Les habitants de cette oisive demeure ne cultivent plus leur jardin.
La campagne qui s’impatiente autour de la maison s’enhardit et maraude dans le potager rendu à sa paresse.
Les animaux domestiques ont délaissé depuis longtemps ce lieu à part un chat ou deux qui nous ressemblent quand nous dormons.
Les roses et les pivoines reprennent leur couleur d’aube.
Chaque jour de contemplation habitue notre pas à plus d’indolence.
Pour habiter la maison vide, il suffit de longer ses murs une ou deux fois, de temps à autres.
Dans le petit soleil, nous y croquons le pain du jour sous l’influence de l’enfant vagabond qui se souvient de nos cabanes du temps jadis.
Les nuits d’orage, il regagne les forêts du sommeil, comme une bête aux yeux tragiques.
Le passant qu’il redevient le lendemain prend le chemin le plus court alors que sa pensée emprunte le plus nécessaire.
Voilà pourquoi on rechigne à démolir cette vieille baraque.
Extrait de mon recueil L'inventaire des fétiches, © Éditions Orage-Lagune-Express, 1988.
Photo Christian Cottet-Emard