Rentrée littéraire : une pluie d’étoiles

Par Pmalgachie @pmalgachie

Dans Le Monde daté d’hier, la série d’été « Le Monde et moi » s’ouvrait aux relations entretenues avec le quotidien par le délégué général du Festival de Cannes, Thierry Frémaux. Le titre m’avait fait frétiller : « Cette distribution d’étoiles à laquelle l’époque succombe ». Car j’ai déjà écrit, ici ou là, combien l’assimilation d’une production culturelle à une matière pour guides gastronomiques me semble une dérive à côté de laquelle les promesses de la lecture rapide ne représentent qu’un péché véniel. Thierry Frémaux, donc, laisse entendre, bien que sans la virulence que j’aurais pu y mettre, combien « cette distribution d’étoiles à laquelle l’époque, hélas, succombe partout » (le « hélas » en dit long) l’irrite. (Ici, un douloureux aveu : le journal pour lequel je travaille pratique aussi cette politique des étoiles, et je m’étais donc employé, en début de semaine, à noter – le vilain mot ! – les livres de la rentrée sur lesquels mes articles paraîtront demain dans Le Soir. Trois étoiles donc, sur un maximum de quatre, pour Claro et Ottessa Moshfegh, deux pour Guillaume Lavenant, Aurélie Champagne et Jérôme Attal.) Au lendemain de la lecture de cette colonne qui faisait du bien, je lus Lire, activité mensuelle, ou presque, tout à fait plaisante. Mais, au fil des pages, une gêne naquit, en raison de la générosité avec laquelle les mêmes étoiles que j’avais utilisées quelques jours plus tôt étaient distribuées. Dans le magazine dont Bernard Pivot (pas avare d’admirations, réelles ou feintes) fut le premier rédacteur en chef, on peut monter jusqu’à l’attribution de cinq étoiles – c’est quel grade, ça ? ou bien est-ce une référence à un mouvement politique italien ? Ce qui fait, si je compte bien, et en n’oubliant pas la possibilité de l’absence d’étoile, six niveaux d’appréciation. Le niveau supérieur, comme les autres, a une signification, fournie en fin de mensuel : « Lire a aimé à la folie ». D’accord… (Les quatre étoiles ont la même signification chez nous où, comme dans Lire je suppose, chaque rédacteur d’article est responsable de ses choix.) Cela se confond-il avec la notion de chef-d’œuvre, du genre de celui que les chroniqueurs se réjouissent de découvrir chaque semaine ? Donc, je lus Lire – je l’ai déjà dit.
  • Page 17, Josyane Savigneau attribue cinq étoiles à Edna O’Brien.
  • Page 49, Baptiste Liger, cinq aussi pour Sylvain Pattieu et Sylvain Prudhomme.
  • Page 51, Laëtitia Favro, cinq à Yannick Grannec.
  • Page 81, Josyane Savigneau récidive avec Joyce Carol Oates.
  • Page 85, Hubert Artus fait le maximum pour Tommy Orange.

Et voici donc six chefs-d’œuvre, admettons, à lire toutes affaires cessantes. Après quoi vous pourrez passer à la petite vingtaine d’ouvrages crédités de quatre étoiles (que Lire aime « passionnément »). Cela devrait vous occuper suffisamment pour attendre sans impatience le prochain numéro du magazine.