On l'a introduit doucement, avec doigté, d'abord en images en animation. Puis comme personnage en soi. Une marionnette de petite fille de 4 ans. C'était subtil et bien fait. Elle ne quittait jamais son lapin jaune, Fluffster. Elle s'amusait avec les autres Muppets. Différemment. Bien visible avec ses écouteurs près de la chanteuse dans la parade de l'action de grâce aux États-Unis. Elle est vite devenu un triomphe pour les autistes fonctionnels d'Amérique.
Toutefois, cette mignonne héroïne pour autistes. depuis peu, est devenue un véhicule de promotion pour les parents de jeunes autistes. Les guidant dans les "5 étapes du deuil" de leur (toujours vivant) enfant.
Une trame narrative qui donne froid dans la chaleur ensoleillé qu'amenait Julia à l'écran.
La beauté du personnage de Julia était qu'elle ne vivait pas la rejection sociale, ni l'isolation comme trop de jeunes autistes, mais présentait toujours un monde meilleur, où sa différence était totalement acceptée, et où les amis pleuvaient. Un idéal heureux pour bien des autistes fonctionnels de nos jours. Petits ou grands. Car les grand(e)s sont toujours à l'écoute du (de la) petit(e) en eux. Quand Julia chante "We all can fell happy, we all can feel sad", c'est bouleversant pour un autiste qui, trop souvent, est considéré comme un être ne "ressentant" généralement rien du tout.
Comment alors expliquer cet incursion vers le deuil?
L'Autistic Self Advocacy Network, l'unique organisation reconnue aux États-Unis en ce qui concerne les autistes, était, jusqu'à tout récemment, consultant pour les trames narratives autour de Julia. Se basant sur leur propres clientèle. Pour une fois on ne tentait pas de dépeindre l'autisme comme sensationnel ou dramatique. Simplement facile à intégrer. Et positif.
Mais Sesame Street a choisi aussi de s'associer à Autism Speak. Un regroupement parallèle qui se concentre moins sur l'autiste que sur l'entourage de l'autiste, et qui est nettement moins professionnel que l'ASAN.
Dans leur programme d'introduction, Autism Speak dit maladroitement qu'avoir un enfant comme Julia dans Sesame Street est comme avoir un enfant mort. Puis, on évoque la tragédie. Une femme se plaint qu'une enfant à l'école du sien, a toute l'attention car il a la leucémie, pas le mien, qui a des invalidités mentales.
Duh!
C'est ce type de bon jugement et de grande maturité qui est exposé...
Le cancer ne se compare pas à l'autisme et on ne meurt pas d'autisme.
On y suggère aussi des recettes sans gluten, sans lactose, des diètes pour autistes qui n'ont AUCUNE valeur scientifique prouvée. Mais qui rapportent des sous en partenariats. Voyez le genre...
Pas difficile de croire qu'ils ont sorti les joueurs de flûtes afin de charmer les serpents tenant les cordons de la bourse des productions de Sesame Street.
Le deuil est effectivement une étape du développement PARENTAL et FAMILIAL, mais peut être fameusement dommageable lorsqu'explicitement exposé à l'autiste comme Autism Speak & Sesame Street le font en ce moment. Car l'ASAN a choisi de se retirer des consultations, voyant qu'Autism Speak y amenait ses gros sabots sur les plateaux.
Les autistes avaient besoin d'aimer un personnage comme eux, de manière non compliquée.
Et Julia avait été un fameux succès jusqu'à maintenant.
Mais on a changé du tout au tout le personnage, devenu plus près du spectre de l'autisme, que de son potentiel rayonnement social.
Ce n'était pas voir avec des lunettes trop roses.
C'était donner des vapeurs d'espoir à des gens qui se le feront couper partout ailleurs.
Volontairement ou non.
Les autistes ne sont pas des tares.
Ce sont des bulles dans un monde oxygéné.
De splendides bulles qui ne pêteront jamais.
Et qui pourraient même nous apprendre à voler.
Une touchante émission sur les réalités autistes, mettant (entre autre) en vedette le fils de l'animateur Québécois Charles Lafortune et l'actrice et actuelle présidente de l'Union des Artistes, Sophie Prégent, et co-produite par Lafortune, et qui parlera aussi de l'enfant de Mathieu Gratton et de Patrica Paquin, est en ondes sur Moi & Cie depuis vendredi.