Philippe auguste de Sainte Foy, en 1755, parlait de la morale en la décrivant comme plus haut dans le titre: Le tyran de l'esprit et l'esclave du coeur.
Nous sommes allés à Cape Cod la semaine dernière. Nager avec les requins et les lions de mers.
Nous étions avec deux couples d'amis et avec leurs enfants. Un soir, l'amoureuse, notre fille de 16 ans, une amie, sa fille de 16 ans, sont allé au liquor store le plus près. Ma conjointe a demandé à Punkee, notre fille de l'aider car le panier choisi était trop petit. Elle a demandé d'aller porter deux bouteilles au comptoir. C'était un jeudi soir, il y avait peu de monde en magasin. Sans le réaliser tout de suite, elles étaient toutes deux espionnées par videocamera par les deux trentenaires au comptoir. Austèrement. Elles les attendaient toutes les 4 de pied ferme.
"You! you're cards!"
Punkee a 16 ans. Mais en parait souvent deux ans de moins.
"Mais rien n'est pour elle, j'achète cela pour moi, mon chum et mon fils! et ça ne vous regarde pas ce que j'achète de toute manière!" a dit ma blonde dans un anglais émotif.
"C'est vous qui achetez, mais c'est elle qui choisit, on a tout ça sur video" a répondu fièrement
"Elle (pointant la fille de notre amie) n'a rien touché, mais ELLE (pointant le diable en personne, ma fille)..."
"I want the both of you OUT!" a dit pompeusement la première. Quand notre amie a voulu timidement acheter son stock à elle, elle a finalement aussi été expulsée. "One party of four, all OUT!"
Elles ont quitté en riant.
"You're business loss!"
Elles ont racheté tout ce qu'elles avaient prévu faire ce soir-là au coin de rue suivant. Laissant les deux ados dans l'auto par mesure préventive. (Buvant des Smirnoff sur la banquette arrière pour tourner le fer dans la plaie).
J'ai ri quand elles m'ont compté la chose. Si j'avais été là, j'aurais souligné l'absurdité que les deux jeunes filles de 16 ans auraient pu être armées sans être inquiétées, mais aider maman ou toucher à des bouteilles oooooooouh! vade retro satana!
"Don't forget to pray for us" j'aurais rajouté en quittant.
Car leurs yeux qui roulaient, paraît-il, quand sortaient mesdames bredouilles la première fois, trahissait surement deux jeunes pieuses aveuglées de Dieu. Et leur morale à 5 sous.
À Cape Cod, sans le réaliser tout de suite, j'ai acheté deux livres de héros locaux.
Norman Mailer (de Provincetown) et une bio sur Jack Kerouac (de Lowell).
La piste Mailer m'a rappelé son livre The Executioner's Song, son pultizer de 1980. Que j'ai chez moi et n'ai jamais complètement terminé. Le livre fictionalise l'histoire de Gary Gilmore, premier condamné à mort en 10 ans, en Utah, en 1976. Qui avait suscité un débat moral, alors, sur le retour récent de la peine capitale dans cet État. Au retour, au lieu de (re) commencer The Executioner's Song, j'ai trouvé le film entier de 1982, sur Youtube. Avec de jeunes Tommy Lee Jones et Rosanna Arquette. Tous deux pas mal du tout. La séquence d'ouverture du générique était parfaite pour mes sens. En écoutant le film j'ai été saisi par une scène qui laissait entrevoir une affiche dans un dépanneur. Ce n'était pas ce qu'on devait remarquer.
No guns sold on sunday.
Deux couches de morales extraordinairement douteuses.
Nous revenions des États-Unis où les ponctuelles tueries aveugles n'avaient pas cessé. Où la douteuse prière suit toujours.
Candidement, dans un dépanneur, comme on aviserait que les brosses à dents étaient en solde, on avisait qu'on ne vendait pas de fusils, les dimanches.
Quand Gary Gilmore tue gratuitement le gérant d'hôtel Bennie Buschnell, qu'il vient de voler, on est alors dimanche le 20 juillet 1976. D'une balle à la tête alors couché à plat ventre comme Gilmore lui avait ordonné de se placer à la pointe du fusil.
Il le tue un dimanche mais n'avait pas acheté son fusil un dimanche.
Les gens n'ont jamais cessé de prier pour ce qu'il avait fait en 1976.
Nous sommes sauvés!
Nous sommes sauvés grâce à ces gardiens de la morale.
Tyran de l'esprit et esclave du coeur.
Tenter de comprendre les gens des États-Unis par leurs interprétations des écrits religieux ou du second amendement, c'est comme tenter de faire progresser les dialogues par le cunnilingus.