En suivant les méandres de l'eau, nous comprenons que sa présence apporte une paix, un calme aux habitants qui se reflète parfaitement dans l'emplacement même des édifices. Ainsi, l'Université abrite un centre d'art et se laisse traverser par le canal. De même la cathédrale est posée sur un semblant de lac, un endroit où le cours de l'eau s'interrompt pour permettre, qui sait, à Dieu de mener sa barque jusqu'au monument qui lui a été construit. Et il ne s'agit pas d'une simple petite église de rien du tout. L'intérieur est lumineux, coloré, vivant, brillant, presque festif. Comme dans beaucoup d'églises irlandaises, l'entrée est très payante, mais étant donné le trésor de décoration et d'architecture qu'elles renferment, on veut bien leur pardonner.
Plus loin, la rivière Corrib s'élargit et nous voici sur le pont des saumons, ainsi surnommé car ces délicieux poissons le remontent sportivement chaque année à la saison des amours pour aller se reproduire en amont, à l'endroit où le fleuve forme un immense lac. De saumon, nous ne verrons pas la couleur, mais nous sentirons leur odeur qui nous mettra, nous le reconnaissons, l'eau à la bouche. D'ailleurs, c'est un met de choix de la cuisine irlandaise que l'on sert cuit ou fumé. Ce saumon-là, messieurs dames, ne provient pas des élevages intensifs et alimentés d'antibiotiques norvégiens, qu'on se le dise ! Si nous n'avons pas croisé l'animal roi de Galway, nous avons en revanche aperçu quelques talentueux pêcheurs à la mouche qui lançaient au-dessus des flots leur longue ligne avec une adresse et une élégance toute artistique.
Fin du parcours. Devant nous, le fleuve qui entre dans les terres. Nous ne savons que trop bien ce qu'il y a après. Il y a cette immense lac Corrib, cette mer intérieure dans laquelle la rivière prend sa source. Il y a cette étendue tantôt bleue, tantôt grise selon les caprices du ciel et des nuages qui s'y reflètent. Il y a cette route qui longe le lac et qui conduit au sauvage et mystérieux Connemara. Ce chemin, nous l'avons déjà parcouru et nous savons les merveilles vers lesquelles il mène. C'est pourquoi, face à la promenade urbaine qui se termine en une sorte de quai, c'est un départ mental et intérieur que nous entreprenons. Vers l'intérieur des terres. Sans doute ce monsieur assis non loin de là, sur les marches de sa maison, le regard perdu dans l'eau et le sourire aux lèvres, est-il en voyage là-bas lui aussi. Un instant, nous envions son rêve éveillé.