fois de plus les CSP+ qui prennent conscience de ce cancer, et que se développe - à l'image de la malbouffe - une nouvelle de fracture du numérique entre les conscients et les nomophobes. A chacun de rester maître de sa vie numérique.